« Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur engagement envers Allah. Certains d’entre eux ont atteint leur fin, et d’autres attendent encore ; et ils n’ont varié aucunement (dans leur engagement). » (Coran 33:23).

Abdelkader Hachani, homme réputé discret, au visage apaisant et à la barbe fournie, nous a quitté voila une décennie. L’occasion de revenir sur le parcours de cet homme devenu martyr.

Né à Constantine en 1956, fils d’un héros de la guerre d’indépendance, Abdelkader Hachani était ingénieur en pétrochimie de formation.

En 1989, il figure parmi les 35 membres fondateurs du FIS, et deviendra son principal dirigeant suite à l’arrestation des chouyoukhs, Abassi Madani et Ali Benhadj, et suite au congrès de Batna, qui le propulsera à la tête du comité exécutif du FIS. Consacrant l’option démocratique et légaliste du FIS, il deviendra l’artisan principal de la victoire du FIS aux législatives avortées de 1991.

Fin stratège, homme de paix et de dialogue, Abdelkader Hachani saura déjouer toutes les manœuvres malsaines du pouvoir. Arrêté une première fois durant un mois en septembre 1991, sous le vague prétexte de prêche enflammé, Hachani connaitra tout au long de son parcours la torture et la prison, épreuves qui ne lui feront jamais transiger avec ses principes.

Suite au coup d’Etat de janvier 1992, il appelle ses partisans à la retenue et à résister à la junte au pouvoir par « le jeune et la prière », mais sera arrêté une nouvelle fois le 22 janvier 1992, suite à un communiqué adressé aux militaires jugés comme un appel à la désertion. En réalité, il appelait à un simple respect du choix du peuple dans le but de préserver la cohésion de la Nation et l’unité des Algériens.

Toujours soucieux de sa religion, de sa nation et de son peuple, Abdelkader Hachani restera cinq ans en prison sans jamais être jugé. Détention durant laquelle il sera sauvagement torturé, et durant laquelle il entamera neuf grèves de la faim. Il assistera aussi impuissant au massacre de Serkadji, durant lequel Ikhlef Cherrati, que Dieu lui accorde Sa miséricorde, théologien et dirigeant du FIS, trouvera la mort. Dans son combat inlassable pour la vérité et la justice, il écrira au président pour lui demander qu’une enquête soit ouverte et que justice soit faite, sans jamais être entendu.

A sa sortie de prison, il sera privé de ses droits civiques, et interdit de quitter la capitale. Faisant fi de ces interdictions, Hachani, mû par la volonté de remettre l’Algérie sur la voie de la paix et de la réconciliation, continuera inlassablement son combat. Critique vis-à-vis de la manière dont le pouvoir souhaitait mette fin à la guerre civile, Hachani demandera constamment que le débat soit ouvert, incluant toutes les parties, et réclamera toujours la justice et la vérité : « S’agissant de réconciliation nationale, je milite personnellement depuis ma sortie de prison pour ramener la paix et évacuer la violence de façon globale et définitive de notre pays, en préservant la dignité et les convictions de toutes les parties. La résolution du phénomène de la violence restera cependant tributaire d’une ouverture politique réelle qui viendrait ponctuer un traitement juste et équitable des différents dépassements qui ont eu lieu de part et d’autre. »

Devenu un élément gênant, refusant la compromission avec le régime, ce dernier ne trouvera comme seule solution que son élimination. Officiellement assassiné par un tueur du GIA, cette version ne résiste aucunement à une analyse des faits. Victime d’un pouvoir illégitime qu’il n’a cessé de combattre, Hachani sera rappelé par le Créateur le 22 novembre 1999 à Alger.

Enterré dans le cimetière d’El Kettar à Alger, plusieurs milliers de personnes assisteront à son enterrement, et les hommages seront nombreux, dépassant ceux du courant islamique. Hommage à l’image de l’homme, capable de concilier Islam et démocratie et de dépasser les clivages dans le but d’instaurer une paix durable.

En ce moment de pèlerinage où des millions de musulmans convergent vers La Mecque, il convient de rappeler qu’Abdelkader Hachani, privé de passeport, n’aura jamais l’occasion d’effectuer ce voyage qui lui était si cher.

Bien plus qu’un homme politique, l’Algérie a perdu un de ses fils les plus chers et un grand homme, dont seul la mort pouvait mettre fin à son combat. Le peuple algérien doit se souvenir de lui, de sa lutte, afin qu’elle continue d’être menée jusqu’à la libération de l’Algérie de la tyrannie et du despotisme.

Enfin nous prions Dieu d’accorder au martyr Hachani Sa miséricorde, et de l’accepter dans Son paradis.

Farid Omeir
21 novembre 2009

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