Le viol, les abus sexuels : Il s’agit d’un des moments des plus déconcertants pour l’esprit, des plus saignants pour le corps. Dans le sens ou la souffrance s’interjette par ce qui doit être en temps normal des canaux de plaisir. Que l’on fasse par ce jeu sadique provoquer du plaisir chez l’individu ou qu’on en tire plaisir par des moyens douloureux ou non, on transcrit dans sa mémoire psychosomatique une confusion des genres qu’à jamais il ne pourra entièrement surmonter. Le plus dur c’est lorsque dans cette confusion, un déphasage inqualifiable se produit : Les nerfs revoient des signaux, autres que de douleur, mais de « plaisir » car ainsi les gestes qui devaient produire ces sensations, à l’état normal, devaient s’accorder avec une telle traduction. Alors que l’esprit  rejette et refoule… avant de s’effondrer… alors qu’il souffre… et qu’il souffre bien ! Ce « plaisir » bloqué, laisse place à l’excitation, puisque l’esprit refoule ce « plaisir » et que seuls les nerfs sont mécaniquement sollicités, ils envoient toujours le signal, celui de la seule « excitation ». Mais une « excitation » constamment coincée entre refoulement et abdication des sens par relâche, fatigue, épuisement… Le sentiment provoqué de honte lors de telles séances s’étale plus loin dans le temps avec la douleur psychique et les sensations physiques mémorisées que réinterprètent les sens à chaque fois qu’ils sont appelés, même plusieurs années plus tard, à accomplir leur rôle biologique. Une autre fonction naturelle d’être vivant est atteinte ! Le plaisir que veut le sens humain est « déshumanisé », «l’animalisation » est entière et, au-delà, il y a, avec ce qui est décrit plus haut, la création des conditions de non-vie, de simple existence, mécanisée, dénouée de vie, dans « l’état de torture ». L’accaparement du corps de la victime par le tortionnaire donne une ascendance absolue et une présence permanente à ce dernier, il est pour toujours « son tortionnaire ». Son odeur, son souffle et même ses gémissements de plaisir resteront dans la mémoire qui rappellera au corps chaque parcelle où « son tortionnaire » s’est incrusté.

Ce n’est pas sans raison que le terme « émotion » n’est pas ici mentionné, car dans « l’état animal » puis dans l’état de « simple existence », de « non-vie », « état de torture », les émotions à proprement parlé disparaissent au profit de réactions moins humainement expressives : la douleur, la souffrance, la peur… L’émotion étant à un autre stade, supérieur, celui de « l’état Humain », est perdue dans le stade de « déshumanisation ». C’est pourquoi souvent on dit : « J’ai pleuré mais je n’avais plus de larmes ». De même que souvent les tortionnaires disent : « Pleur maintenant si tu peux ». Cette émotion revient en retravaillant ce passé, ô combien encore cramponné au présent ! Et qui empêche la victime d’aller de l’avant, naturellement, de concevoir rationnellement l’avenir… Alors, il arrive qu’on pleure des années, bien des années plus tard… Et que l’ondulation de l’émotion travaille à réduire celle de « l’état de torture ». Il faut alors gérer cet autre état : « L’état Humain » ! Réapprendre à vivre !

Les soins, le temps, mais aussi la lutte, des années plus tard, atténuent le mal mais jamais ne l’effacent. La langue se délie et on en parle avec moins de honte… C’est déjà une victoire ! La médecine y est pour beaucoup ! On revient de loin quand on revient de cet « état de torture », on doit tout reconstruire, depuis l’existence jusqu’à l’être et de la survie animale jusqu’à la vie humaine, à l’humanisation, puis reprenant la signification de « l’Humain », reconstruire les rapports sociaux, réintégrer la civilisation… On échoue souvent ! On rechute ! Mais il faut reconnaître à ceux qui nous tendent la main d’être là, malgré tout et en face de tous… Pour nous ! Cela peut paraître normal, la moindre des choses dans « l’état Humain », mais quand on revient de « l’état de torture », dans lequel l’autre, la société, la civilisation se sont sémantiquement désagrégés, il n’y a que cette lutte de l’autre, de la société, de la civilisation contre « l’état de torture », ce soutien mondial décrété et qui se doit d’être suivi d’effet, qui vaut bien qu’on essaye de rejaillir ! « Revivre » !

El-Mehdi Mosbah
23 juillet 2005

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