« La guerre ! C’est une chose trop grave pour la confier à des militaires.» (Georges Clemenceau)

Selon une dépêche AFP de ce mercredi 25 juillet 2012 (11h50), deux généraux de brigade syriens ont franchi mardi la frontière pour se réfugier en Turquie, ce qui porterait à 27 le nombre de généraux syriens déserteurs accueillis sur le sol turc, a déclaré un diplomate du ministère turc des Affaires étrangères.

Il est possible que cette information sur la désertion de ces généraux participe de la guerre de l’information, compagne insécable de la guerre tout court, au moins depuis Napoléon.

Il est possible que le nombre de généraux déserteurs ait été sciemment gonflé pour ruiner le moral des Syriens et de leurs soldats qui se battent.

Il est possible que ces généraux occupent des fonctions mineures. On sait que la prolifération des gradés est un phénomène courant pour justifier des progressions de leurs carrières en régime d’étiage. L’inflation des généraux participe – quelles soient les casernes – de la baisse de la productivité dans les économies végétatives, sans marché ni Gosplan.

Nous nous sommes tous posés cette question redoutable (périlleuse, pour ceux qui ont vécu sous Franco, Salazar, Somoza, Hugo Banzer Suarez ou Hassan II) : A quoi au juste servent les armées en temps de paix ? puisque de toutes les façons, ce sont les soldats qui se rendent les premiers en rase campagne et que ce sont toujours les populations civiles qui essuient les pertes les plus grandes en temps de guerre.

Contrairement aux fables que beaucoup continuent de colporter, le général de Gaulle a cessé d’être un soldat le 18 juin 1940. Le titre lui est resté à titre archéologique. Cela a abusé Roosevelt qui ne l’aimait pas (parce qu’il compromettait les projets américains d’après guerre en Europe) et les généraux factieux à Alger qui le croyaient toujours habité par l’uniforme.

Hélas, les généraux déclarent les guerres et ce sont les peuples qui en paient le prix.

En temps de paix, ils profitent des rentes ou des richesses qu’ils ne produisent pas, sous l’hypothèse d’une participation à une guerre qu’ils ne feront pas puisque – on le voit dans le cas syrien – et en temps de guerre, ils se barrent les premiers. Le poisson pourrit toujours par la tête, dit l’adage. Qui ignore connaît le destin du général Zangra au fort de Belonzio chanté par Brel ?

Retournez-vous, regardez aussi loin dans le passé que peut porter votre regard (des armées hittites aux GI’s exosqueletiques, en passant par les légions romaines et les grognards napoléoniens) vous constaterez la validité universelle de cette loi empirique.

Il s’ensuit que :

1.- Sous prétexte d’une sophistication technologique et d’une « productivité » de plus en plus élevée des systèmes d’armes, la professionnalisation des armées est une gigantesque escroquerie intellectuelle et politique (et une ruine économique).

2.- Une armée professionnelle et la fin de la conscription est la meilleure façon d’éloigner les hommes et les peuples de ce qui les concerne au premier chef : la défense de la nation qui n’est pas seulement d’ordre militaire. La guerre est un acte politique de première grandeur (Cf. l’inoxydable et l’imputrescible v. Clausewitz), et la politique est d’abord une affaire des peuples. Introniser le président comme chef suprême des armées dans les démocraties représentatives parlementaires, est un tour de passe-passe habile pour faire croire au contrôle civil des armées.

Il en est de même des politiciens professionnels.

Mais alors à quoi ça sert une armée de troufions professionnels ?

3.- Tout compte fait, les armées sont surtout faites pour être dirigées contre leurs propres peuples et, le plus souvent sous prétexte d’une menace étrangère, s’occuper à « mettre de l’ordre » dans les affaires intérieures des nations. Et cela dans de très nombreux cas, au service d’intérêts étrangers. Regardons ce qu’il en est advenu de l’Egypte et des ses « officiers libres ». Un cas parmi la multitude de trahisons des forces armées nationales.

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Comment en ces circonstances ne pas légitimement se demander ce qu’il est advenu de notre glorieuse ALN.
 
Sous prétexte de démocratie pour simples d’esprit on a émasculé la nation et neutralisé ses forces vives en livrant les leviers de commande de l’Etat aux trabendistes et aux opportunistes de tous poils.
 
L’armée est une composante essentielle de la nation et ne peut se dédouaner, se déclarer « neutre » sous prétexte qu’en démocratie l’armée est aux ordres de représentants civils élus par le peuple souverain : une romance qui ne ferait même pas rire les potaches.

La séparation entre civil et militaire, réduisant ce dernier à un simple instrument muet et soumis aux forces politiques civils est une fiction pour benêts. La plupart des transnationales US ont un pied dans le civil et un pied dans le militaire : l’un soutien l’autre, au grand dam des tenants de la « compétition loyale et non faussée ».

De là découlent les merveilleuses retombées civiles des recherches militaires.

Tout l’appareil militaro-industriel américain est hors marché, sous la protection de la sacro-sainte et ombrageuse « sécurité nationale ». Des espaces étriqués sont concédés à certaines entreprises «de pays « amis », mais sous des conditions strictes d’américanisation de la production et des normes.

Souvenons-nous de l’avertissement solennel de Eisenhower, un général-président qui savait de quoi il parlait.

Aucun pays sérieux au monde ne joue le jeu des marchés, n’abandonne son sort à l’arbitrage de l’offre et de la demande, sauf quand les Etats sont une variable d’ajustement de lobbys puissants qui tirent les ficelles dans les coulisses, dans des cabinets feutrés qui échappent à tout scrutin démocratique.
 
Sauf aussi dans les pays subalternes, (sur)peuplés d’experts immatures et parvenus (ou entretenus), qui sont seuls à ouvrir leurs frontières pour qu’aucune industrie locale ne puisse naître et prospérer. Ce sont les entrepreneurs privés qui exigent aujourd’hui à leur avantage les règles qu’ils dénonçaient naguère au prétexte qu’elles contrevenaient à l’ouverture des frontières, à la compétition marchande, à la « destruction créatrice »… et autres balivernes mal digérées, puisées dans des pérégrinations académiques de circonstances.
 
Les subventions nationales portent à bout de bras les industries septentrionales. C’est encore plus vrai aujourd’hui en temps de crise du système libéral. Le parti communiste chinois se porte à la tête d’un capitalisme maoïste, prête des milliards de dollars à l’Oncle Sam pour qu’il continue à lui acheter les marchandises fabriquées à faibles coûts par les transnationales américaines. L’agriculture européenne sous perfusion (le budget de la PAC absorbe près de la moitié du budget de l’Union) détruit depuis des décennies (dans l’indifférence) l’agriculture africaine.
 
On nous autorise à nous ruiner dans le commerce des armes (l’Algérie a été le premier acheteur africain d’armes en 2011, selon le Stockholm International Peace Reasearch Institute, 17 avril 2012). Mais -au mieux- ces armes ne serviraient qu’à nous donner l’illusion de la protection contre les désordres locaux. En fait, comme le sort dévolu à l’Arabie Saoudite ou aux Emirats, nous entretenons les industries militaires de nos ennemis et utilisons ces armes pour défendre leurs intérêts dans nos régions.
 
Cette quincaillerie (obsolète analytiquement et systémiquement) est inutile face aux machines de guerre impériales. Saddam Hussein instruit de la première guerre qu’on lui fit en janvier 1991 (tous ses chars et avions ont été détruits en quelques heures), n’a usé d’aucune de ses armes en mars 2003. On le comprend. Au bas mot, le budget du Pentagone représente environ 4 fois le PIB algérien. Pas un avion (civil ou militaire) ne décolle sur Terre sans être pris en charge par les systèmes de détection et de défense sous commandement intégré US. Virtuellement, ces machines compilent tous les êtres vivants sur cette planète : pas un seul d’entre eux franchissant une frontière n’échappe à leur vigilance. Déjà, pas un citoyen ne monte dans un avion en direction de l’Amérique du nord sans que son pedigree ne l’ait précédé, enregistré et traité par les services de sécurité américaine.
 
Le passeport biométrique qui nous a été imposé y contribue.
 
Ce ne sont ni ses MIG, ni ses chars T72 qui protègent la Syrie. C’est le blocage sino-russe au Conseil de Sécurité qui lui épargne, pour le moment, un sort similaire à celui de l’Irak ou de la Libye. Tout le monde sait qui est le vrai objectif de cette affaire : déquiller les Russie de Méditerranée et du seul allié qui lui reste dans la région. Cela permettrait accessoirement à Israël d’achever de faire coïncider la géographie de la Torah avec celle de cette caserne enkystée au Proche Orient.
 
Les guerres dans lesquelles nous pourrions être impliqués un jour, n’ont rien à voir avec les guerres simulées par les Etats-majors en chambre et les fabricants de jeux vidéo.
 
Notre modèle est la guerre asymétrique qui plonge profondément ses racines dans nos ressources culturelles et les liens très forts tissés entre peuples et dirigeants.
 
Cette défense est redoutable et redoutée par les machines. Cette défense-là a fait mordre la poussière en juin 2006 au sud-Liban à Tsahal dont la puissance doit beaucoup à la VIème et à la Vème Flottes US et à la propagande. C’est la même qui mit à bas l’armée française à Diên Biên Phu et en Algérie, du temps où nous pratiquions la station droite. Laissons aux nostalgiques impénitents – de tous bords – l’illusion que la « guerre d’Algérie » a été militairement gagnée et politiquement trahie.
 
Devrions-nous désespérer de nous reconnaître dans notre défense nationale ? Devrait-on continuer à donner crédit aux rumeurs populaires que nos généraux, désormais affranchis de toutes obligations politiques (au sens noble et élevé du mot), ont des obligations plus stratégiques : ils s’occuperaient maintenant (par le truchement d’hommes de paille ou de sociétés écrans – qui ne cachent rien) du cours sucre, du café ou du lait pour bébé ?
 
Rien ne nous oblige à consentir à nous plier à un diktat qui nous a été imposé à une époque où nos réserves de devises nous permettaient d’assurer quelques jours d’importation. Bouteflika a eu raison de solder cette dette dès que nos moyens l’ont permis et ainsi de lever cette caution qui pesait sur notre autonomie de décision et blessait notre souveraineté.
 
Mais le compte n’y est pas ! Loin s’en faut.
 
Ne serait-il pas temps qu’enfin quelqu’un se mette debout, renoue avec notre seul et unique système de défense : le pacte indissoluble entre gouvernants et gouvernés et déclare que décidément, le peuple algérien échappe aux lois de la gravitation et ne couche pas ?
 
« Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » (E. de La Boétie)
 
Djeha
25 juillet 2012

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