Je ne suis ni un intellectuel, ni un chercheur, ni un politicien. Je suis  un petit citoyen qui a vécu toute sa vie en Algérie.  Je suis pas à pas le cheminement de cette chère Terre à laquelle je  m’attache chaque jour davantage. Mais c’est le suivi de celui qui n’a rien pour redresser les torts. Je m’adresse à vous, vous qui parlez du changement, vous qui êtes enfants du peuple avant d’être enfants du système, pour vous donner une idée de ce que pense l’algérien lamda, qui peut être vous échappe étant donné vos positions dans la hiérarchie sociale ;  ce qu’il pense du changement et comment il le voit, peut-être, prendriez-le vous en considération dans votre réflexion et action sur le dit changement.

M.Hamrouche, vous parlez de l’armée, comme M.Zéroaual d’ailleurs, mais chacun à sa manière.  Vous avez le même but. Vous lui voulez les devants, lui en  fait l’éloge. Vous voulez qu’elle continue à être garante de l’ordre nouveau auquel le peuple aspire. Cette idée vous est commune. Sur quel critère assoyez-vous cette orientation, cette option?  Avez-vous fait un sondage, même miniature, sincère et objectif pour avoir une idée de l’image que se font les gens de l’armée ? Ceux qui ont fait le service national la connaissent  bien de l’intérieur. Cela vaut le coup ! Dans votre conception du changement, vous en faites la plaque tournante. Vient-elle de la déformation professionnelle relative à votre carrière militaire ? Ou Est-ce une orientation de l’institution à laquelle vous devez ce que vous avez été et ce que vous êtes ? Sortie programmée ? Distributions de rôles ? Soyons sérieux ! C’est une question essentielle. L’armée n’a plus de crédibilité. Je ne vous avance que deux raisons des ‘’n’’ qui existent et que vous négligez délibérément :

a)  Que dites-vous Monsieur de l’armée qui, aujourd’hui,  s’est rangée du côté de M.Bouteflika. Cela est-il constitutionnel ? Comment se fait-il qu’une institution de l’Etat aussi importante que l’armée  opte pour une personne qui ne possède pas toutes ses capacités ! Un tel choix  disqualifie cette institution de jouer l’arbitre entre les forces politiques et la disqualifie encore plus d’être garante de quoi que ce soit.

b) Comment se fait-il  que l’armée décrète l’état d’urgence pour mater (200 000 morts en 10 ans ie 2 morts/heure. Joli palmarès) le peuple qui a osé voter pour le changement en 1991, mais ne dit mot lorsque l’espace aérien algérien fut cédé, sans le consentement du peuple, à la puissance coloniale qui est la cause de tous nos déboires.

Je n’arrive pas à vous suivre M.Hamrouche. Ne voyez-vous pas que vous nagez à contrecourant ? C’est que vous l’avez déjà fait  lors de votre gouvernance après 1988. Les résultats vous les savez. Une catastrophe : la situation actuelle en découle.

Alors que le peuple s’attendait à un changement radical sous votre patronage, vous aviez mis sur point la loi électorale des législatives 1991 à la taille du FLN pour que le système se perpétue. Vous avez opté pour le sens négatif. Si c’est l’armée qui vous y a obligé, c’est le moment de la remettre en place et en mains sures. Et les événements de 1991 ont leur logique.

Si c’est de votre cru, vous ne pouvez m’empêcher de croire que vous êtes un pompier du système et ma lanterne se trouve éclairée sur votre sortie : vous êtes en mission commandée par le système. Les développements de 1991 auront alors une autre logique.

Dans les deux cas de démarche, il est à croire que l’idée de rendre le pouvoir entier au peuple est absente. Le peuple, l’Etat, la nation, la république, le projet national dont vous parlez actuellement, vous n’en avez  soufflé mot avant ce jour, et restrictivement, au mieux cette décennie, au pire depuis 2008. Votre dictionnaire en était exempt. De même  votre comportement en tant que personnalité politique influente inquiète. Une décennie et demie de silence. Motus et bouche cousue lorsque la mandature à vie a été réinstaurée. «Aphasie républicaine » lorsque les avions  français  ont utilisé l’espace aérien algérien sans le consentement du peuple.

Monsieur, les faits valent uniquement par la signification qui leur est donnée. On ne peut jamais les séparer facilement de leurs interprétations comme on le voudrait.Vous prônez le changement, mais un changement qui va perpétuer le système. En nous présentant l’armée comme la seule à pouvoir opérer le changement et qu’elle est son seul garant, vous avez déjà donné au changement un espace et partant des limites et une couleur -le vert militaire.

La classe politique et le citoyen ont dans la tête que le problème réside en l’armée. C’est elle le problème ! Il en découle qu’elle ne peut prétendre être la solution. Ni une partie de la solution. Ni apporter une solution

Sans distinction de grade ou de fonction, les gens de l’armée sont nos enfants. . Nous voulons qu’ils soient, eux et l’institution, protégés des manipulations, des opportunistes et des passionnés. Il faut le dire, il y a un malaise interne qui influe directement sur l’exercice  et la fonction de l’armée.

L’armée est le produit du système. Comme lui, elle vit la crise. L’armée se trouve aujourd’hui plus qu’hier dans l’incapacité d’assurer une quelconque garantie. Cette institution est prise en otage ! Elle doit être libérée et préservée des luttes  claniques.

Elle a besoin d’un réaménagement total. A commencer par le recrutement et la procédure de promotion. D’une refonte en vue des défis qui attendent le peuple et en rapport avec  sacrifices qu’il n’a cessé de consentir.  L’armée ne doit pas avoir l’image qu’elle se veut, mais l’image que veut lui donner le peuple

Monsieur, vous qui préférez  jeter le pays dans les bras d’un corps  malade dont le mental est en retard de 50 ans. Que les choses soient claires ! L’armée doit se soumettre totalement au politique. Le politique est l’affaire du peuple. Il est temps  que cesse le paternalisme.  Le peuple n’est pas mineur et point n’est besoin de lui chercher coute que coute un tuteur. Il  a toujours été aux rendez-vous historiques. Il a toujours été le  seul contre-pouvoir crédible. C’est lui, le seul garant de la bonne marche du pays pour peu qu’il recouvre sa liberté et l’efficacité de ses institutions. Ses dignes fils sont debout pour réaliser cela.

Alors que la classe politique se prépare à serrer ses rangs. Vous multipliez déclarations et contacts pour donner à l’armée un rôle qui la dépasse. M. Hamrouche, après un silence de carpe, une sortie médiatique relayée et amplifiée, à laquelle plusieurs se sont intéressés, vous finissez votre  course par un crash : vous  implorez  MM.Bouteflika, Gaid et Toufik de sauver l’Algérie. Ainsi la boucle se ferme ! ‘’Versons notre huile sur notre semoule’’. Etes-vous sérieux ? Le peuvent-ils ? Qui a le plus perdu la tête ?  Celui qui se présente à la présidence en étant malade ou celui qui remet le destin d’un peuple à un malade en sachant qu’il est malade !  Vous ressemblez à celui qui se regarde dans la glace et se crache dessus. Ou pour mieux rendre la répugnance, c’est le geste du chat : il rend, et, immédiatement après, il remange ce qu’il a rendu. Ou en plus avilissant, c’est le comportement de l’esclave : une fois libéré, il ne sait plus que faire ; alors il retourne à son maitre. Cela signifie clairement que votre gibecière est vide. Vous n’avez rien à proposer d’autre que le maintien du statuquo.  Vous venez ainsi confirmer que le système a effectivement atteint ses limites. Vous symbolisez la ménopause politique du pouvoir. Les politiques  entendent isoler le système et tous ces enfants du système  qui ont causé la crise et qui soudainement se sont, non seulement mutés en démocrates et, sans avoir froid dans les yeux, osent donner des leçons à ceux qui ont payé de leur chair et de leur sang pour que le changement soit une rupture totale avec le système et ses pratiques. lls  cherchent une plateforme d’entente pour que l’isolement du pouvoir soit  hermétique jusqu’à ce qu’il rende, sans conditions,  les rênes du pouvoir.  Ils comptent sur tous les chourafas y compris ceux qui sont encore dans les rouages du pouvoir, sans avoir accablé le peuple, pour se joindre à eux et barrer la route aux comploteurs et aux conspirateurs ennemis du choix des peuples.

La dernière de vos sorties, M.Hamrouche, vient de m’expliquer pourquoi M.Benflis  se suffit du  rôle de lièvre : seule vous importe la continuité du système.

Monsieur, vous êtes issus des rouages du système, l’art des manœuvres vous appartient. Le brouillage aussi. Votre jeu n’est pas clair. Mais une chose est sure, vous volez au secours non de l’Algérie, mais du système qui risque de s’effondrer sous la demande pressante du changement radical.

Messieurs, croire au changement, c’est

– dénoncer le vote mascarade et agir pour son annulation

– dénoncer les forces occultes qui freinent à chaque fois  l’élan du pays, comme c’est le cas aujourd’hui.

–  laisser l’armée en dehors du politique.

– convoquer toutes les forces politiques, toutes, sans exclusive, pour élaborer une esquisse de période de transition.

–  laisser  la place aux jeunes : vous êtes passés du maquis à la gestion de l’Etat sans transition  ni qualification ; ils ont plus d’atouts que vous n’en aviez.

– nous dispenser de votre nationalisme ; il devient pathologique. Il risque d’étouffer le pays  et de compromettre de nouveau son avenir. Le cas de M.Nézar relayé par celui de Zéroual ont donné une catastrophe qui dure depuis un quart de siècle !

C’est le minimum.

Loin de tout dénigrement, je décris un état pour saisir l’ampleur du problème et réfléchir ensembles en vue d’une solution adéquate.

Monsieur, vous avez pris les armes et gagnés le maquis par amour pour ce pays. Sans votre engagement et celui de ceux qui avaient la volonté de le libérer, nous serions restés sous le joug du colonialisme. Nous sommes conscients de ce que vous avez fait pour nous et nous l’apprécions chaque jour davantage.

Aujourd’hui ceux qui sont préoccupés par la situation du pays, par amour au pays, prennent la parole, la plume ou le clavier parce qu’ils sont animés par le même esprit qui vous a poussé à prendre les armes pour le rendre maitre de son destin.

Haj Kaddur Yagubi
Enseignant en retraite
Laghouat, 3 avril 2014

Un commentaire

  1. HADJ AISSA on

    le changement ne peut être que radical
    Je suis tout à fait d’accord avec votre analyse , si Hadj Kaddour. Le changement que nous attendons ne peut-être que total, entier, radical sans violence . Mais les gens du pouvoir le comprennent-ils? Ils n’ont pas l’air de comprendre que le peuple Algérien les abhorre ,. Ils veulent perpétuer leur régime d’un autre temps en le maquillant quelque peu mais en gardant l’essentiel;
    Et ça les jeunes algériens l’ont parfaitement compris et pacifiquement , ils lutteront de toutes leurs forces pour mettre fin à un régime fini et qui veut se maintenir à tout prix , même au prix fort.
    Mehri , Allah yarhmou , qui a été l’un des bâtisseurs de ce régime l’a compris et a essaie avant de partir pour un autre monde de vous le faire entendre mais apparemment ils sont sourds à tout droit, à toute raison, à toute logique , ils n’ont rien compris au sens de l’histoire.

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