…et la faillite de la construction de l’État-nation
auteur: Khaled Boulaziz
Le naufrage actuel de l’Algérie est dû à l’échec de la construction de l’État-nation algérien. Cet échec est une question complexe et multifactorielle qui peut être examinée sous différents angles. Ses origines historiques et socio-politiques constituent un sujet alambiqué en raison des multiples crises politiques que traverse la nation algérienne. Toutefois, nous aborderons certains éléments analytiques qui ont contribué à cette débâcle institutionnelle et dont les terribles conséquences continuent de peser sur le peuple algérien.

Fragmentation idéologique : Le mouvement national algérien était composé de différentes tendances idéologiques, notamment le nationalisme arabe, le berbérisme, le socialisme, l’islamisme et d’autres idéologies. Cette fragmentation a conduit à des divisions internes et à des conflits idéologiques, rendant difficile l’établissement d’une feuille de route unifiée pour la construction de l’État-Nation algérien postindépendance

Rôle de la violence : La lutte pour la libération de l’Algérie a été marquée par une intense violence imposée par la France coloniale, y compris durant la guerre d’indépendance. Bien que cela ait abouti à une Algérie souveraine, la violence a indéniablement laissé des cicatrices profondes dans la société et a eu un impact sur la construction de l’État-Nation. A cet effet il y a lieu de mentionner dans ce contexte, l’assassinat d’Abane Ramdane et l’épisode de la bleuite comme faits saillants de l’inhumain dans cette épisode de l’histoire de l’Algérie.
On peut penser que l’utilisation de la violence a engendré une culture politique autoritaire et a entravé le développement d’institutions démocratiques solides.

Héritage du colonialisme : Le legs du colonialisme français a également joué un rôle dans les défis de la construction de l’État-Nation. Le colonialisme a laissé un héritage de divisions sociales, économiques et politiques en Algérie, qui a nécessité des efforts considérables pour les surmonter et forger une identité nationale unifiée.

Gestion économique et sociale : Après l’indépendance de l’Algérie, le pays a rencontré des difficultés à trouver un consensus pour relever les importants défis en matière de gestion économique et sociale. Cette situation a été perçue comme un obstacle dans la construction de l’État-Nation.

Question de l’identité et de la diversité : L’Algérie est une société diverse sur le plan culturel, ethnique et linguistique, avec une riche histoire précoloniale et une diversité de groupes sociaux. La construction de l’État-Nation algérien a parfois été confrontée à la question de l’identité nationale et à la reconnaissance des différentes composantes de la société. Certains soutiennent que ces questions n’ont pas été suffisamment abordées, ce qui a entravé la construction d’un projet national inclusif.

Le putsch du groupe d’Oujda : Au-delà des éléments socio-politiques mentionnés précédemment, qui ont tous contribué, à des degrés différents, à cet échec institutionnel, il faut souligner un événement majeur qui a eu un impact central sur la construction de l’État-Nation algérien : le putsch du groupe d’Oujda.
L’instabilité politique résultant de ce coup d’État sanglant (plus de 1500 moudjahids furent tués) à l’aube de l’indépendance a eu des répercussions séismiques sur la société algérienne, qui émergeait tout juste d’une guerre génocidaire. Cet événement a fondamentalement modifié la trajectoire doctrinale de l’Algérie indépendante, entraînant une réorientation de la politique algérienne, avec l’imposition d’une option socialiste et d’une approche centralisée, mais surtout d’une vision autoritaire sous la direction des putschistes. Cette réorientation a étouffé toute autre conception de la société, ce qui a eu des conséquences sur l’orientation et la réalisation de la construction de l’État-Nation.

La prise de pouvoir par les D.A.F : L’interruption du processus électoral en Algérie en 1992, suite à la prise de pouvoir par des déserteurs de l’armée algérienne, concomitamment avec l’assassinat de Mohamed Boudiaf et les terribles massacres qui ont suivi, a été un tournant majeur dans l’histoire du pays, ayant des effets dévastateurs sur la construction de l’État-Nation.
Ces événements ont été largement perçus par de nombreux chercheurs comme des facteurs structurels ayant contribué à l’échec de la construction de l’État-Nation. En effet, ce putsch a stoppé net la consolidation d’institutions démocratiques et a entravé l’établissement d’une gouvernance stable et légitime, dans laquelle la violence politique a été légitimée comme moyen de répondre aux revendications citoyennes. Ces événements ont également soulevé des questions sur la gestion du pluralisme politique et de la diversité idéologique dans la construction de l’identité nationale.
L’arrêt du processus électoral en 1992 a créé une période de turbulence politique, marquée par des violences internes et des conflits. Les massacres qui ont suivi ont provoqué une profonde division sociale et politique, compromettant la confiance des citoyens envers l’État et sapant les bases de la construction d’un État-Nation solide et inclusif.
De plus, ces événements ont mis en évidence les défis auxquels l’Algérie était confrontée en matière de gestion du pluralisme politique et de la diversité idéologique. La nécessité de trouver des mécanismes inclusifs pour la participation politique de tous les citoyens, indépendamment de leurs affiliations politiques et idéologiques, est devenue cruciale pour la consolidation de l’État-Nation.
Les défis auxquels l’Algérie a été confrontée dans la construction de son État-Nation sont le résultat de facteurs multiples et complexes, notamment l’héritage du colonialisme, les divisions idéologiques, les rivalités politiques, les problèmes socio-économiques, les enjeux régionaux, et plus récemment, la prise du pouvoir politique par les D.A.F et ses conséquences.
L’héritage du colonialisme a laissé des cicatrices profondes dans la société algérienne, avec des divisions persistantes entre différentes régions et groupes ethniques. Les rivalités politiques ont également créé des tensions et des divisions idéologiques, rendant difficile la construction d’un consensus national sur les grandes questions politiques et sociales.
Parallèlement, les défis socio-économiques, tels que le chômage élevé, les inégalités sociales et la dépendance excessive à l’économie des hydrocarbures, ont exacerbé les frustrations de la population et ont entravé le développement économique durable du pays.
Enfin, la prise du pouvoir par les D.A.F et les conséquences qui ont suivi, y compris les violences et les atteintes aux droits de l’homme, ont créé une crise politique et sociale sans précédent, compromettant davantage la confiance des citoyens envers les institutions étatiques.
Ces facteurs furent décisifs et insurmontables dans l’échec de la transition de l’autorité issue de la lutte pour l’indépendance et des revendications historiques vers une légitimité basée sur des élections libres et équitables, la représentativité politique et la participation citoyenne. Les tenants du pouvoir ne purent répondre aux attentes de la population en matière de démocratie et de gouvernance transparente.
Il est indéniable que le peuple algérien continue d’exprimer des inquiétudes légitimes concernant la représentativité politique, la transparence des institutions étatiques et sur la viabilité de ses dirigeants politiques. Cette condition continue d’entretenir une méfiance inexerçable envers les structures gouvernementales et générér un sentiment d’exclusion parmi la population.
La résolution de cette situation qui persiste délibérément ne pourra être atteinte que si l’avenir de l’Algérie est entre les mains d’authentiques Algériens et Algériennes. Ceux et celles qui auront la lourde responsabilité de façonner la nation algérienne devront s’inspirer de l’esprit d’abnégation de nos martyrs, de l’éthique de nos Ulémas et de l’action citoyenne des membres du glorieux GPRA.
Cela signifie que des dirigeants véritablement engagés dans l’intérêt du peuple algérien, conscients de l’importance de l’héritage historique et des sacrifices consentis, doivent être au cœur du processus de construction nationale. Ils doivent agir avec intégrité, dévouement et responsabilité envers la population, en plaçant les intérêts du pays au-dessus de tout.
Les Ulémas, en tant que gardiens de l’éthique et des valeurs morales, peuvent jouer un rôle essentiel en encourageant des pratiques politiques basées sur la justice, l’équité et le respect des droits de l’homme. Leurs enseignements et leur sagesse peuvent servir de guide dans la recherche de solutions aux défis complexes auxquels l’Algérie est confrontée.
Enfin, l’action citoyenne et l’engagement de tous les membres de la société algérienne sont cruciaux pour construire une nation forte et prospère. La participation active des citoyens, en exprimant leurs préoccupations et en contribuant aux débats, est essentielle pour façonner l’avenir du pays. Cela implique de promouvoir la participation citoyenne à tous les niveaux de gouvernance, de renforcer la transparence des institutions et d’encourager des mécanismes démocratiques inclusifs.
La construction de l’État-Nation en Algérie nécessite également une réflexion approfondie sur la question de l’identité nationale et la reconnaissance de la diversité culturelle, ethnique et linguistique du pays. Il est essentiel de valoriser toutes les composantes de la société algérienne, de promouvoir l’égalité des droits et des opportunités, et de favoriser un dialogue inclusif pour construire une identité nationale cohésive.

En conclusion, la faillite de la construction de l’État-Nation en Algérie résulte de divers facteurs, dont la fragmentation idéologique, le rôle de la violence, l’héritage du colonialisme, les défis économiques et sociaux, la prise du pouvoir par les D.A.F, et bien d’autres. La résolution de ces défis nécessite l’engagement sincère et responsable de leaders authentiques, la promotion de la participation citoyenne, et une réflexion approfondie sur l’identité nationale et la diversité.
Il est essentiel que la société algérienne et ses dirigeants intègres se réapproprient l’avenir de l’État-Nation, en s’inspirant des leçons de l’histoire, en construisant sur les valeurs de justice, d’équité et de respect des droits de l’homme, et en plaçant les intérêts du peuple algérien au cœur de toutes les décisions et actions.

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