Je me contenterai de quelques remarques sur le premier point, me réservant de revenir sur les autres en leur appliquant la même approche. La paix, la sécurité, la réconciliation ont un prix, que doivent payer en nature tous ceux qui y sont attachés autrement qu’en proclamations démagogiques. Je pars de l’idée que nos «élites», commis de l’Etat ou responsables politiques, aussi bien que les citoyens quel que soit leur degré d’instruction, ne manquent ni d’intelligence et d’imagination, ni d’expérience de terrain. Qu’est-ce qui les empêche de faire ensemble pour le soumettre aux débats, le recensement de toutes les pratiques contraires à l’esprit de concorde, de tous les comportements qui menacent la paix en poussant à la révolte et aux violences des individus qui, à l’évidence, n’étaient pas terroristes à leur naissance ? Les grands débats autour des projets de société ne sont pas inutiles mais, s’il vous plaît, mettons en place tous ensemble les avertisseurs d’incendie qui détecteront la fumée avant le feu, repérons ensemble les points où s’accumulent, volontairement ou non, les matériaux inflammables qui n’attendent que l’étincelle, repérons les vents qui soufflent sur les braises ou les feux déjà allumés.

Ne serait-ce pas la voie la plus consensuelle vers des conclusions toutes simples, acceptables par tous et qui ne trompent pas, vers des mesures, encouragements et sanctions, par exemple, au plan politique : mobiliser en un large éventail les «éradicateurs» et «dialoguistes», les islamistes ouverts à la tolérance et au bien commun et les partisans d’une saine laïcité, les arabisants et berbérisants, les socialistes et les partisans d’un libéralisme respectueux des droits sociaux et de l’intérêt national, pour bloquer et mettre fin dans l’action aux élections à la Naegelen, à la Moubarak ou à la Benali ; déjouer et neutraliser les méthodes de basse police, baptisées complots scientifiques – pauvre science ! – qui tentent de freiner ou désagréger les formations qui expriment fondamentalement les grands courants de l’évolution sociale algérienne. Créer de nouvelles conditions dans lesquelles la place des journalistes n’est pas en prison et devant les tribunaux, ou agenouillés devant les râteliers et les pompes à finance, condamner et sanctionner ceux qui par divers moyens les contraignent à avilir leur profession, N’est-ce pas ensemble, en levant les barrières dressées entre nous par les profiteurs de nos divisions, que nous pourrions rendre à la télévision nationale sa mission de service public fait pour les citoyens, moyen idéal pour tous, dans le respect de règles déontologiques, d’exposer leurs problèmes, de confronter leurs propositions, en un mot de promouvoir l’esprit de paix et de réconciliation active autour d’objectifs communs qu’aucun(e) Algérien(ne) honnête ne peut récuser.

Il faut ensemble donner force à l’évidence, inscrite même dans la loi du pays. Que les syndicats soient par définition des organisations autonomes. Que leurs responsables régulièrement élus soient comptables devant leurs seuls adhérents et que toute violation de la loi rappelant l’article 120 du parti FLN de triste mémoire soit strictement sanctionnée.

Je ne vais pas plus loin. Rêveur, idéaliste, diront les cyniques d’une «realpolitik» qui a mené le pays où nous sommes. Ils ne demanderaient pas mieux que de nous laisser régler des comptes dans le ciel des idéologies et des grands projets pour leur laisser la voie libre dans les problèmes «terre à terre» qui font la trame vivante de la vie nationale. Je laisse donc aux vingt millions d’Algérien(ne)s en âge et en capacité de le faire, eux qui ,dans les réalités quotidiennes, poursuivent aussi depuis l’indépendance un rêve inaccompli, je leur laisse le soin de compléter la liste des propositions concrètes pour la paix et la réconciliation. Ils le feront mieux que moi, et aux médias dignes de la profession de s’en faire l’écho.

La réconciliation serait donc si simple ? Oui, mais…

Quel est ce «mais» qui a incité au branle-bas de référendum ? Où est le simplisme ? Des esprits éclairés ont dit que la solution de problèmes compliqués est souvent la plus simple. A condition bien sûr de déceler où se trouve le «mouchkel» ? Pour le trouver, peut-être pas besoin de référendum mais, pour commencer, un «truc» plus économique et plus éclairant, ouvrir en grand les portes et fenêtres du débat libre et honnête.

«Aftah ech-chebbak» (ouvre la fenêtre), comme chantait du temps de Sadate dans les rues et cafés du Caire le regretté barde de la fronde égyptienne Cheikh Imam, pour dissiper «bahr edhalam», (l’océan des ténèbres). Pensait-il aux écrans opaques des télévisions de chez nous et d’ailleurs ?

Sadek Hadjerès
Ancien Premier Secrétaire Du Pags, 1966-1990
publié par Le Quotidien d'Oran
29 septembre 2005

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