Jean Daniel a été reçu fin mai en grandes pompes à l’université de Blida (sa ville natale) qui l’a honoré du titre de « docteur honoris causa ». Je crois même qu’un ministre s’est mêlé à la foule puisque le journaliste lui a présenté ses hommages lors de son discours.

Et il a ajouté : « Les hautes personnalités qui vous entourent sont si nombreuses que, de peur d’en oublier une – et pour vous montrer combien je suis heureux d’être parmi vous – j’ai choisi de dire chers compatriotes ! »

Ça ne coûte pas cher. Les Arabes de service adorent croire aux flatteries qu’on leur fait. Enfin quelqu’un s’aperçoit qu’ils existent. Ils se pâment ces journaleux, ces intellectuels à la manque devant le pied nickelé (peu importe la couleur) qui se recueille devant ses restes.
 
Le papier qu’il publie dans le Nouvel Obs porte un titre qui devait faire frétiller les moustaches dégarnies de ces cohortes en mal de reconnaissance : « Je suis un véritable Blidéen !»
 
Mon œil !
 
S’il avait voulu vraiment l’être, il n’aurait pas amputé son nom et travesti son prénom : Jean-Daniel Bensaïd.
 
C’est lourd à porter « Bensaïd » pour qu’on ne le confonde pas avec « ses compatriotes ». Comme Bruel qui zappe « Benguigui », Macias qui préfère oublier « Ghrenassia» ou Hanin qui renie « Jacob Levy ».
 
Comme beaucoup de ses congénères qui nous ont trahi en 1870, en 1956, en 1962…
 
Il y a presque 10 ans, en novembre 2004, Hadj Ahmed Bey, à l’occasion de la sortie d’un livre de Jean Daniel, lui a consacré un billet auquel il n’y a pas une ligne à retirer. Ce pourquoi je vous le joins ci-après.

Dans ce livre, il confesse regretter d’avoir apporté son soutien (on se demande lequel) à la libération de l’Algérie. Aujourd’hui ses « amis algériens » haut placés l’invitent et le fêtent pour confesser avec lui qu’eux aussi le confesseraient volontiers.
 
Djeha
6 juin 2014

Jean Daniel se confesse
 
Jean Daniel, cette momie qui s’est investie porteur de notre martyre et de notre passion, vient de faire sortir un énième témoignage de sa vie, ses rencontres avec Camus (auquel il croit ressembler – c’est flatteur, à défaut d’avoir eu un prix Nobel de littérature, il espère avoir celui de la compassion sincère), avec Mendès France, avec Mitterrand… enfin avec tout ce qui comptait… (1)
 
En fait, il s’agit d’une sorte de livre-confession.
 
Cela peut être honorable pour une sorte de journaliste statufié – que les saprophages s’arrachent-, en compétition avec d’autres momies (Jean Lacouture, par exemple) de revenir sur sa vie et de témoigner un courage autocritique. Quel bel exemple pour les jeunes générations !
 
En fait, il ne s’agit que d’une ultime autoglorification d’un « homme-édito », un monument de la « Génération de la lutte anticoloniale » qui surfe sur les thèmes porteurs de l’instant. Un recycleur, récupérateur de plus (garanti ISO 14000 !)
 
Il confesse sa déconvenue, sa déception. Mais de quoi donc ?
 
Bien après les anticommunistes primaires de l’ère Maccartiste (Aaron et ses avatars des années soixante-dix : Revel, BHL, Glucksmann… pour n’évoquer que ceux qui battent les estrades sur toutes les scènes aujourd’hui – un jour je ferai du carottage paléostratigraphique), bien après la révolution conservatrice reaganienne et ses soutiens aux « Afghans », bien après la chute du « Mur » (pas celui de Sharon, naturellement)… Demain, si Dieu lui prête vie, il aura l’occasion de confesser ne pas avoir pris le train de Bush à temps… Il avoue s’être trompé.
 
Après l’« échec du communisme » (dont il fut un lointain « compagnon de route » : un cracheur de plus dans une soupe qu’il n’a pas trempée), le voilà qu’il reconnaît s’être égaré sur l’« échec de la décolonisation » – et c’est évidemment à l’Algérie qu’il fait allusion.
 
Heureusement que les enfants de 1954 n’avaient jamais compté sur des « amis » comme lui. Les seules valises qu’il n’ait jamais portées sont celles qu’il a sous les yeux.
 
Le voilà aujourd’hui pleurant sur les mots qu’il avait naguère portés aux harkis et qu’il « regrette » amèrement aujourd’hui.
 
Triste Jean Daniel. On se souviendra de l’opportuniste de la Mitidja. Edgar Faure fait des émules. Il n’y a pas à dire : la vieillesse est bien un naufrage.
 
Une leçon pour nous. Retenons que jamais personne ne sera à nos côtés dans les moments difficiles que nous-mêmes.
 
Retenons cette vieille leçon multimillénaire : Les « amis » de l’Algérie se bousculent au portillon quand nous sommes à la hauteur de notre destin. Les fossoyeurs se multiplient en revanche quand nous désertons le respect que nous nous devons à nous-mêmes.

Hadj Ahmed Bey
15 novembre 2004

(1) Cet étranger qui me ressemble. Livre d’entretiens avec Martine de Rabaudy. Ed. Grasset.

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