Abdelaziz Belkhadem a repris sa campagne. Il lui reste à convaincre qu’une Constitution peut régler les problèmes des harraga.

Après une pause de deux semaines imposée par les attentats du 11 décembre, M. Abdelaziz Belkhadem a repris son forcing en faveur d’un amendement de la Constitution, préalable indispensable à un troisième mandat du Président Abdelaziz Bouteflika. Après les « organisations de masse », il a obtenu, cette semaine, le ralliement de son parti, le FLN, à cette idée, en adoptant un ton très dur envers ses adversaires, menaçant les récalcitrants de les traduire devant la commission de discipline. Le chef du gouvernement a fait preuve d’une assurance rare, qui laisse clairement entendre que son projet bénéficie de solides appuis. Il met désormais la pression sur ses partenaires de « l’alliance présidentielle », le RND et le Hamas, sommés de se prononcer rapidement, faute de quoi ils apparaîtraient comme des retardataires au cas où le projet de M. Belkhadem aboutirait. Ils pourraient alors avoir à le payer, d’autant plus que d’autres partis frappent aux portes du pouvoir, dans l’espoir de détrôner l’une des formations de l’alliance. Le chef du gouvernement apparaît ainsi en position de force. Pourtant, sa position est extrêmement fragile, peut-être la plus fragile au sein de ces cercles qui gravitent autour du pouvoir. En effet, M. Belkhadem donne l’impression de jouer son va-tout dans cette aventure de l’amendement de la Constitution. Il semble avoir mis tous ses oeufs dans le même panier, pariant sa chemise sur le maintien du Président Bouteflika, alors qu’aucune hypothèque n’a encore été levée pour aller vers un troisième mandat du chef de l’Etat. M. Belkhadem est, dès lors, condamné à réussir pour garder une existence politique, alors que le Président Bouteflika lui-même fait preuve de la plus grande discrétion sur la question d’un troisième mandat.

Dans son aventure, M. Abdelaziz Belkhadem laisse implicitement entendre qu’il agit pour le compte du président de la République. Est-ce vraiment le cas ? Difficile à dire, même si, a priori, il paraît difficile de pousser quelqu’un à rester au pouvoir contre son gré. Mais cette hypothèse ne peut pas être rejetée d’un revers de la main.

Deux faits majeurs ont pu pousser le chef de l’Etat à reconsidérer les attraits du pouvoir, qui semblent encore attirer irrésistiblement M. Abdelaziz Belkhadem. D’une part, le chef de l’Etat n’a guère montré d’enthousiasme à changer la Constitution. Il a évoqué le sujet deux fois en neuf ans, ce qui est bien peu. La première fois, c’était il y a bientôt une décennie lorsque, interrogé sur la Constitution actuelle, il avait affirmé qu’elle ne lui plaisait, mais qu’il s’en accommoderait. La seconde fois, c’était en juillet 2006, lorsqu’il en avait évoqué, du bout des lèvres, la révision. C’est bien peu pour un homme qui serait obsédé par le pouvoir, comme le décrivent ses détracteurs. En outre, moins Bouteflika parle, plus les autres parlent à sa place. Il est difficile, dans ce cas, de dire quand ces porte-parole autoproclamés parlent réellement au nom du chef de l’Etat, et quand ils font part de leurs propres ambitions en les attribuant aux autres.

D’autre part, le chef de l’Etat a traversé, à titre personnel, deux épreuves difficiles. Il a été sérieusement malade, et a mis longtemps à s’en remettre. Ensuite, il été visé par un attentat, à Batna. De telles épreuves laissent forcément des traces, et poussent une personne de son âge à considérer autrement le pouvoir et les honneurs, souvent factices, qu’il offre.

Ce décalage entre les positions affichées par le chef de l’Etat et celles du chef du gouvernement montrent clairement qu’au-delà du troisième mandat, M. Belkhadem joue une carte personnelle, encore difficile à cerner, même si un certain nombre des adversaires affirment qu’il vise le poste de vice-président qui serait introduit dans la nouvelle Constitution. Mais il est évident que M. Belkhadem joue gros dans cette aventure. Au risque d’apparaître dans une posture similaire à celle de M. Ali Benflis en 2004.

Mais quelle que soit l’issue de la campagne lancée par M. Belkhadem, elle ne peut occulter une autre réalité dans laquelle le chef du gouvernement a une part de responsabilité évidente : l’Algérie souffre cruellement de l’absence de gouvernance. Car si ailleurs, on parle de bonne ou mauvaise gouvernance, en Algérie, c’est l’absence de gouvernance qui se fait cruellement sentir.

Le fonctionnement institutionnel a virtuellement disparu. Le gouvernement se réunit de manière épisodique, les ministres sont des fonctionnaires dont les décisions et les choix n’ont plus d’impact sur la vie économique et sociale, le Parlement a abdiqué, la justice est un appendice du pouvoir, et l’administration a abandonné sa mission initiale pour se préoccuper d’autre chose. Les injections massives d’argent n’ont pas permis d’assurer le décollage économique souhaité.

Comment remédier à une telle situation ? La question n’est même pas posée dans les milieux qui ont la charge de la gestion du pays. M. Belkhadem lui-même s’est déchargé de sa mission, gérer les affaires du pays, pour se lancer dans l’aventure de l’amendement de la Constitution. C’est l’image de l’Algérie durant cette année qui s’est achevée : un pays incapable d’affronter le réel, et qui se réfugie dans le virtuel. 2008 sera-t-elle l’année du retour au réel ?

Abde Charef
3 janvier 2008

Publié dans le Quotidien d’Oran

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