3.7 La dépendance militaire

Il y a bien sûr d'autres facteurs qui ont été omis dans cette revue, et dont les plus importants sont la dépendance militaire sur l'extérieur et l'influence étrangère.

La dépendance militaire (formations et entraînements militaires à l'étranger, importations d'armements et d'équipements militaires, assistance militaire étrangère etc.) permet aux pays fournisseurs d'armes et de services militaires d'exercer une influence sur la hiérarchie militaire des pays importateurs. Boswell et Dixon, qui considèrent la dépendance militaire comme une forme de pénétration militaire étrangère, ont suggéré qu'elle contribue à la propension aux coups d'Etat et à la répression de deux façons : a) la dépendance militaire crée des contraintes structurelles sur l'Etat pour qu'il agisse comme un allié ou un supplétif du pays fournisseur au détriment de ses intérêts et de sa société ; b) la dépendance militaire fait que la hiérarchie militaire a des obligations contradictoires (envers le fournisseur étranger d'une part et l'Etat d'autre part) et une plus grande autonomie par rapport au gouvernement, ce qui augmente sa propension à agir unilatéralement en faveur de ses intérêts même s'ils sont au détriment de la société (putsch, suppression de la démocratie et des droits civils quand ils menacent le statu quo militaire). Les ventes d'armes et les services militaires (programmes de formation, d'entraînement et d'assistance militaires) sont motivés aussi bien par des considérations commerciales que des visées géopolitiques. Ils permettent l'accès à, et l'influence sur, les hiérarchies militaires des pays importateurs qui deviennent des supplétifs imposant les politiques des puissances étrangères fournisseuses d'armes et de services militaires.

Des études statistiques ont montré que, dans le cas de l'Amérique latine, il y a une corrélation positive entre l'aide militaire américaine et la probabilité des coups d'Etat et la répression dans ce continent. Les vagues de putschs en Amérique latine ont été corrélées avec la guerre géopolitique froide des USA. (A l'échelle micro-analyse, certains travaux ont pu retracer un bon nombre de coups d'Etat à des officiers entraînés à l'Ecole Militaire des Amériques en Géorgie – appelée depuis Ecole des Assassins – et à l'influence des officiers américains.) Il n'existe pas d'étude statistique de ce facteur à l'échelle mondiale.

Dans le cas de l'influence de la France sur les putschs militaires en Afrique, il n'y a pas non plus d'études statistiques. Mais il y a des preuves circonstancielles que l'influence de la France devrait avoir une contribution causale dans les putschs militaires africains. Un bon nombre d'officiers à la tête de plusieurs armées putschistes en Afrique sont soit des anciens officiers ou sous-officiers de l'armée coloniale soit des promus de l'Ecole de Guerre de Paris. (En Algérie on penserait par exemple au fait que le général Nezzar, au printemps 1991, plusieurs mois avant le putsch qu'il a dirigé, avait discuté d'un « scénario turc » avec ses camarades officiers de l'Ecole de Guerre de Paris, ou aussi au fait que le général Belkheir a visité deux fois « Paris » entre le 26 décembre 1991 et le 11 janvier 1992 – Voir (2)).

Avant de finir

Rahi grib tsoni ya djemâa ! C'est tout ce que j'ai à dire aujourd'hui.

J'espère que fhemtou koulech , sinon dirou kima rahoum idirou , ceux qui n'ont rien compris expliquent les détails à ceux qui ont tout compris.

Avant qu'on se quitte, je vous donne un exercice, une petite rédaction, à faire en préparation des examens à venir. Je veux que votre rédaction ne dépasse pas 4000 mots. Voilà le sujet sur lequel vous devez disserter :

L'armée et les services de sécurité monopolisent l'usage légitime de la force. Ils sont l'expression visible de la capacité de l'Etat à utiliser le pouvoir brut pour maintenir son autorité contre des menaces externes et internes. Mais qu'est ce qui peut empêcher l'armée de diriger ses tanks contre le pouvoir civil et le peuple ? Qu'est ce qui peut empêcher la police d'agir au-dessus de la loi ? Qu'est ce qui peut empêcher les services secrets d'exploiter le fait qu'ils ne soient pas contrôlés et rendus comptables ? Qui doit garder les gardes et comment ?

J'ai choisi cette question car, d'abord, elle se rapproche de la question que vous aurez aux prochains examens, ensuite parce qu'elle est vieille mais neuve dans notre bled et même dans nos cercles et cirques démocratiques. On n'a jamais posé une question aussi fondamentale en public, au public. On vit depuis 40 ans une vie politique nationale hors sujet.

Bien sûr je veux des réponses instruites par le savoir universel mais algériennes, adaptées à l'histoire et la situation algériennes. Si vous copiez la solution des délégués du Tsahal à l'OTAN ou des « brillants » promus de l'Ecole de Guerre de Paris vous aurez 0/20. Vous savez comment ils choisissent les « brillants » promus dans cette Ecole d'Assassins ? Non ? Ya ‘ajaba , vous ne savez pas ?

C'est simple. Ils rassemblent tous les élèves officiers sur la cour de l'Ecole, et ils annoncent sur le haut-parleur : « Les bourricots, mettez-vous à gauche ! Les brillants, mettez-vous à droite ! »

D'après vous, ils choisissent ceux de gauche ou ceux de droite ?

Vous pensez à droite. Eh bien, vous serez surpris, ils choisissent ceux qui sont restés au milieu !

Et vous savez pourquoi ?

Eh bien parce qu'ils ne savent pas s'ils sont bourricots ou brillants !

Alors vous êtes prévenus, pas de copiage !

Envoyez votre rédaction à : ccfis@yahoo.com avec la mention Zoom dans la fenêtre du sujet.

Aiya assalamou alaykoum !

Notes

(1) Un facteur F est la cause (partielle) d'un putsch militaire P s'il existe des conditions initiales {I} et une loi L telles que, par nécessité, si F, {I} et L ont cours alors le putsch P arrive.

(2) L'Express , 24 janvier 1992.

 

Publié sur le site du CCFIS, le 11 janvier 2002

Source: www.fisweb.org

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