شهادات المنصفين الغربيين: « الجزائر هي الإسلام! »
Mohamed Mustapha HABES, Genève (Suisse)

Quelques-uns de nos lecteurs pourraient dire à propos de ce beau titre, à savoir « l’Algérie c’est l’islam », qu’il est plus téméraire que d’habitude de la part d’un écrivain amateur qui veut briller, ou d’un fanatique de son patriotisme que certains connaisseurs de la situation algérienne réclament, et sur lequel ils s’appuient depuis des décennies pour faire vendre leur petite marchandise, dans le désert intellectuel que connaît le pays depuis longtemps,
Pourtant, l’auteur de ce titre « L’Algérie, c’est l’Islam » n’a rien à voir physiquement parlant, ni avec les Algériens, ni avec les Arabes, ni même avec les Berbères qui composent la population algérienne. Il s’agit d’un journaliste et écrivain de l’autre rive de la Méditerranée, un Occidental éclairé, un Suisse converti à l’Islam, Roger Du Pasquier, Sidi Abdelkarim (1917-1999), l’un des amis de notre Cheikh, le savant Mahmoud Bouzouzou, que Dieu lui fasse miséricorde, le premier imam de Suisse, et l’un des élèves de l’imam Abdel Hamid Ibn Badis, que Dieu ait pitié d’eux tous.
Roger Du Pasquier a écrit en collaboration avec William Austin et Vincent Mansour Monteil, Le monde arabe : tradition et renouveau (Edita Lazarus 1977), et est l’auteur de Découverte de l’islam (Seuil 1984), L’islam entre tradition et révolution (Tougui 1987), Le réveil de l’islam (Cerf 1988), ainsi que de nombreux articles.
Il a traduit Le Chemin de la Mecque du juif autrichien converti à l’islam Leopold Weiss plus connu sous le nom de Muhammad Asad (Fayard 1976), Qu’est-ce que le soufisme ? de Martin Lings (Seuil 1977), Caravane tibétaine de Abdul Wahid Radhu (Fayard 1981) et Lumières bouddhiques de Marco Pallis (Fayard 1983).
« L’Algérie c’est l’islam ! » est le titre du troisième chapitre des neuf chapitres composant L’islam entre tradition et révolution. Ce livre de près de 300 pages commence par le noble verset, après « Au nom de Dieu, le Miséricordieux, le Très Miséricordieux. Cette vie d’ici-bas n’est qu’amusement et jeu. La Demeure de l’au-delà est assurément la vraie vie. S’ils savaient ! » (Sourate 29 Al-ankabût, L’araignée, verset 64)
وَمَا هَٰذِهِ الْحَيَاةُ الدُّنْيَا إِلَّا لَهْوٌ وَلَعِبٌ ۚ وَإِنَّ الدَّارَ الْآخِرَةَ لَهِيَ الْحَيَوَانُ ۚ لَوْ كَانُوا يَعْلَمُونَ (64)
Puis vient une longue introduction de 50 pages dans laquelle il aborde les grands thèmes suivants :
1. Le regard déformant de l’Occident
2. Les angoisses de l’homme sécularisé
3. Esprit de compréhension et sens du sacré
4. Islam et modernité : l’impossible convergence
5. La hantise du retard à rattraper
6. Islam extérieur et intérieur

Suivis de dix chapitres, riches et variés, sur l’islam dans le monde musulman, avec une rare objectivité :
Chapitre premier
Lueurs du couchant (Révolution autour du centre, ..)
Chapitre II
Au cœur de l’Islam africain (Conquêtes pacifiques en direction du Sud,..)
Chapitre III
L’Algérie, c’est l’Islam ! (Affaire de cœur, ..)
Chapitre IV
Turquie : laïcité obligatoire et retour du sacré
Chapitre V :
La révolution iranienne ou la religion pervertie
Chapitre VI :
Le Pakistan ou l’islamisation circonspecte
Chapitre VII :
Le jihâd des Afghans ou l’honneur de l’Islam
Chapitre VIII :
Cent millions de musulmans indiens
Chapitre IX :
Le Caire et les signes des temps (Islam de masse 2. L’optimisme officiel d’Al-Azhar, ..)
Chaque chapitre est d’une importance capitale, comme s’il datait d’hier, bien que cette enquête ait été réalisée il y a déjà 35 ans.
Humble voyage d’un Occidental vers l’Islam
Avant cela, une introduction s’impose, évoquée par l’auteur lui-même in Le Temps stratégique ( No 22, Genève, automne1987), sous le titre « Humble voyage d’un Occidental vers l’Islam : Le récit d’un journaliste suisse », où il écrit :
«Aux yeux des Occidentaux, dont, en général, l’ignorance du monde musulman se combine avec d’énormes préjugés, peu de choses suffisent pour se faire regarder comme « expert » en islam ou, plus grave, comme sympathisant et même converti. Il y a maintenant trente-six ans qu’un tournant de ma vie professionnelle m’a brusquement placé en présence de l’humanité musulmane puis d’autres peuples de tradition non chrétienne.
Une curiosité d’esprit sans doute en accord avec le métier de journaliste me donna dès lors le besoin irrépressible de chercher à comprendre la nature véritable de ce qui différencie ces peuples orientaux de notre Occident moderne. Cela devait forcément me conduire à des investigations sur leurs croyances religieuses, auxquelles ils restaient manifestement beaucoup plus attachés que nous autres Européens.
D’ailleurs un homme d’expérience avait averti le jeune reporter que j’étais : « Si vous voulez vraiment comprendre quelque chose à l’Orient, il vous faut en étudier les religions. » Je m’y efforçai effectivement, ce qui me fit découvrir des horizons insoupçonnés et souvent éblouissants pour l’esprit. »
En 1988, il constate dans Le réveil de l’Islam :
« Aujourd’hui, l’Islam ne peut qu’attirer l’attention des individus qui ont conscience de l’existence d’une réalité supérieure à notre monde éphémère, une réalité hors du temps qui a le pouvoir de délivrer l’individu. La découverte de l’Islam par une personne de cette manière est la preuve que cette réalité peut toujours être vécue, tant au niveau personnel qu’au niveau collectif, et ce, de manière complète et sans concession ».
Dans l’un de ses articles, Roger du Pasquier, après avoir rappelé ce qu’était l’Islam, ses valeurs spirituelles et le fait qu’il puise à la même source que le christianisme et le judaïsme avant lui, affirme: « L’Islam est encore aujourd’hui une réserve infinie de trésors immenses en termes de pensée et de sagesse ».
Maintenant reprenons le 3eme chapitre et son titre « L’Algérie, c’est l’islam !». Que veut nous dire l’auteur exactement sur l’islam et l’Algérie ? La réponse se trouve dans le sous-titre, Affaire de cœur :
« L’Algérie, c’est la France ! » Combien de fois n’a-t-il pas fallu entendre ce slogan depuis le soulèvement de la Toussaint 1954 ! Le ministre de l’intérieur, M. François Mitterrand, l’avait entonné le 5 novembre devant la Commission de l’intérieur de l’Assemblée nationale française, ajoutant : « La seule négociation possible (avec les Algériens), c’est la guerre ». On venait effectivement d’assister au déclenchement d’une guerre d’indépendance qui devait durer près de huit ans.
Le 12 novembre suivant, à propos des mêmes événements, le chef du gouvernement français, M. Pierre Mendès-France, déclarait, aux applaudissements à peu près unanimes de l’Assemblée nationale : « Les départements d’Algérie constituent une partie de la République française. Ils sont français depuis longtemps et d’une manière irrévocable… ».
Des citations semblables, rendues par les années dérisoires ou amères selon l’angle d’où on les considère, seraient aisées à produire en abondance. M. Jacques Soustelle, gouverneur général de l’Algérie depuis le début de 1955, en a laissé de particulièrement emphatiques : « La France ne quittera pas plus l’Algérie que la Provence ou la Bretagne », déclarait-il devant l’Assemblée algérienne peu après sa nomination. En avril de la même année, venu participer en qualité d’hôte d’honneur à la journée officielle de la Foire de Lyon, où je me trouvais comme journaliste, il prononçait un discours réduisant le soulèvement algérien aux agissements criminels d’une poignée de malandrins puis exaltait « l’œuvre civilisatrice de la France » sur la rive méridionale de la Méditerranée, pour conclure par l’affirmation de sa ferme volonté de faire obstacle à quiconque tenterait d’y porter atteinte en paroles ou en actes.
Au lieu d’applaudir, ce que je fus peut-être le seul assistant à ne pas faire, je me demandais en vertu de quelle aberration du destin il fallait que parmi les dirigeants politiques de ce pays, pourtant réputés pour leur intelligence, fût pareillement ignorée et laissée sans effet l’œuvre d’islamologues et ethnologues aussi éminents et avertis que des Louis Massignon ou des Emile Dermenghem dont les travaux permettaient précisément de saisir pourquoi une terre aussi profondément musulmane que l’Algérie ne saurait jamais s’intégrer réellement à la France…à moins d’être traitée comme l’Andalousie au début des temps modernes. Et dire que M. Soustelle lui-même était ethnologue… !
Depuis lors ont paru sur la guerre d’Algérie des ouvrages en quantités considérables dus à toutes sortes d’acteurs du drame, notoires ou obscurs, ayant cédé à la tentation d’exposer leur propre version des faits ou de justifier le rôle qu’ils avaient pu y tenir. Cependant, avec le recul du temps et l’apaisement des passions, la vérité a fini par s’imposer telle qu’historiens et islamologues ont dû la constater », comme Gilbert Grandguillaume cité par Du Pasquier : « l’Algérie est un pays qui a été totalement déstructuré par la colonisation : populations déplacées, spoliées de leur territoire, cadres traditionnels détruits, langue et culture niées. A cette action de destruction massive, la religion musulmane a échappé ; mieux, c’est elle qui a constitué le pôle de résistance.»(in L’Islam et l’Etat dans le monde d’aujourd’hui, sous la direction d’Olivier Carré, P.U.F. 1982).
«Ce jugement est d’autant plus accablant pour la puissance coloniale et sa prétendue « œuvre civilisatrice » qu’il se fonde sur une appréciation objective et approfondie des faits. Toutefois la réalité brutale qu’il fait entrevoir n’exclut pas, de la part des colonisateurs, à côté de beaucoup d’égoïsme et d’arrogance, une attitude parfois bienveillante et sincèrement inspirée par de bonnes intentions. On ne saurait ignorer non plus les apports positifs, notamment sur le plan du développement économique, laissés par la présence française en Algérie. Il n’empêche que l’installation sur cette terre d’Islam d’un pouvoir étranger et sécularisé ne pouvait manquer de faire subir une terrible calamité à ses habitants pour lesquels la « civilisation » de l’occupant ne représentait qu’une forme particulièrement intolérable d’oppression puisqu’elle niait leurs valeurs les plus sacrées et donc leurs raisons de vivre.»
Avec de telles pensées à l’esprit, qui rejoignent textuellement ce que Cheikh Bouzouzou lui avait dit sur les disciples de l’imam Ibn Badis avant et après l’indépendance, surtout dans les années 80 du siècle passé, lors de l’une de ses visite à Alger, Du Pasquier rapporte en tant que journaliste et écrivain, ce qui suit : « Je pénètre dans le bel édifice mauresque proche de la Grande Mosquée, au bas de la Casbah, où se trouvent les bureaux du Conseil supérieur islamique d’Algérie. Avant l’indépendance, me dit-on, c’était le siège de l’état-major du général commandant la zone d’Alger, ce qui donne à l’imagination l’occasion de revenir au temps où képis galonnés, bérets de parachutistes et uniformes à décorations et fourragères animaient le vieux décor ottoman ; peut-être est-ce d’ici que furent commandées les inexorables opérations de la fameuse « bataille d’Alger »… Quoi qu’il en soit, toute trace de présence militaire ou d’humeur belliqueuse a disparu de ces lieux désormais voués à la paix, puisque c’est l’un des sens du mot islam.»
L’Islam, dès le VIIe siècle, a pénétré en Algérie qui l’a accepté de son plein gré.
«Avec son turban et sa barbe, blancs l’un et l’autre, le cheikh Ahmed Hammani, président du Conseil supérieur islamique semble personnifier la vénérable tradition musulmane de piété et de culture qui a réussi à survivre en dépit des affronts multipliés pendant cent trente ans par un occupant hostile et résolu à en nier les valeurs.
Il est entouré de deux membres de ce Conseil, le cheikh Salah Ben Atik et le professeur Abderrachid Mostefaï, qui, par leur tenue comme par leur courtoisie digne des vieux âges, paraissent eux aussi des émanations de cet Islam traditionnel demeuré vivant malgré tous les défis de l’histoire et de la modernité.
– L’Islam, dès le VIIe siècle, a pénétré en Algérie qui l’a accepté de son plein gré, souligne pour commencer le cheikh Hammani; il ne lui fut pas imposé par la force. C’est un fait caractéristique de l’Islam : s’il entre dans un cœur, c’est pour n’en plus sortir. Tel a été le cas pour nous Algériens. Malgré les luttes presque incessantes que nous avons dû mener contre des envahisseurs venus surtout d’Europe. Normands de Sicile, Espagnols, colonialistes français, il nous a été donné de résister à la domination étrangère et de garder l’Islam dans nos cœurs. Depuis le rétablissement de l’indépendance et de la paix, cela ne rend que plus impérieux notre attachement et nos devoirs envers lui.
En fait la lutte n’est pas vraiment terminée, même si elle n’a plus recours à la violence, car remarque le cheikh, les musulmans doivent faire face à une offensive culturelle de l’Occident et du monde communiste qui, au travers d’idéologie et d’opinions matérialistes contraires à l’Islam, visent l’un et l’autre à en détourner notre jeunesse, car le matérialisme est aussi pervers à l’Est qu’à l’Ouest. C’est lui qui est responsable des grands désastres de notre siècle, en particulier des deux Guerres mondiales, alors qu’il menace d’en déclencher une troisième. Dans la situation explosive actuelle, l’Islam doit intervenir d’abord en tant que force spirituelle.
Manifestement peu désireux de sortir des généralités et d’aborder autrement que par allusions abstraites les sujets trop étroitement liés à la politique intérieure algérienne, mes interlocuteurs préfèrent exprimer des considérations sur le régime khoméiniste en Iran, pour lequel ils n’éprouvent que peu d’indulgence. Certes, estiment-ils, il était légitime de se soulever au nom de l’Islam contre le régime du Chah, mais finalement la révolution n’aura pas été authentiquement islamique ; il serait plus juste de parler d’une révolution politique s’appuyant sur la religion. Ces événements, après les avoir remplis d’enthousiasme et d’espoir, auront profondément déçu les musulmans d’Algérie et du monde qui ne comprennent pas l’acharnement des dirigeants de Téhéran à prolonger la guerre avec l’Irak. Envers Khomeini, le cheikh Hammani est sévère : il le juge franchement hérétique et son comportement en contradiction avec la tradition du Prophète qui a toujours donné l’exemple de la modération et du pardon. »
La priorité des priorités
Sous ce titre l’auteur rapporte qu’ « assurément l’Islam, depuis le temps de l’émir Abd-el-Kader, n’a cessé d’être la principale source d’inspiration de la résistance des Algériens au pouvoir colonial français ; c’est un fait historique bien établi. Cependant la présence française elle-même devait leur inculquer des notions de liberté, de nationalisme et de « progressisme » social qui ne pouvaient manquer de faire sentir aussi leur influence. Il en est résulté une sorte de dualité dans les motivations du combat, ainsi que des équivoques qui allaient marquer le mouvement insurrectionnel dès le début et qui, après plus de trente ans, continuent à embrouiller la politique algérienne, laquelle demeure assez obscure et impénétrable aux yeux des observateurs étrangers. Et ceux-ci ont de fréquentes occasions de pressentir, derrière les généralités auxquelles les personnalités officielles prennent soin de confiner leurs propos, que les tendances et factions rivales n’ont pas encore fini de s’opposer dans des conflits feutrés et échappant à la curiosité publique. »
La motivation principale des musulmans algériens, en prenant les armes en 1954 contre l’occupant destructeur de ses valeurs traditionnelles et sacrées, aura été plus de restaurer un ordre islamique correspondant à ses convictions profondes.»
L’auteur constate, avec son modeste bagage en langue arabe, que même « l’emploi de certaines expressions reste significatif d’une sorte de dualité, ou de dichotomie congénitale, qui a marqué toute la lutte pour l’indépendance et persiste à faire sentir ses effets sur la politique algérienne. Dès la Toussaint 1954, le soulèvement avait été dénommé « révolution» (thawra), terme qui ne tarda pas à s’imposer mais avait tout de même suscité quelques réticences de la part de musulmans, surtout de tendance conservatrice, soucieux d’éviter toute confusion entre leur combat, d’inspiration islamique, et les événements historiques, de nature purement profane, qu’on désigne de la même appellation en Occident. Mais en revanche, et comme par compensation, les combattants algériens furent, tous ensemble, dénommé mujâhidîn, c’est-à-dire militants du jihâd, la lutte pour la foi, notion relevant de l’Islam traditionnel et se situant, en quelque sorte, à l’opposé de l’idée laïque de révolution telle que les Européens l’entendent. Il paraît probable en effet que la motivation principale des musulmans algériens, en prenant les armes contre l’occupant destructeur de ses valeurs traditionnelles et sacrées, aura été plus de restaurer un ordre islamique correspondant à ses convictions profondes que de se laisser guider par de quelconques idéologies révolutionnaires d’importation. Cependant l’opinion internationale, sécularisée et peu disposée à comprendre qu’il soit possible, à notre époque, de se battre et de se sacrifier pour des objectifs transcendant ce bas monde, ne voulut voir, au lieu du jihâd, que l’aspect profane, révolutionnaire, du soulèvement, et beaucoup de Français crurent de bonne foi qu’en combattant les insurgés algériens ils luttaient contre une forme de la subversion mondiale. »
L’Islam, ni le féodalisme ni le capitalisme ne peuvent le revendiquer ou s’en prévaloir
«Pour celle-ci, en réalité,- toujours d’après l’auteur- l’occasion était trop belle ; en apportant son appui à la rébellion et en cherchant à renforcer toujours davantage son caractère révolutionnaire, «elle visait un double objectif : porter atteinte aux intérêts « capitalistes » occidentaux, français notamment, et corrompre l’Islam traditionnel de l’intérieur. Les Algériens en lutte contre la domina­tion coloniale ne purent bientôt plus compter que sur les sympathies de l’extrême gauche occidentale et du bloc soviéti­que, et ils n’eurent pas d’autre choix que d’en accepter le soutien forcément ambigu. Pareille circonstance leur imposa une orientation politique et des influences «progressistes » qui ont pu paraître irréversibles mais qui, en fait, n’ont jamais emporté leur unanimité et plutôt, à ce qu’il semble, sont mal supportées par un nombre croissant de musulmans. Telle est la lourde hypothèque qui, dès le début, a pesé sur l’indépendance algérienne et qui est encore loin d’être entièrement levée.
Officiellement, l’Algérie est toujours une République démocratique et populaire » qui se veut socia­liste et adhère à une «Charte nationale» adoptée par référen­dum populaire en1976 et représentant une curieuse mixture d’Islam et d’idéologies gauchisantes. Professant que le socia­lisme est «option irréversible», elle déclare notamment : «La révolution entre bien dans la perspective historique de l’Islam. L’Islam dans son esprit bien compris n’est lié à aucun intérêt particulier (…) Ni le féodalisme, ni le capitalisme ne peuvent le revendiquer ou s’en prévaloir (…) Les peuples musulmans réaliseront de plus en plus que c’est en renforçant leur lutte contre l’impérialisme et en s’engageant sur la voie du socialisme qu’ils répondront le mieux aux impératifs de leur foi…» (Cité par B. Cubertafond in Contestations en pays islamiques, C.H.E.A.M., Paris, 1984).
« Plusieurs indices, en particulier les propos fréquemment entendus dans les milieux proches du pouvoir, donnent à pen­ser que la composante sécularisante, socialo-progressiste, de l’idéologie officielle tendrait à se diluer dans un ordre islamique auquel on ressent de moins en moins le besoin d’accoler des étiquettes rappelant les anciennes orientations politiques de gauche. Telle est du moins l’impression que je garde de ma rencontre avec M. Abderrahmane Chibane, ministre des Affaires religieuses, dont la personnalité robuste et les traits énergiques semblent parfaitement correspondre avec la vigueur actuelle de l’Islam algérien. »
De tous les gouvernements du monde musulman, seule l’Algérie possède un ministère des Mujâhidîn
– La priorité des priorités, c’est l’Islam, déclare-t-il avec force. L’Islam, en Algérie, est indéracinable. Vous apercevrez partout la devise Allâhu akbar (Dieu est le plus grand). De tous les gouvernements du monde musulman, le nôtre est le seul à posséder un ministère des Mujâhidîn (anciens combat­tants de la foi). Et ce n’est que justice, car c’est bien grâce à ces mujâhidîn que l’Algérie est indépendante, et qui dit mujâhid dit Islam. Cependant il faut prendre en considération la longue durée de notre révolution. Pendant plus de sept ans et demi, nous avons lutté et dû subir des influences diverses, certaines de gauche, d’autres de droite. Mais en général les Occidentaux ont été contre nous et c’est du côté du bloc socia­liste que nous avons trouvé sympathies et appuis. Or qui apporte une assistance exerce aussi une influence. Alors certains Algériens auraient voulu faire une révolution à la cubaine, mais ils étaient animés par un idéal plus romantique qu’islamique et ne tenaient pas suffisamment compte des réali­tés du pays. »
MMH
*) – In Le jeune Musulman n° 45 / Jan. Fev. 2022
**) – A suivre en 2eme partie :
Témoignages de savants et universitaires algériens recueillis par Roger Du Pasquier, entre autres Pr Aberahmane Chibane, Chikh Ahmed Hammani, Pr Bouamrane Cheikh, Dr Ahmed Aroua, Pr Abdelouahab Hamouda, Dr Said Chibane, Malek Bennabi.

Comments are closed.

Exit mobile version