Depuis l’indépendance la confiance dans le pouvoir algérien a eu ses crises. Elle avait des hauts et des bas, mais, en ces dernières décades, si sa courbe a atteint son minimum, en temps habituel, elle subit, aujourd’hui, des tensions alarmantes pour l’autorité- peut-être, mais singulièrement bénéfiques pour ceux qui aspirent au changement. Loin d’être  sporadique,  chronique et aiguë, cette  crise se manifeste, de manière virulente,  dès que se présente l’occasion.

Depuis, voilà bien plus d’un quart de siècle, que le régime moribond a du mal à faire souffler un vent d’enthousiasme. « La chkara » a doté la classe politique du menteur, du malhonnête, de l’hypocrite, du sadique, du cupide,  du pourri enfin, … toute la gamme qui ne peut cacher son mal, et qui, en réalité, laisse une faible marge de manœuvre à la politique. Il n’y a plus que les intérêts personnels qui encombrent la scène politique avec leurs querelles de chapelle, où toutes les motivations sont justifiées, toutes les ambitions, avouées ou non, concrétisées, toutes les démarches légitimées… L’APN n’a-t-elle pas été depuis peu, le théâtre d’événements  qui ont fait d’elle un ring de lutte libre où le plus fort – cadenasseur ! – l’emporte.  La loi ? Celui qui la promulgue est le premier à la bafouer. L’APN est son lieu de naissance, non son terrain d’action !

L’époque des quatre mandats a vu donc se manifester clairement  le désintérêt  in extenso des citoyens au politique: par la non participation, qui, bien que non reconnue, a atteint des proportions démesurées ;  par l’abstention, que la politique des quotas minimise ; par la baisse du militantisme,  le partisan a le statut de sujet : les plus soumis sont les plus proches des chefs ; par l’éclatement des partis, les barons  historiques des partis refusent l’alternance à leur direction : ils se multiplient  sous des formes diverses et demeurent en mal de crédibilité.  Si la fonction focalise le déficit de confiance, le fossé se vide entre les élites politiques et les citoyens.   

 Enfants, on nous a appris que la confiance se gagne, elle ne s’octroie pas. Le fait qu’elle échappe souvent au rationnel, lui donne une valeur fragile. Les professionnels de la politique savent qu’un tel atout, une fois endommagé, ne se répare pas facilement et que « les médecins de communication »- comme l’on dit- peuvent, parfois, malgré tout, lui porter quelques secours. Nos politiques, descendants des « chkara » et non des urnes, insensibles au degré réel d’indignation de leurs concitoyens-par « zkara » !- n’y font pas attention : ça ne peut être un  atout pour eux, il ne leur est, pratiquement, d’aucune utilité. Ce n’est point un secret, l’expression qui affirme que, pour être élu, pour gouverner, l’homme politique a besoin d’un minimum de confiance citoyenne. Or cette confiance est mesurée en grandeur réelle lors des élections. Les vraies. Chargée de susciter ou de restaurer la confiance que les citoyens ont dans l’homme politique ou dans la politique,  la communication politique,  en tant que pratique,  affiche, elle-aussi, un déficit de confiance! O ! Le cercle vicieux ! En politique, c’est la confiance qui permet de distinguer la communication de la propagande. Sans confiance, le jeu démocratique s’avère pernicieux.

Durant l’âge d’une  génération,  depuis, précisément, le fâcheux coup d’Etat, a-t-on jamais vu, dans les livraisons- quota, faites aux assemblées locales ou nationales, un élu de la majorité :

1- honnête (si la chkara s’amusait à se faire entendre, les coiffeurs auraient du pain sur la planche, vu le nombre de têtes qu’ils auraient à tondre, et le ministère de la justice devrait être amené à louer des prisons dans les pays limitrophes pour y mettre ses condamnés tellement le nombre serait encombrant)

2- bien connaître ses dossiers, (le pourrait-il ? Lorsqu’il ne s’absentait pas,  il dormait en pleine cession,)

 3 – proche des gens (vivre au club des pins et fréquenter les hôtels à cinq étoiles ne le permettent surement pas)

5- tenir ses promesses, (qu’en sera-t-il du mensonge, monnaie courante dans le parcours de notre « combattant politique »)

6- à la hauteur de ses fonctions. (De quelle hauteur parler quand c’est la chkara qui la détermine).

Comment  l’élu ou le responsable qui n’arrive pas à réunir ces six points- le minimum à réunir pour une viabilité politique décente-dans son poing,  pourrait-il être un point de mire rentable ? Comment pourrait-il gagner la confiance des gens sans un minimum de rentabilité ?

En cette dernière décennie, l (’ « a-) culture politique » a pu débarrasser l’ « exercice politique » en « démocratie » de ses limites morales et de la conscience qui leurs étaient inhérente. Et il n’est pas difficile de trouver des plumes qui puissent rendre cela « normal  » dans un pays où « normalement », depuis belle lurette, tout est anormal !

Sans étonnement, mais avec consternation, on a pu lire quelque part : « L’honnêteté en politique n’est jamais sainte, elle est toujours relative et mise en contexte en fonction des attentes des uns et des autres » ; « les citoyens ne sont pas plus vertueux ou purs que leurs élus » ! Et la meilleure « vérité » : on peut « avoir des élus corrompus mais très efficaces dans leur circonscription » ! 

Chacun, dans la classe politique algérienne, dans l’élite gouvernante, se préoccupe de ses propres problèmes, sans prendre en compte la dimension globale au sein de la société.  L’individualisme s’est infiltré,  dans la société de chez-nous,  par le sommet de la pyramide  et s’y est bien ancré. Non ! Nos élus et gouvernants ne sont pas prêts à accepter les contraintes inhérentes à défendre une cause concernant une catégorie de la population qui n’est pas la leur ! Heureusement que le cinquième mandat a été avorté. Lors du quadruplé,  le citoyen lambda a perdu le zeste de confiance qui lui restait dans la démocratie, dans le système  représentatif, dans le mode d’élection, et surtout dans l’homme politique – celui qui met, au devant de l’intérêt public,  ses intérêts personnels.

Il y a une grande défiance des algériens envers tout ce qui renifle l’Etat, les institutions, les partis politiques et les médias, les députés, les ministres et le chef de gouvernement, mais le gros de la défiance va à la « présidence de la République ». Comment faire confiance à un pouvoir qui a maintes fois outrepassé la volonté du peuple surtout quand elle a été exprimée par référendum ? Peut-on alors  parler d’Etat  lorsqu’il est soumis aux caprices multiples et belligérants d’un homme – criminel, par-dessus tout,  comme ce fut le cas du  Général Nézar ? Et dire que ce que les hommes libres, du temps,  avaient appelé caprice, semblait pour certains « canards » de l’époque raison d’Etat, raison de cœur !    

Qui ne sait que la confiance est bien la base de la démocratie ? Mais qui ne ressent  que, chez-nous, la confiance dans le politique traverse une crise profonde ? Qui a fait que les hommes politiques ont souvent une image dégradée ? Et pourquoi le politique, lui-même, inspire-t-il jusqu’au mépris, au mieux ; au rejet, au pire ? Parfois, au plus simple, le désintérêt?

Et si on revenait  à 92 ? A l’unanimité, Nézar est l’instigateur du coup d’Etat et l’assassin de la volonté populaire. Il voulait « protéger la République » ! O ! Le nationalisme mortifère ! Contre qui ? Contre ses fils !  

Selon le professeur Si El Haj Taher Belakhdar  schématisant  le malencontreux paternalisme qui caricature le nationalisme de beaucoup de nos « dirigeants » que le régime a mis sur son orbite – et cela dans le cas où ils sont bienveillants.  En faisant preuve de bonne intention, dans le meilleur des cas, nous envisageons l’Algérie comme un enfant doté de toute sa fragilité et tout nouveau responsable, ayant la force de l’Etat de son coté,  comme quelqu’un, s’offrant à la vue des gens, serrant fort le bébé dans ses bras. En s’adressant aux foules, il leur fait part de la peur qu’il a pour ce cher bambin. Tout en essayant de le rassurer au sujet de l’enfant, les personnes de hautes mœurs et de bon aloi lui proposent leurs services pour le détendre et libérer le petit de l’étreinte. Mais plus les gens insistent et  plus il serre le gamin contre sa poitrine. Sa méfiance rituelle et son soupçon usuel poussent son amour pour  l’enfant,  au risque de l’étouffer dans ces bras.  

C’est ainsi qu’une personne, venue d’on ne sait où, s’octroie le droit de biffer le choix de la masse du peuple, de le botter, de l’écraser et d’imposer le sien ! Ou notre général a été investi, ou il a reçu l’ordre. Dans les deux cas de figures, il a agit sans légitimité, sans légalité. Et l’amont dont le général Nézar est le lieutenant, le sinistre commis, jusqu’à ce jour,  n’a pas été désigné ! Une chose est sure, la source en question, non seulement a défié l’option de la umma, mais l’a asphyxiée. Le mentorin du sombre H.C.E a abusé de sa situation dans la hiérarchie de l’Etat pour lancer le pays dans un tunnel dont la sortie n’est connue de personne et dont les cerveaux algériens, tous à l’œuvre, chacun de son perchoir, peinent à y repérer la moindre lueur. Trente ans de perdus. Trente ans de gâchis pour un coup de tête d’un dirigeant mégalomane. Qui peut garantir que nos institutions soient à l’abri de ce genre de psychopathe et  ne verraient pas se reproduire pareil délire ? Rien n’a été fait dans ce sens. Au contraire ! Le chef d’Etat déchu a bien appris et compris la leçon : il a pris en otage la Présidence et a vécu en despote!  Ceux qui l’entouraient  ont fait mieux : pour faire passer leur bon vouloir, ils l’ont isolé. Comptant sur la force de l’Etat, ils croyaient assujettir le peuple. Toute honte bue, ils se contentaient de présenter, lors des meetings, une photo cadre du rais et une lettre lue. Ce qui se passait derrière ou en dessous n’a été révélé, en partie, que par la « campagne anticorruption ».  Cela a été dit et redit à maintes reprises. Si je le reprends maintenant,  c’est pour montrer que la confiance politique n’aura pas droit de cité tant que la garantie n’aura pas été assurée. A suivre l’actualité plus d’un marathon nous en sépare. Notre histoire récente ne peut nous permettre de croire en ce qui est dit ou fait, tant que l’essentiel n’a pas été abordé. A savoir engager les prémices de la remise du pouvoir au civil. Toute action en dehors des institutions libres et responsables de l’Etat n’engagera que son pilote et sa responsabilité y sera totale.  Si le général Nézar avait payé ses fantasmes de 1988, il n’aurait jamais récidivé en 1993. Et, s’il l’aurait voulu, il n’aurait jamais trouvé de partisans,  « le corridor de la tentation » ayant été détruit.  L’affaire Bouteflika est le résultat naturel et direct des élucubrations de notre général trouble fête. Il n’est plus question de laisser les institutions de l’Etat au bon vouloir de leur plus haut responsable !

Le peuple attend qu’on réponde à ses demandes. Il est maintenant levé, debout, l’échine droite, la tête relevée, le regard vif et direct, la langue déliée, les jambes tendues, rien ne pourra lui barrer le chemin.  C’est la raison pour laquelle j’insiste pour que les « chourafas » là où ils se trouvent doivent se dépasser et soutenir le peuple dans son Harak.  Le système ne tient plus qu’à un fil d’araignée. Les autorités actuelles sont perturbées et sans alternative dans leurs sacs. Ses partis schizophrènes, ayant prouvé leurs limites depuis le troisième mandat, ont été, sans regret, balayés par le Harak. La société civile ayant mis la main dans le râtelier du sérail s’est vue discréditée pour de bon. Impossible de constituer un front « unifié » avec ceux qui ont préféré, en 1992, le putsch, au choix du peuple !

Les protagonistes doivent éviter par tous les moyens la collision. Personne ne peut prévoir le moment du choc, mais il arrive que des signes avant-coureurs soient décelés avant cataclysme.  Certains seront précoces, d’autres tardifs. Un certain cumul joint à un catalyseur signent le lieu, la date et l’heure du crash.  Alors attention aux catalyseurs ! 

Le Harak  se doit – il en est capable – de déclencher les mécanismes qui  libéreront l’engagement d’une discussion essentielle et passionnante sur notre culture et ce qu’elle offre comme normes et  valeurs morales capables de servir un projet politique émancipateur qui inspirera la confiance à tous.

Cela n’intéresse pas le pouvoir en place. C’est visible. Il a, de tout temps, gagé sur la force pour survivre. C’est héréditaire. Seuls les trois ministères recrutent des agents en nombre : la défense, la justice et l’intérieur. Le  trio garantit le choix sécuritaire et dispense le système de concevoir et encore moins d’avoir recours à la moindre concession politique. L’illégitimité politique semble toujours prête à faire toutes les entorses possibles aux principes écrits et non écrits d’une constitution précaire, théoriquement destinée à protéger les libertés individuelles pour l’ensemble des citoyens. Le régime a toujours réussi à occuper et à essouffler ses adversaires par les détails du jeu politique. Le Harak, ne vivant que par et avec sa « silmya », n’est pas encore en mesure d’imposer «  la solution » – il n’y en a qu’une seule !  Bien qu’il représente-approximativement- plus  des 6O% du peuple, il ne contrôle pas grand-chose,  il cherche seulement à vivre en paix et dans la dignité. Certes, il n’a ni le trésor de l’Etat, ni ses forces de l’ordre, ni son armée, mais il a de bien de plus puissant que tout cela réuni, la détermination et l’union. Comme les citoyens ne lui accordent aucune adhésion de principe, le régime actuel persiste et l’Etat végète grâce à la survie d’un ensemble désuet de dispositifs institutionnels aujourd’hui presque déréglés. Mais ce qui rassure c’est que sa pratique politique accélère son usure et lui fait perdre les caractéristiques premières qui lui assurent de produire et partant garantir les avantages sur lesquels reposent sa politique et son pouvoir d’attraction.

Le pouvoir doit servir le peuple et non l’asservir : aussi le contrôle de l’autorité par la société est une nécessité qui se doit de sitôt se réaliser et se faire visible. C’est le premier pas que doit faire le régime putride pour exprimer sa sincère prédisposition au changement. Ce dernier ne démarrera qu’avec la rénovation des rapports entre le pouvoir et les citoyens. Ici réside la clé de la crise ! C’est l’amorce de confiance qui provoquera et incitera à l’union. L’union qui fait la force et qui aide à l’harmonie du vivre – ensemble. C’est le déclic qui mettra un terme à la politique comme « recette de cuisine » et ouvrira l’ère de la politique participative, responsable, où sera organisée  la bonne volonté nationale. Malgré son impuissance affichée, le Harak compte parmi ses composantes, ceux qui, toujours fidèles au peuple, agissent et œuvrent pour que toutes les franges de la nation restent unies et évitent de tomber dans la fragmentation et le clivage tendus par le régime et ses prédateurs planificateurs. Le Harak, par ce qu’il représente et par ce qu’il offre, pousse ses composantes diverses à rêver et espérer ; à imaginer, voire inventer le citoyen sentir et voir sa liberté et sa sécurité assurées ; son opinion et son action, autorisées et garanties par la loi, ne pas lui coûter des représailles. Cela se résume simplement par : « une seule volonté, une seule autorité : le peuple ! »

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