La publication du livre de Said Sadi a créé un contexte et des conjonctures qui invitent à se ressourcer et se poser des questions.

Que contient donc ce livre qui a fait sortir de leurs gonds MM. Benachenhou, Ali Kafi et Mebroukine ?

Je ne sais peut être pas décoder les entre lignes, ni décrypter des messages mais j’ai lu ce fameux livre « Amirouche, une vie deux morts, un testament » et je n’y ai vu qu’une contribution fondée sur des témoignages avérés, relatant l’épopée d’Amirouche. Said Sadi, me semble-t-il n’a jamais accusé ni Boussouf, ni Boumediene de l’assassinat de Amirouche. Il a tout simplement relaté les circonstances, appuyées de témoignages et de documents, dans lesquelles Amirouche a été accroché dans la région de Bou Saada.

Sur ce point effectivement tous les livres écrits sur l’histoire de la Révolution restent énigmatiques.

Par contre là où l’auteur a été très incisif, c’est les raisons qui ont poussé Boumediene à transférer en cachette la dépouille du Colonel de Bou Saada à Alger pour la cacher dans une caserne de la Gendarmerie.

Ceci constitue un crime de profanation d’une tombe aux yeux de notre charia et du droit. Un crime ne se commettant pas sans mobile, quel est donc celui de cet acte ignoble ?

A quelque chose malheur étant bon, la presse nous a offert dans ses colonnes plusieurs témoignages plus ou moins riches en informations.

La qualité de ces témoignages est étroitement liée, non pas au niveau intellectuel de leurs auteurs, mais à leur situation passée vis-à-vis de la Révolution, et de leur présent en fonction des rangs sociaux qu’ils occupent.

Si le ton du Professeur Mebroukine est compréhensible, par contre la hargne de Benachenhou et de Ali Kafi sont pour le moins inexplicables, puisque l’un et l’autre étant acteurs de cette révolution. N’ont-ils donc pas intérêt à ce que vérité soit dite et que lumière soit faite ?

Said Sadi a fait œuvre de salubrité publique en convoquant l’histoire. Son livre a ouvert des débats, qui, nous l’espérons, vont continuer et déborder sur la vérité sur toute l’histoire.

« Que les martyrs reviennent cette semaine ! »

Nous allons organiser un pèlerinage dans les méandres de notre révolution en compagnie de nos guides, les combattants de la liberté, qui ont véritablement bravé la quatrième puissance militaire de l’époque pour arracher cette indépendance confisquée au profit de quelques privilégiés.

Cette polémique sur le livre de Saïd Sadi, n’est citée qu’à titre d’exemple pour relancer le d ébat, non seulement sur le sujet en question dans cet ouvrage, mais sur tous les aspects de cette crise multidimensionnelle qui secoua et continue de secouer l’Algérie.

Le courage consistera, pour chacun de donner son avis et de faire amende honorable en assumant notre passé pour mieux envisager le futur.

C’est le passage obligé pour une véritable réconciliation nationale, la réconciliation qui permettra de séparer le bon grain de l’ivraie.

Une relecture du classique « Algérie, nation et société » de Mostefa Lacheraf, dans son introduction au bilan d’une histoire, nous éclaire sur les fondements du pouvoir post indépendance.

Même si la Nation algérienne n’est pas une réalité dans son acception classique d’unité de territoire, de langue et de religion, son essence fondamentale existait à l’invasion française.

La résistance et les luttes n’ont pas cessé durant plus d’un demi-siècle, l’insurrection de 1871 étant la dernière dans les formes de luttes armées.

La guerre menée par l’Emir Abdelkader, les Ouled Sidi Cheikh, Bouamama, Mokrani, Aheddad, lala Fatma n’Soumeur ont constitué la trame de la guerre contre le colonialisme. Ces révoltes d’essence paysannes ont été organisées d’une manière loyale et franche dans les formes de guerres classiques conventionnelles.

Les leaders pensaient avoir affaire avec un pays civilisé et qu’il fallait, au nom de l’honneur guerrier, adopter la forme de guerre honorable, avec des armes et des méthodes conventionnelles, des émissaires et des négociations et tout l’arsenal juridique et diplomatique qui convenaient. Les formes révolutionnaires de guérilla n’étaient pas connues.

Mais, de l’Est à l’Ouest et du Nord au Sud, il existait au moins cette compassion et cette solidarité avec les combattants qui affrontaient les roumis, dont les informations ne parvenaient que tardivement.

Les soulèvements étaient régionaux et limités, les meneurs appréciant les moments du déclenchement en fonction juste des nécessités locales. Il manquait aux mouvements cette conscience nationale d’unité, l’occupant en place au moment du débarquement français n’ayant rien fait pour construire un pays digne de ce nom, agissant simplement en raison des intérêts de l’empire de la porte sublime.

Depuis 1871, une fois achevée la pacification, il a fallu attendre la fin de la guerre 1914/1918 pour que naisse l’idée de nationalisme, avec l’Emir Khaled, qui ne tint pas longtemps, coupé des masses paysannes et prolétariennes les plus touchées par le colonialisme.

Avec la naissance de l’Etoile Nord Africaine (ENA), puis du Parti du Peuple Algérien (PPA), suivis du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), le nationalisme commença à dessiner ses contours.

Ce n’est que vers 1948 que l’objectif fut atteint en estimant que l’idée de Nation Algérienne commença à donner ses fruits et que l’objectif de donner naissance à un Nationalisme est atteint.

La forme de lutte devait changer et envisager une autre organisation. La création de l’Organisation Spéciale (OS), qui devait préparer la lutte armée en est le fruit et l’étape de soudure. Malheureusement, les luttes que nous connaissons ont fait échouer ce plan et s’en suivit, fort heureusement l’initiative de créer le Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action (CRUA).

Avec Novembre 1954 débute la nouvelle forme de lutte, suite tout à fait naturelle de plus d’un siècle de résistances contre toutes les formes d’oppression et de tentatives d’extermination.

La Plateforme de la Soummam avait pour objectif d’éviter les erreurs passées :

― La révolution armée doit être unifiée et organisée ;
― L’objectif de l’indépendance n’est qu’une étape ;
― Jeter les bases et les fondements de l’Etat Algérien, démocrate, social sur la base des principes de l’Islam ;
― Assoir la primauté du politique sur le militaire, l’Armée étant l’outil de défense de la République à l’instar de tous les pays du monde.

Ce n’est que vers 1959, avec le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), sa reconnaissance par de nombreux pays, ses actions éminemment politiques, l’inscription de la question algérienne à l’ONU, que l’objectif de l’indépendance commença à prendre des contours réalisables.

Fallait-il changer de structure, d’hommes pour viser « le rêve » inscrit comme axe fondamental dans la charte de la Soummam, édification d’un Etat social démocrate ?

Mais je citerai encore une fois Lacheraf qui, dans son livre, a fait parler un dirigeant qu’il ne nomme pas qui lui déclara en fin 1948/début 1949 : « Nous sommes les hommes de la première étape et les hommes de la deuxième étape. Nous sommes les hommes politiques et les généraux. »

Le même dirigeant ajoutait, fin 1959 : « Nous sommes au milieu de la seconde étape, celle de l’édification de la nation algérienne. »

Malheureusement, le cours de l’histoire prit une autre tournure avec les événements qui ont secoués le maquis et les différentes instances de la Révolution : assassinats, énigmes, et autres complots ont fini par semer le doute dans les esprits, particulièrement de ceux qui, comme notre génération, gardent quelques réminiscences des combats valeureux et voient leurs espoirs fondre comme neige au soleil.

Qu’en sera-t-il des générations d’après, qui n’ont connu l’histoire que par les récits souvent auréolés de légendes construites autour des conteurs acteurs.

Avec la crise de l’été 62, les luttes fratricides qui suivirent l’indépendance la révolution s’est arrêtée au seul profit de l’indépendance conçue comme une fin en soit. Les principes et les fondements de la Charte de la Soummam ont été enterrés pour le pouvoir et exclusivement le pouvoir.

Il n’y a que la parenthèse Boumediene qui se limite à l’édification de l’ossature physique d’une économie forte par l’édification d’un véritable complexe industriel qui aurait pu donner l’espoir d’un pays indépendant au sens plein du terme.

Malheureusement, encore une fois, cette édification n’a pas été suivie par l’idéologie forte, soutenue par des hommes, seule ressource pérenne et des institutions fortes, dépassant les pouvoirs et les politiques.

Pouvait-il en être autrement, comme le dit si bien M. Lacheraf, si « dès le cessez le feu, et même plus tard, certains cadres des maquis, l’armée en général, les groupes adverses, les clans engagés dans la prise du pouvoir, le Parti, etc., se sont employés à faire le plein à l’aide d’éléments hétéroclites douteux, en tout cas à peine blanchis ou politisés à grossir démesurément leurs effectifs et, par conséquent, leurs clientèles, comme si l’indépendance pourtant acquise, importait davantage que la révolution à réaliser. On est même en droit de se demander en passant, si la Force Locale… n’a pas eu dans leur esprit un double objectif : sauver les auxiliaires algériens de l’armée coloniale pro français, et se constituer des troupes fraiches et bien armées pour un éventuel affrontement ou le désamorçage de l’élan révolutionnaire. »

C’est un questionnement lourd de sens surtout qu’il a été émis en janvier 1965, par un homme de la trempe de M. Lacheraf : ceci explique t-il le silence dans lequel il a été emmuré ?

Essai de comparaison par analogie avec l’économique

Cette relecture de notre histoire en exploitant le seul témoignage de cet érudit qu’est M. Mostefa Lacheraf, peut nous aider à comprendre la situation présente qui, le moins que l’on puisse dire, est en parfaite harmonie avec les desseins inavoués avec tous ceux qui faisaient de l’indépendance une fin en soi.

L’Algérie était considérée comme butin de guerre, une proie soumise à toute forme de prédateurs qui ont noyé par le nombre les véritables révolutionnaires.

Comment avec tous ceux là, croire que l’édification d’un pays fort et prospère, profitant à l’ensemble du peuple, le seul héros, comme fièrement affiché durant les luttes fratricides du début de l’indépendance, allait être engagée, en respect des principes énoncés lors du Congrès de la Soummam, l’acte fondateur de la Nation Algérienne moderne.

La parenthèse 1965/1979, fut la tentative, avec toutes ses imperfections, de jeter les bases d’une économie indépendante, avec un objectif clairement énoncé de faire de l’Algérie un pays moderne dont le niveau de vie visait d’égaler celui de l’Espagne à l’époque, porté dans tous les documents et études réalisés en leur temps.

La plus grosse des erreurs que nous payons très cher est que ces plans n’étaient pas accouplés avec un système de gestion responsabilisant les cadres et les ressources humaines en général, adhérant à ces objectifs.

Cependant, il est avéré comme nous avons eu à le dire dans une contribution précédente, qu’un véritable empire industriel a été mis en place durant la période 1965/1978.

Cet ensemble conçu harmonieusement, il faut le dire, prenait en charge l’objectif de faire de l’économie algérienne une économie « indépendante » largement tournée vers la satisfaction d’une jeune nation, qui venait de sortir d’une longue nuit coloniale. Mais cet avis ne vaut que sur le plan matériel et physique. Il lui manquait l’énergie essentielle, soit la Ressource humaine et le système de gestion.

Les ambitieux plans de formation de cadres commençaient à donner des résultats probants et une classe moyenne de cadres commençait à se former, lorsqu’interviennent les éléments et les événements qui ont annihilé toutes ces ambitions de donner au pays un développement devant concourir à assoir la seconde indépendance, après l’indépendance politique, celle qui doit restituer à l’Algérie, sa fierté de nation moderne ancrée dans le monde avec une place de choix. L’Algérie devait acquérir la qualité d’une jeune nation tournée vers le modernisme.

La menace est de taille pour ceux qui voulaient, après les rangs de généraux, rester les politiques. C’est un problème très simple de pouvoir. Le danger venait de cette classe de cadres dont le pouvoir économique était trop grand, risquant de faire contrepoids devant le pouvoir politique.

La charte portant Gestion Socialiste des Entreprise a, justement, pour mission d’édulcorer les ambitions des cadres (si cette ambition existe) par la mise en place de différentes commissions chargées, en principe, de faire participer les travailleurs à la gestion. Mais le véritable usage qui en est fait est de surveiller les dirigeants des entreprises et unités économiques.

Les cadres en charge de la gestion des unités sont alors braqués et obnubilés par le seul souci de faire bon ménage avec l’organisation syndicale, monnayant très souvent le climat social pour avoir, qui un peu de liberté pour assumer leurs missions pour les plus honnêtes et qui pour se garantir un statut de directeur à l’abri de toute suspicion.

La caporalisation de l’UGTA, la seule organisation syndicale, par le Parti a fini par conférer à l’entreprise son statut d’outil au service du politique.

L’Entreprise est ainsi totalement détournée de sa mission originelle de lieu de création de richesses et de promotion et formation de l’homme moderne.

La seconde étape est donc venue avec la restructuration des sociétés, plan conçu, nous en sommes convaincu, pour réduire les statuts des directeurs généraux et des cadres dirigeants en rognant sur leurs pouvoirs économiques menaçants.

Si ce n’est pas le cas, et nous pouvons nous tromper, n’étant pas dans tous les secrets, comment s’expliquer, qu’au moment où, ailleurs, les sociétés se regroupent pour constituer des forces de négociation, chez nous, nous nous sommes mis à l’éclatement et à la parcellisation de sociétés qui se faisaient des noms et des images de notoriété à l’étranger.

Des géants comme la SONACOME, la SNS, la SN METAL, la SONELEC, pour le secteur des IMME, la SONATIBA, la DNC, pour le bâtiment, la SOGEDIA, la SNLB, la SONITEX pour les industries légères sont charcutées et coupées pour donner naissance à une nuée d’entreprises où ni les hommes, encore moins les méthodes de gestion n’ont en rien innové.

Quelle est donc cette réorganisation qui n’avoue pas ses considérants plus clairement ? Où a été conçu ce plan ?

Toutes les autres réformes se ressemblent, dans leurs démarches et leurs méthodes : conçues dans des cabinets occultes sans la contribution et encore moins l’adhésion des cadres, qui seront chargés de les mener.

Après ce rappel historique, nous examinerons le sort réservé à l’élite post indépendance.

NB : Nous tirons toutes les informations ci-dessus évoquées à travers la lecture des ouvrages que nous avons pu détenir et à travers l’analyse de notre vécu.

Si nous pouvons avoir fait erreur dans l’appréciation des événements vécus, par contre les informations extraites de notre histoire à partir des ouvrages publiés ne doivent souffrir d’aucune équivoque. Bien sûr, et c’est pour cette raison que nous avons introduit cette contribution en relatant la polémique née autour du livre de Saïd Sadi, certains peuvent rétorquer soit le niveau de crédibilité des auteurs ou une fausse interprétation de notre part. En tout état de cause, toute la vérité ne peut se savoir que lorsque toutes les langues se seront déliées.

En fait, tout ce qui s’est passé sur le plan politique a été calqué sur l’économique, pour assurer la prolongation du pouvoir acquis par l’historicité, qui un jour disparaitra.

En 1958/1959, donc, l’objectif de construction d’une unité nationale autour de l’objectif de l’indépendance est achevé, celle-ci devenant inéluctable et n’étant plus qu’une question de temps.

Les événements qui ont eu lieu depuis cette date peuvent prouver clairement que tous les déchirements qu’a connu la révolution sont justifiés par cette course au pouvoir et non pas, pour engager la deuxième étape prévue par la Charte de la Soummam, que certains d’ailleurs ont essayé de réduire.

A défaut de disposer de tous les témoignages pouvant, un tant soit peu, « expliquer » l’ assassinat de Abane Ramdane, les circonstances de la mort de Amirouche, Si El-Houas , Ben Boulaid, Colonel Lotfi, Chihani Bachir, Abbas Laghrour, Adjoul Ladjoul pendant la révolution, et Khider, Krim Belkacem, Chabou, Benkaci, Khemisti après l’indépendance, nous pouvons nous livrer à des exercices intellectuels d’interprétation en toute liberté.

Les événements se sont succédés dans une chronologie chronométrée et organisée dans ce seul but : récupérer le pouvoir et tout le pouvoir.

― Crise de l’été 1962 ;
― Dissolution de l’assemblée constituante ;
― Arrestation de Boudiaf et de Ferhat Abbas ;
― Révolte de Hocine Aït Ahmed ;
― Coup d’Etat de Juin 1962.

Ces événements illustrent, on ne peut mieux, les intentions citées ci-avant, éliminer toute forme de contestation et toute entrave sur le chemin du pouvoir.

Sur le plan économique la démarche ressemble à s’y méprendre au processus politique. Les différents plans et programmes de réformes n’ont jamais fait l’objet de débats et/ou d’études sérieuses. Elles n’ont été ni cohérentes ni continues dans leurs attendus encore moins dans leurs objectifs.

Nous faisons et défaisons ces réformes sans tirer les leçons et les enseignements. Elles sont imposées, mises en œuvre sans état d’âme, sans le concours des potentialités et des compétences internes.

L’échec consommé, d’autres sont envisagées avec les mêmes méthodes et les mêmes personnes.

Juste après l’indépendance, fortement inspirés des pays de l’est et notamment par la Yougoslavie, ce sont les comités d’autogestion qui prennent le relai des patrons colons.

Les présidents et les comités de gestion, par mimétisme reconduisent les méthodes. Les comportements sont de profiter des biens dont nous avions été spoliés. Cette période a été caractérisée par un rush sur les biens vacants et notamment dans les villes. La période fut propice, le peuple occupé à festoyer et n’ayant pas encore réalisé la récupération de sa victoire. Ceci explique d’ailleurs sa sortie dans les rues avec son slogan : « Sab’ snin barakat ! » (Sept ans ça suffit !).

Puis les grandes entreprises ont été confiées pour la plupart à de hauts cadres de la Révolution pour « services rendus ».

Les sociétés sont devenues des chasses gardées pour ne pas dire des « maquis à prendre ». Les jeunes cadres sortant des écoles d’ingénieur furent difficilement acceptés, suspectés de vouloir le pouvoir.

Avec force abnégation, beaucoup parvinrent aux rangs très enviés de directeurs généraux et nombreux sont ceux qui ont réussi des prouesses.

La formation, la culture, les compétences et leurs capacités managériales menacent l’establishment par leurs incursions dans les débats qui, souvent, forcément prennent des tournures politiques : l’acte de gestion est éminemment politique, ne le dit-on pas ?

Le Parti, formé dans les luttes de guérilla, fortement empreint des pratiques, met en œuvre son programme d’embuscades et de guet-apens.

L’UGTA devenue un simple satellite du parti depuis 1980, l’installation des cellules du Parti et des assistants de sécurité préventive dans les usines et les entreprises finirent par semer les troubles et pousser les gestionnaires au laisser-aller, se contentant de « plaire » pour ceux qui voulaient faire carrière.

La gestion et la performance désertent les entreprises pour laisser s’installer la démagogie et la politique politicienne. Les rapports doivent plaire et chanter les vertus de la GSE et les plans annuels où il fallait afficher des taux de réalisation ubuesques. Nous avons connu des 120% et ainsi dépassé la raison et ridiculisé l’arithmétique et les lois naturelles.

Bien entendu, pour aspirer à être nommé directeur, la carte du Parti était fort recommandée. Il faut avoir son arme de défense face aux accusations, lorsque vous ne les servez plus, des comités, cellules et syndicats, de réactionnaire et de contre révolutionnaire.

Face aux missions doublement ardues, pris entre les deux mâchoires de la responsabilité et du risque d’être la proie des dénonciations et délations pour avoir utilisé le véhicule de service à des fins personnelles, et les accusations de mauvaise gestion, les directeurs généraux et les cadres qui constituent, en principe, le nerf de tout développement, étaient maintenus dans un niveau d’indigence, corvéables et taillables à merci.

Ce climat de travail dura jusqu’à la crise de 1986, qui a fait suite à la chute brutale des prix du brut : l’occasion est la bonne pour accuser les gestionnaires d’être incompétents, et le système de gestion d’être inadéquat, un système qu’il fallait changer au plus vite.

En tout cas les sociétés n’intéressent plus personne, le Programme Anti Pénurie ayant permis aux introduits et initiés de se constituer des fortunes les mettant fortement à l’abri et plus important, ce qui expliquera l’avenir, avec un appétit et beaucoup d’ambitions.

Incapable de faire face aux besoins des entreprises avec la responsabilité de gestionnaire propriétaire, les réformes sont économiques, d’autres encore, sont engagées, sorties des réflexions d’un groupe restreint surnommé à l’époque, à juste titre, de Chicago Boys, ou de Golden Boys.

Nous ne reviendrons pas sur l’aspect sélection des managers chargés de mener à bon port ces réformes, entourée qu’elle fut de secret et sujette à des manipulations pour nommer les équipes des administrateurs et PDG.

Les difficultés et la crise multidimensionnelle se sont avérées fatales aux entreprises, qui n’enregistrent que des contreperformances, résultats ayant nécessité l’intervention des institutions mondiales au chevet de notre économie.

Les remèdes de cheval imposés ont donné les résultats connus. Les traitements ont été conçus par les bureaux étrangers, tous émargeant aux tablettes du FMI et de la BM, sans considération aucune aux cadres nationaux chargés de valider les plans de redéploiement élaborés, le plus souvent et c’est la règle en principe, par les équipes de cadres des entreprises.

La période 1993/1997 a par contre connu la chasse aux sorcières, par la fameuse opération mains blanches. Prison, exil, départs en retraite, soit l’abandon pur et simple devant les pressions et les menaces suspendues sur leurs têtes.

La fuite des cerveaux n’eut lieu qu’en raison de ce manque de considération, d’une part, aggravé par ces pressions et ces suspicions entretenues, d’autre part.

Le complexe industriel matériel, vidé de sa substance, la ressource humaine, est devenu, pour citer un ministre de la République, « une vieille quincaillerie », au moment où un autre ministre de la même République lance un appel à la manifestation d’intérêt pour la privatisation des mille deux cents entreprises sur la toile du net.

Ré-échec

Quelle a été la place, le rôle, l’importance et par conséquent la responsabilité de l’encadrement dans cette faillite ?

Nous pouvons à l’aise faire une opération d’homothétie entre les deux processus de la révolution historique et celle de « l’édification économique » pour conclure à une parfaite similitude dans les étapes, les méthodes et les hommes (leurs statuts) pour conclure que l’indépendance du pays est interprétée comme l’étape ultime de plus de cent trente deux années de luttes.

Absence de projet de société, cafouillage et populisme dans les discours, tentatives avortées (parce que, non seulement mal conçues mais également sans volonté politique affirmée) de redresser la situation, verrouillage de la société civile, embrigadement de thuriféraires et autres aventuriers, ne peuvent donner que les résultats que nous connaissons : une société sans repères livrée à toutes les tentatives maffieuses avec tous les avatars qui sont la corruption à grande échelle et à tous les niveaux, fléaux sociaux d’un autre siècle (harraga, prostitution, drogue, trafic d’armes, etc.).

Le pire dans tout cela est que nous vantions les prouesses de notre élite installée sous d’autres cieux pour chanter la qualité de nos cadres, cela accompagné de volonté politicienne de créer des lobbys algériens ailleurs et de mettre en place des mesures incitatives pour les intéresser à revenir au pays, sans aucun résultat bien entendu.

En conclusion de cette modeste contribution, la révolution a broyé bien d’élites et d’hommes valeureux. Ce processus semble avoir été calqué sur le processus de construction et d’édification de notre économie, apparemment pour le même objectif. Seules diffèrent les méthodes.

Le sommet qui commande ne semble pas avoir besoin de la classe moyenne, chère dans tous les pays du monde, si développés soient-ils.

Courroie de transmission entre les gouvernants au sommet de la hiérarchie et le peuple, sa rupture (l’inexistence de cette classe) laisse les coudées franches pour faire passer les discours aussi invraisemblables puissent-ils être.

Arezki Maouche
23 mai 2010

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