La notion de l’homme parfait[1] se trouve dans les plus anciennes traditions humaines, aussi bien dans les religions et mythologies (sumérienne, babylonienne, indienne ou grecque par exemple) que dans les philosophies (Platon par exemple).

Cet être parfait est envisagé parfois à l’origine de l’existence humaine et parfois comme l’élément-clé d’une doctrine sotériologique, c’est à dire comme un sauveur à la fin des temps.

L’idée de l’homme parfait ou encore l’homme universel, se fonde en islam dans le Coran, plus précisément dans les versets relatifs à la création de l’homme et à la personnalité du Prophète (SA), le meilleur des êtres, et dont la lumière fut la première créée, selon une tradition connue.

En langue arabe, on l’appelle al-insân al-kâmil (homme parfait) ou al-insân al-kabîr (le grand homme). Le Coran l’appelle simplement al-Insân, l’Homme ou khalifah, lieutenant ou représentant d’Allâh.

Cette idée du rôle de l’Homme Parfait est impliquée par les textes sacrés, Coran et traditions prophétiques.

Elle sera développée laborieusement dès les débuts de l’islam et ne sera exprimée ouvertement que lorsque l’ambiance euphorique des premiers temps sera passée, lorsque l’énergie cinétique imprimée par la première force de l’islam commença à ralentir de façon sensible. Un besoin de redéfinir les fondements de la foi s’est fait jour.

Ce qui était évident avait désormais besoin d’être explicité.

Tout un système philosophique sera construit autour de cette fonction, système qui sera parachevé avec la doctrine de l’unité de l’être (wahdat al-wujûd) et deviendra en réalité le seul qui soit véritablement représentatif de la pensée musulmane à partir du 7ème siècle de l’hégire, 13ème siècle de l’ère commune.

Dans son Livre Saint, Allah qualifie le Prophète Muhammad (SAW) d’un homme au caractère éminent :

« Tu es porté par un caractère magnanime. »

Wa innaka la‘alâ khuluqin ‘adhîm (Sourate 68, verset 4).

Et lui-même a dit dans une tradition connue :

« Mon Seigneur m’a éduqué d’une éducation parfaite. », Addabanî rabbî fa-ahsana ta’dibi

Comme son éducation fut divine, il était normal que le Créateur lui confie le soin de transmettre aux hommes Ses ordres.

Il dit :

« Prenez ce que vous donne l’Envoyé, et cessez de faire ce qu’il vous interdit » wa mâ âtâkum al-rasûl fakhudhhu, wa mâ nahâkum ‘anhu fa-ntahû. (Coran, 59, verset 7)

Ce verset signifie que Dieu se porte garant des ordres de Son Envoyé. Car celui-ci ne parle pas en vain :

Lâ yantiqu ‘an al-hawa. (Sourate 53, verset 3)

Il ne nous incombe plus que d’obéir.

Les musulmans ont toujours écrit et chanté les éloges de leur grand Prophète (SAW). De son vivant déjà, Il avait un poète attitré en la personne de Hassân Ibn Thâbit.

Et au Maroc, dans cette terre bénie, vous savez tous et toutes que l’on récite tous les vendredis et en d’autres occasions, la célèbre Bordah d’al-Boussiri. La Bordah est connue d’un bout à l’autre de l’espace islamique, de Tanger à Kuala Lumpur.

« Les vertus de l’Envoyé d’Allah sont illimitées en nombre :

La langue est impuissante à les énumérer »

Inna fazl Rasul-i Allah laysa lahu haddun

Faya’ruba ‘anhu nâtiqun bi-fami

C’est que proclamer les qualités exceptionnelles de l’Envoyé de Dieu (SAW) nourrit l’âme et la renforce.

En tant que première lumière créée, la lumière Mohammadienne (al-Nûr al-Muhammadî) est la lumière dont procèdent toutes les autres lumières particulières, celle où puisent les prophètes et les saints ainsi que tous les croyants de toutes les religions.

Cette lumière s’est répandue dans tout l’univers, car le Prophète a été envoyé comme une bonté pour les univers, rahmatan lil- ‘âlamîn, afin que nul ne dise un jour qu’il n’en a pas entendu parler.

Dans les particuliers, cette lumière apparaît avec une intensité plus ou moins grande. Mais quiconque en possède ne serait-ce qu’un atome, sera sauvé s’il fait l’effort de la garder, de l’accroître, inshaAllah.

Dans le Coran, il est dit :

« Nous avons créé l’Homme dans la meilleure des complexions… puis Nous l’avons ravalé au plus bas des plus bas… » (Sourate 95, versets 4 et 5)

Il décrit ici la façon dont la Lumière Muhammadienne s’est déployée selon une trame d’intensité variable afin de toucher chacun selon son aptitude, selon son mérite, selon son effort, le degré de sa foi, depuis le niveau de sa plus haute perfection jusqu’à son intensité la plus faible.

Celui qui est au plus bas n’en demeure pas moins dans la main de Dieu. Il a le droit d’espérer lui aussi, car il ne faut jamais désespérer de la bonté divine.

A plusieurs endroits, en effet, le Coran dépeint l’homme parfait, ou homme universel, comme le vicaire (khalîfatullâh) de Dieu sur la terre. Pour en faire Son représentant, Dieu lui a enseigné les noms de toutes les choses, noms qui ont un pouvoir opératif. Le représentant de Dieu (khalîfa) a été annoncé (aux anges) ‘‘avant’’ même sa création (al-khalîqa). Car c’est pour lui que l’univers va être créé. Fî al ardh, c’est-à-dire au cœur de l’univers, comme l’esprit dans le corps.

De l’autre côté, Dieu a aussi soumis aux hommes (mis à leur disposition) tout ce qui est sur la terre (sakhkhara lakum mâ fi al-arz jami’an). Il a rendue obligatoire l’obéissance des autres créatures à ce représentant éminent. Si cette obéissance n’est pas toujours évidente, c’est en raison de la faible foi des hommes particuliers.

L’Homme Universel parle aussi bien la langue des gazelles que celle des oiseaux ou des fourmis, n’a jamais douté de la toute-puissance divine, et voit Dieu dans toutes les manifestations particulières.

Toutes les créatures ont été créées pour être au service de l’Homme (al-insân), c’est-à-dire pour le conforter dans sa foi. Il médite (yatafakkaru) tout le temps sur la création des cieux et de la terre.

Même la conquête de l’espace nous est promise, comme un défi amical à relever. Tout ce qui est à la portée de notre regard, de nos télescopes appartient aux hommes. Il n’est pas interdit de rêver de voyages interstellaires dans les prochains siècles.

« O compagnies des djinns et des hommes, si vous pouvez percer des espaces de cieux et de la terre, eh bien, percez ! »… Quittes à ne le faire qu’en vertu d’un pouvoir. » (Coran, sourate 55, verset 33) Le mot soltân (traduit ici par pouvoir par J. Berque) vient d’un radical qui signifie aussi maitriser. La recherche dans les profondeurs et les mystères de la terre et l’exploration de l’espace sont également encouragées.

L’Homme a reçu le dépôt divin que les montagnes, la terre et les cieux ont refusé.

« Nous proposâmes le dépôt aux cieux, à la terre et aux monts : ils déclinèrent de s’en charger, tant ils en éprouvèrent de transe. L’homme, lui, s’en est chargé…

– par comble d’ignorance et d’iniquité. » (Coran, sourate 33, verset 72)

Les commentateurs expliquent le dernier fragment en disant qu’en dépit des apparences, il s’agit d’un passage élogieux pour l’Homme puisque, propos divin, il exprime une réalité éternelle vraie au sujet de tous les êtres créés (tout être hormis Dieu est ignorant et inique). Bien que les hommes en général soient tous ignorants et iniques sous quelque rapport, cela n’a pas empêché Dieu de confier la charge du dépôt (al-amâna) à la meilleure de Ses créatures dont Il se porte garant de la perfection.

Ce qui donne d’un côté, l’Homme comme la créature parfaite par excellence et de l’autre, l’univers comme son domaine privé confié à lui par Allah. Ce statut particulier de l’homme implique (est conditionné par) de sa part qu’il se réalise pleinement dans toutes les possibilités offertes par sa création première. En effet, il doit réaliser le meilleur, acquérir toutes les qualités qui le qualifient d’image de Dieu (khuliqa ‘alâ sûrat al-Rahmân).

L’homme possède ainsi une fonction axiale dans la création, dans l’être.

Les prophètes et les envoyés, auxquels on ajoutera aussi tous les saints, ont réalisé toutes ou presque les possibilités contenues dans l’Homme primordial, originel, tel qu’il fut créé par Dieu.

Les prophètes sont « éduqués » formés par Dieu. Ils sont, dès avant leur naissance destinés à cette mission prophétique. Ils sont même annoncés par les prophètes qui les ont précédés, car ils sont comme les briques d’un même édifice, comme l’affirme le Prophète. Par exemple, Jésus (AS) a parlé dans son berceau en annonçant sa mission divine.

Les hommes sont invités à suivre les prophètes. Certains le font de façon généralement formelle, en se contentant d’observer certains rites admis par tous. D’autres font un effort plus grand. Ils suivent et imitent les prophètes et réalisent une part des qualités proprement « humaines » et sont appelés saints. Ils sont proches de Dieu (awliyâ Allâh).

Les saints se considèrent comme la manifestation particulière dans le temps et l’espace d’une réalité unique qui est celle de l’Homme Parfait, de l’Adam primordial ou encore de l’Envoyé de Dieu.

Si la prophétie est close, la sainteté, elle se poursuivra jusqu’à la fin des temps.

Ainsi, les saints sont devenus les héritiers des prophètes.

Cette réalité est éternelle, et est nécessaire. Sans elle, l’univers s’effondrerait. Le représentant de Dieu est là pour témoigner de la présence de Dieu, pour témoigner de Lui, de Sa victoire proche, même quand tout semble échapper à la logique et tout aller droit à l’échec.

Si même toute l’humanité venait à cesser de croire en Dieu, il y aurait au moins un homme debout au milieu des ruines qui témoignerait de la grandeur d’Allah et qui serait capable de régénérer la foi : ce serait l’Homme Parfait, modèle originel de l’humanité créée à l’image du Miséricordieux, à partir de laquelle l’humanité peut se régénérer avec la permission de Dieu.

Car Dieu « domine son commandement » (ghâlibun ‘alâ amrihi). Il parvient au but qu’Il s’est fixé, qu’Il a fixé pour l’humanité. Dieu exalté soit-Il ne peut pas être vaincu par Ses créatures ni même leur laisser avoir le dernier mot.

C’est pour cela qu’Ibn Arabî évoque dans le chapitre 8 du Fusûs al-Hikam, les deux sortes d’obéissance qui existent. L’une est l’obéissance en vertu de la toute puissance divine qui agit sans informer les hommes de Ses intentions (i.e., nous obéissons même quand nous croyons désobéir). L’autre est ce que les hommes s’imposent, se fixent comme discipline à suivre, par exemple en choisissant de suivre une loi révélée particulière. Dans ce cas, l’obéissance (la religion), consiste dans les actes que nous accomplissons…

Dieu a promis que la terre sera donnée en héritage à celles de Ses créatures qui ont été affaiblies, opprimées. Tout ce qui, à cause des excès des corrompus, a été injustement éliminé de la terre, les hommes, les femmes, et même les plantes et les animaux reviendront un jour pour jouir de leur revanche.

Car la justice ne concerne pas seulement les cas qui relèvent des tribunaux. Elle concerne tout ce qui est de nature à déséquilibrer l’ordre voulu par Dieu.

C’est la raison pour laquelle les hommes se tournent vers les awliyas pour leur demander d’intercéder en leur faveur quand ils ont désespéré de la justice de leurs congénères.

Les hommes, mais aussi les animaux. Nous ne croyons pas en effet que Dieu veuille que tant d’espèces animales soient aujourd’hui menacées de disparition définitive.

« Dieu ne veut pas de corruption (sur la terre) ! », lâ yuhibbu al-fasâd. (Sourate 2, verset 205)

Il en va de même des plantes, des montagnes, des mers, des lacs et rivières, des plaines et des collines, etc. Les Hommes doivent respecter la nature, réaliser leurs projets sans la blesser, car le moindre mal se retournera contre eux puisqu’ils sont eux-mêmes un élément de la nature.

« La corruption est apparue sur terre et sur mer, du fait des actes des hommes…. » (Sourate 30, verset41).

L’exemple du statut de la Mecque est un modèle pour la terre entière quand elle sera régie toute entière par la Loi divine. On ne peut y tuer aucun animal, pas même une fourmi. On ne peut y abattre d’arbre. Un respect absolu de la vie…

L’Homme parfait est d’abord contre la nature en tant que sommeil. Il est un être éveillé, une conscience pleine, un esprit puissant. Il échappe à la décadence qui menace cycliquement les sociétés.

Pour l’homme parfait, tout est culturel, c’est à dire que tout doit être soumis à l’examen de l’homme, à ses décisions et actions, y compris la décision de garder des terres en friches, de protéger des forêts ou des sites historiques. Rien ne doit être fait par négligence. La fonction des hommes est de civiliser, c’est-à-dire de mettre de l’ordre dans les comportements, les attitudes des hommes et dans les décors sociaux c’est-à-dire de développer l’esthétique, les belles choses, d’assurer les conditions de l’épanouissement de toutes les potentialités contenues dans l’homme.

L’homme doit imprimer sa marque sur tout, car l’univers est son royaume mis à sa disposition par Dieu. Il devra en rendre compte et prouver qu’il a fait tout son possible pour en tirer le meilleur pour lui dans ce monde et dans l’autre.

Comme le représentant de Dieu sur terre (khalîfah) a été désigné et annoncé avant même la création, cela implique que la fonction de ‘‘calife’’ de Dieu est éternelle et se renouvelle constamment jusqu’à la fin des temps, contrairement à la fonction de prophétie qui, elle, est close définitivement, comme le savent tous les musulmans.

Cela ne veut pas dire que le khalifah est supérieur au Prophète, précisent toujours les commentateurs. Dans la personne de l’Envoyé, la fonction de khalife de Dieu est supérieure à sa fonction de prophète. En d’autres termes, tout prophète est khalife mais tout khalife n’est pas prophète.

Le khalife définit le rôle de l’homme sur la terre à partir des règles apportées par le prophète.

En tant qu’il est institué avant même la création de la terre, le khalife, peut être considéré comme l’Esprit qui est appelé à régir le monde. Il est l’âme du monde, jân-e jahân, comme dit Rûmî.

Il a une fonction cosmique, takwiniyya, alors que les messages célestes ont une fonction juridique (tashri‘iyya). Les obligations de la religion révélée ne sont nécessaires qu’aux êtres de ce monde. Dans l’au-delà, les humains sauront par eux-mêmes ce qu’il faudra faire.

Ces idées reposent comme on l’a dit sur les textes fondateurs de l’islam. Elles sont aussi confirmées par l’expérience des grands maîtres spirituels reconnus par la grande masse des musulmans, de toutes les écoles juridiques.

Pour les maîtres du soufisme, il n’y a pas de doute que l’Envoyé de Dieu est présent et actif dans le monde. Il intervient comme un guide de ses partisans véritables à travers une hiérarchie spirituelle bien organisée, hiérarchie que les ouvrages mystiques détaillent, notamment Ibn Arabî dans le chapitre 73 des Futûhât al-Makkiyya.

On ne peut pas en effet penser qu’avec sa mort à Médine en 632, en l’an 11 de l’Hégire, le Prophète (SAW) ait quitté ce monde sans plus jamais y avoir de rôle, laissant l’humanité entière à laquelle il a été destiné, sans guide éclairé, sans quelqu’un de qualifié pour lui indiquer ce qu’elle doit faire.

Le Coran dit bien : « Si vous aimez Dieu, alors suivez-moi pour que Dieu vous aime et vous pardonne vos péchés » (sourate 3, verset 31). Ce verset de l’amour comme véhicule fondé sur l’imitation du Prophète (SAW) est une parole divine, donc une parole vraie et éternelle. Or cette parole vraie implique que le Prophète continue d’agir, de guider les croyants qui le suivent. On ne peut pas suivre un mort, un être spirituellement mort. L’homme parfait est au centre de l’être (al-wujûd). Il est l’intermédiaire entre les hommes et Dieu.

Les musulmans ont certes le Coran et les traditions compilées par les savants. Mais ils n’en ont tout au plus exploité partiellement d’ailleurs que quelques centaines de versets pour extraire (istinbât) quelques lois à caractère juridique (fiqh) elles-mêmes discutables.

Le Coran a beaucoup plus de trésors à nous offrir, à chaque époque, à chacun d’entre nous.

Mais le même Coran nous enseigne que sans un guide intérieur, on ne peut accéder au sens vif et plein des versets coraniques. Dans la sourate 18, Moïse rencontre le maître qui va lui révéler un autre type de connaissance permettant de comprendre d’autres sens que ceux que le sens visible qui demeure valide bien entendu, mais qui se trouve enrichi par la nouvelle perspective offerte à l’intelligence humaine. Il s’agit d’un enseignement qui éclaire la Loi.

Ainsi, comme le rappellent tous les maîtres reconnus du soufisme, il ne s’agit pas de dépasser la Loi, bien au contraire. Il s’agit de tenter de réaliser le verset : « Dis : Seigneur, accrois mon savoir ! ». Le Prophète ne reçoit pas l’ordre de demander plus de pouvoir ou plus de d’argent, mais uniquement de demander plus de savoir. Car c’est en cela que consiste la vraie richesse, la vraie grandeur des hommes.

En réalité, la Loi est la règle. Comme l’obéissance à la Loi implique de « méditer sur les signes de Dieu », elle entraine plus de savoir, plus de foi. C’est pour cette raison qu’il a été dit que la Loi est la Voie et inversement que la Voie n’est pas autre que le respect de la Loi.

Le Prophète est dans le monde comme l’esprit dans le corps. Le corps est visible, l’esprit est invisible. Sans l’esprit, le corps s’effondre. Il est l’âme de l’univers.

Le Prophète a été envoyé à tous les hommes, sans exception.

A notre époque de mondialisation, il est important de le rappeler.

C’est l’homme parfait qui donne un sens au monde. Sans son existence et son rôle de générateur de sens, on ne comprendrait pas cette immense pièce théâtrale qu’est ce monde. Des générations successives faisant la même chose, sans rien comprendre, seraient l’absurde même. Heureusement que chaque génération fait avancer le monde vers son but ultime, en l’enrichissant d’une expérience nouvelle. Tout doit être expérimenté, testé, gouté. Les échecs coûtent chers parfois, mais ils sont nécessaires aux hommes pour qu’ils se convainquent de leur erreur et de leur succès.

Le Coran nous dit : « Vous avez en l’Envoyé d’Allah un modèle excellent (à imiter) pour ceux qui aspirent à Dieu, au Jour dernier, et rappellent Dieu sans trêve », laqad kâna lakum fî rasûl Allah uswatun hasana…, (Sourate 33, verset 21)

Cela revient à dire que si nous devons chanter les qualités de notre Prophète, le louer comme Il le mérite, il serait encore plus fier de nous si nous tentions de suivre son exemple.

Cela veut dire aussi que nous devons tous faire l’effort de ressembler à ce modèle de perfection qu’est l’Envoyé d’Allah.

Nous devons être des copies miniatures de l’homme parfait, des images modestes certes, mais lorsqu’elles sont multipliées par le nombre des âmes seront considérables.

Si tous les êtres humains faisaient le même effort, ils constitueraient l’humanité véritable, celle qui est définie à l’origine comme étant l’Adam primordial, c’est-à-dire telle que l’humanité devrait être en vertu de sa fitrat, nature première, car nous naissons tous bons.

L’Homme Parfait est un conservateur de la nature, un gérant de la nature. Il lui impose l’ordre et la raison pour la préserver de l’anéantissement. L’Homme Parfait est un organisateur de la nature afin de la préserver.

L’homme parfait a pour mission de se tenir dans une position médiane, loin de tout excès. Il ne gaspille pas et surtout il ne corrompt pas la terre.

C’est que l’Homme parfait occupe une position centrale dans la création, dans le temps et dans l’espace, dans l’être manifesté aussi bien que non manifesté. Son royaume est double. Il règne dans le monde sensible et dans le monde imaginal (‘âlam al-mithâl).

Il a une fonction de relai entre les créatures et Dieu, comme le montre bien la shahâda, attestation de foi, qui met l’Envoyé de Dieu, au milieu, entre les hommes et Dieu.

« J’atteste qu’il n’y a de divinité qu’Allah, et que Muhammad est Son Serviteur et Son Envoyé ». Serviteur est sa nature devant Dieu, Envoyé est sa fonction devant les hommes.

La foi véritable passe aussi par l’acceptation de la nature et de la fonction de l’Envoyé d’Allah.

La déraison, la négligence (ghafla) sont alors considérées comme des péchés graves et conduisent à la mort. Il faut être éveillé, tout le temps éveillé. L’homme ne se réalise spirituellement dans toute sa plénitude que par la conscientisation totale de tous ses actes. Ne rien faire par habitude ou routine, ne rien faire faire à la légère, ne pas rester les bras croisés.

Et nous savons et mesurons aujourd’hui combien la négligence est cause de tant de dommages. La préoccupation écologique se justifie pleinement à notre époque.

Il s’ensuit que le ‘‘khalife de Dieu’’ est chargé d’interpréter la religion révélée à chaque époque de façon à garder vivante la foi, en lui redonnant sens et énergie. Car les hommes ordinaires n’appréhendent pas toujours le sens des versets applicable à leurs cas, et aux cas de leur temps et de leur civilisation.

Comme l’intellect, le représentant de Dieu sur terre organise le monde et l’empêche de sombrer dans le chaos.

Il maintient le monde sur la voie de sa survie, l’alimente en espérance et le défend contre les forces chaotiques, pour le mener à son port qui est la réalisation de la promesse divine de faire triompher le Vrai.

Omar Benaïssa
15 avril 2010

 
Note :

[1] Texte lu au Colloque sur l’Homme Parfait, en marge du Festival Mondial des rencontres et Musiques soufies, qui s’est tenu à Marrakech du 7 au 13 mai 2008. L’auteur tient à remercier les organisateurs en particulier son ami Jaafar Kansoussi pour avoir eu cette intuition rare d’organiser une rencontre sur un thème aussi important dans la vie musulmane et humaine. Remettre de l’ordre dans nos préoccupations intellectuelles est une tâche cruciale en ces temps où les media se concentrent sur des épiphénomènes créés par les courants parcellaires qui sont loin de représenter l’aspiration profonde de la grande majorité des croyants de toutes les religions.

Source : Majlis al-Uns

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