En effet, si, en ce qui concerne la position adoptée au sujet des « 10+1 » et la sentence qui leur a été donnée par « les décideurs », nous avions, nombreux, estimé qu’elle répondait à la logique dans laquelle ils s’étaient inscrits, nous estimons aussi que la sentence dispensée à Benchicou, répond à une logique que ce dernier a toujours défendue « d’Etat de non droit » ou de « droit sélectif », qu’explique la lettre dont il est question. Mais à la différence, non négligeable, que celui-ci se retrouve en prison, c’est à dire une liberté confisquée et une contrainte physique, non des moindres. A l’autre différence, tout aussi importante, que son emprisonnement, intervint après qu’il s’est manifestement mis à dos, au-delà de Bouteflika, le cabinet de l’ombre lui-même. Non seulement en rejetant le choix de ce dernier mais en l’attaquant de front dans divers dossiers. Alors que Benflis, n’a cessé durant sa campagne de faire appel aux « décideurs militaires », d’être constamment lié à cette sphère, de juger avec les « 10+1 » que « l’armée a été neutralisée » par Bouteflika, l’exhortant de ne pas rejoindre ses casernes, de demeurer dans le champ politique, pour assurer, disait-on, la transparence du scrutin face au danger de la non-neutralité de l’administration. Alors que, jusqu’à la veille des élections, il crut en bon apôtre de « leur » cause, bénéficier de « leur » Baraka, et alla jusqu’à passer outre les conditions qu’il avait concoctées avec les « 10+1 », qui exigeaient, pour leur participation, en premier lieu, la démission du ministre de l’intérieur.

Si j’explique donc, ici, dans le détail, la position qui est la mienne, c’est que, en tant que signataire d’une des pétitions, celle parue sur le site algeria-watch, je rejette ce jugement hâtif, lancé en l’air et de la manière forte, qui décrit le fait de « pétitionner pour Benchicou au nom de liberté de la presse » comme supposant nécessairement que « le traitement fait par le Matin des évènements des années écoulées était du journalisme, qu’il s’opérait dans le pluralisme de la presse et non pas dans le champ de la connivence et de la division des tâches afférente au crime de masse ? Que par exemple c’est par un choix légitime d’éditorialiste que Benchicou a dénoncé la torture d’Aussaresses pendant la guerre d’indépendance, celle de Zerhouni il y a trente ans et celle de Bouteflika aujourd’hui, en justifiant sans sourciller par la doctrine de la « lutte anti terroriste » la torture subie par des milliers de personnes tout au long de la dernière décennie (Voir par exemple l’éditorial du 19 mai 2004) ? » Car prêter à l’ensemble des pétitionnaires de telles suppositions dues au fait d’avoir adjoint sa signature à quelque pétition que ce soit en la matière -combien même certains essaient, comme ils le font ailleurs, de détourner cette action au profit d’une idéologie éradicatrice- ne peut avoir d’autre qualificatif que, au pire, celui de « jugement d’intention », au mieux, celui de les prendre pour des « simplets » !

Tout comme je refuse cette autre affirmation selon laquelle « pétitionner au nom de l’indivisibilité des droits et libertés » serait « affirmer ce faisant sa grandeur d’âme[…] » et que le plus juste c’est s’abstenir de le faire. Et, peut être même ne rien faire du tout, suggère en définitif pour le cas « Benchicou » la lettre. Car, dit-elle : « Pas lorsqu’on a le sentiment net que cette mobilisation vise selon toute vraisemblance à trahir ce principe [d’indivisibilité des droits et libertés] et à entériner le caractère sélectif des droits de l’homme. Pas lorsqu’on est convaincu que c’est de la sorte l’exclusion de toute appartenance juridique d’une partie de nous même Algériens, stigmatisée comme des « infrahumains », qui continue, dans ce fractionnement violent de la communauté par lequel s’est enclenché le crime contre l’humanité et que celui-ci paraît dès lors se perpétuer, d’une manière insupportable, sous couvert d’une protestation en faveur de la justice. »

Dans cette lettre, il est, d’autre part, expliqué que dans cette mobilisation « le silence pour le reste des crimes demeure total ». Il n’y est fait aucun quartier à ceux, aussi minoritaires soient-ils, qui de près ou de loin ont participé à cette mobilisation et qui n’avaient pas attendu cette lettre pour savoir l’accointance de fait de Benchicou avec le régime criminel des généraux, pour dénoncer son attitude, comme celle de tant d’autres « démocrates auto-proclamés ». Il est injuste de prêter à tous les protestataires « un silence consubstantiel » à cette protestation. Car, il n’y a pas de doute que nombre de signataires a condamné la torture des Nezzar et Belkhir ! Dire que c’est là « opérer une jonction avec des forces  qui se découvrent en lutte contre le régime et qui, nous interpellent au nom des « valeurs », en opérant un détournement lourd de sens, pour assurer, au prix d’une falsification de procédure, le recyclage des criminels » est tout aussi erroné. Car, selon cette logique, il adviendrait que condamner la torture de Bush en Irak c’est nier celle de Saddam en son temps. Ou que protester, au nom du droit, contre la guerre menée par l’Amérique en Irak c’est soutenir le régime de Saddam, ou pire encore sponsoriser Benladen ! Ou que déclarer qu’un tribunal issu d’un régime non élu, qui a été mis en place par une force d’agression et qui reçoit sa solde de celle-ci, n’est pas en droit de juger le président d’un pays victime du viol du droit, serait synonyme de blanchiment du criminel Saddam, de son « recyclage ». Car combien même ce Saddam est un criminel, ennemi des droits de l’Homme, ennemi du droit tout court, il nous faut, là aussi protester contre ce dont il est victime. Car c’est là, avant tout, défendre nos principes, ceux du droit. Que les Baasistes, complices de ses crimes, le comptent pour ovation à leur « empire déchu » ne peut exiger de nous pour seule réponse plus qu’un piètre sourire. Ou, enfin, pour revenir à notre sujet algérien, que s’attaquer à la logique des « 10+1 » reviendrait à soutenir Bouteflika ! Ou peut-être, l’inverse : attaquer la supercherie de Bouteflika, signifierait soutenir celui qu’on nous présentait comme son alternative, c’est à dire, l’autre homme du régime, Benflis !

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