J’ai lu récemment sur le Quotidien Le Soir d’Algérie l’interview d’un politologue algérien, Chafik Mesbah, que la main mise des décideurs militaires sur le pouvoir relevait plutôt d’une vue de l’esprit.
Voici quelques questions du journaliste et des extraits de réponses du politologue:

Q:Ce retour inopiné de M. Ahmed Ouyahia à la tête du gouvernement porte plus l’empreinte du président de la République ou de l’armée et des services de renseignement ?

C.M: “…le retour aux affaires du nouveau chef du gouvernement procède bien d’une décision souveraine du chef de l’état. Que dire de ce «deal» entre pôles de puissance qui est évoqué ? Dieu combien les microcosmes algérois aiment fantasmer ! Cette supposition me paraît relever de la pure spéculation.”

Q:Nonobstant la feuille de route que vous évoquez, il est prêté à M. Ahmed Ouyahia une ambition présidentielle entretenue par la proximité de pôles de puissance…

C.M: “Quels pôles de puissance ? Dites, clairement, lesquels. S’il s’agit de l’institution militaire, permettez-moi d’en douter. Les services de renseignement, alors ? Vous voulez emboîter le pas à M. Ali Yahia Abdennour, cet homme à tous égards respectable, qui, candidement, croyait me révéler, il y a peu, que M. Ahmed Ouyahia était un officier d’active au sein des services de renseignement algériens ? Je ne crois pas que M. Ahmed Ouyahia lui-même irait jusqu’à cautionner une telle plaisanterie.”

Q:Ne craignez-vous pas d’être bien isolé dans vos certitudes ? Les cercles d’initiés savent, parfaitement, que c’est l’institution militaire et les services de renseignement qui continuent de réguler la sphère politique…

C.M: “…Sans m’attarder sur les caractéristiques internes de la communauté du renseignement, il me paraît que cette influence excessive prêtée aux services de renseignement est un prétexte commode que nos leaders politiques invoquent, avec récurrence, afin de masquer leur résignation à l’ordre établi. Dites-moi, par Dieu, quel est ce pays où un appareil de renseignement ou de sécurité, aussi puissant soit-il, a pu résister à la volonté d’un peuple déterminé dont l’énergie est canalisée par une élite légitime et performante ? Plutôt que de fantasmer sur le rôle de l’institution militaire et des services de renseignement, pourquoi ne pas investir le champ politique et occuper le terrain social en vue de canaliser l’énergie exceptionnelle qui agite la société dans ses entrailles afin de l’orienter vers l’objectif d’une transformation pacifique du système ? Sinon, laissons en paix l’armée et les richesses pétrolières du pays, seuls patrimoines communs à tous les Algériens.”

J’avoue que de telles affirmations, venant d’un politologue reconnu, m’ont proprement scotché. C’est donc cela l’explication de la crise multiforme que nous subissons. Et nous, pauvres gens du commun, analphabètes politiques, qui nous étions égarés dans des lectures tellement alambiquées, qui ne savions pas comprendre des choses aussi simples. Nous vivons dans une évidence que nous ne voyions pas, avant cette lumineuse interview. Un peu comme le bourgeois gentilhomme de Molière, qui faisait de la prose sans le savoir. Pourtant nous avions cru que “l’influence excessive prêtée aux services de sécurité” était bien réelle.

Cela m’a rappelé l’histoire de cet enfant qui avait eu un malaise et qui était tombé en syncope. Son père, un homme un peu simplet, s’en est allé chercher un médecin. L’homme de l’art, dont le stéthoscope était défectueux, n’entendait pas les battements de coeur de l’enfant et décréta séance tenante que celui-ci était décédé. Le malheureux père se mit à se lamenter. Les cris et les pleurs réveillèrent l’enfant qui demanda à son père ce qui se passait. Celui-ci répondit à son fils qu’il le pleurait parce qu’il était mort. L’enfant, tout étonné, lui répondit qu’il était bien vivant puisqu’il lui parlait. Alors, le père excédé, lui répondit ceci: ” Si le docteur a dit que tu étais mort, c’est que tu es mort! Tu ne prétends tout de même pas connaître ces choses là mieux que le docteur?”

C’est pareil pour nous. Si un politologue aussi éminent affirme que l’influence prêtée aux services de sécurité est excessive, que nos politiciens qui invoquent avec récurrence cette thèse ne cherchent qu’un prétexte commode afin de masquer leur résignation à l’ordre établi(sic), que Ouyahia pourrait ne pas cautionner l’idée qu’il est un produit des services(re-sic) et que les pôles de puissances, relèvent de la pure spéculation, alors nous, qui pensions que la junte est le principal acteur politique du pays, qu’elle est un passage obligé pour la nomination des chefs du gouvernements, et même de la désignation du chef de l’Etat, et qu’en la circonstance, c’est elle qui a négocié le retour de Ouyahia aux affaires, pardon je voulais dire dans les affaires, puis de sa désignation en qualité de Vice-président, en échange d’un troisième mandat pour Bouteflika, nous étions complètement à côté de la plaque. Si le docteur l’a dit, c’est que c’est vrai! On ne va pas prétendre connaître ces choses là mieux que le docteur.

Aussi, allons nous profiter de cette douche froide et salvatrice, pour remettre de l’ordre dans certaines de nos idées reçues, dans nos spéculations farfelues, dans nos plaisanteries, et dans nos prétextes commodes.

Allons-y!

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