Quelle mouche a piqué les dirigeants algériens pour improviser eux aussi une loi sur la bi-nationalité ?

Une fois encore le gouvernement algérien en mal d’inspiration, pour animer la galerie est allé emprunter son sujet en France. On regarde ce qui se passe de l’autre côté de la méditerranée et on réagit en faisant pareil. Peu importe le sujet, l’essentiel est d’être à la page. Mais là-bas, la loi n’a pas parlé des binationaux; un ministre et des responsables ont démissionné ou se sont prononcés publiquement contre cette loi.

Comme la chanson de Brassens, « Nous au village aussi on a des »… binationaux.

Et pan sur la tête de nos émigrés binationaux : ils ne pourront pas accéder aux plus hautes fonctions de l’Etat. C’est toujours autant de concurrents en moins pour les prochaines élections!

D’un trait de plume.

Mais notre gouvernement n’est pas à une contradiction près :

Je viens d’apprendre qu’un ministre ou (personnage du pouvoir) algérien a appelé récemment le président français pour se plaindre de ce que l’Hexagone embauche plus d’immigrés marocains que de binationaux algériens aux fonctions officielles. L’Algérie reproche ainsi à la France de ne pas faire ce qu’elle-même refuse à ses nationaux.

D’une part, on exclut les binationaux de servir leur pays (pour ceux qui le souhaitent), de l’autre on reproche à la France de ne pas accorder autant de postes aux binationaux.

On nous prive dans notre pays d’origine, mais on souhaite que nous occupions des postes de direction dans notre seconde patrie ! Autant que les binationaux marocains !

C’est du n’importe quoi, comme dit ma petite nièce.

Ce serait hélas simple. Mais cela révèle l’esprit de ceux qui nous ont dirigés depuis l’indépendance. Toujours semer la division, et la confusion.

Nous gouvernants qui n’ont jamais fait preuve de ghayra pour leur émigrés qu’ils ont pour ainsi dire abandonné aux bons soins du pays d’accueil, se les rappelle quand il s’agit de leur mettre des bâtons dans les roues, pas pour leur faciliter la tâche comme c’est en principe le devoir d’un pays envers ses ressortissants.

On ne fait pas des lois en copiant sur ce que fait le voisin. On ne fait pas non plus de la politique en réagissant à ce que font les autres. On a l’impression que les politiques algériens ne sont que des sortes de journalistes qui commentent en permanence l’actualité française au lieu de se pencher sur celle de leur pays.

L’Algérie n’a jamais organisé le moindre congrès, ni pris la moindre initiative pour soutenir ses émigrés à qui pourtant elle doit tant de joies, de fierté.

Les « émigrés » ont eu à endurer toutes les difficultés pour s’installer sans recevoir le moindre soutien même moral de nos gouvernants.

C’est en regardant notre pays à partir de la France, que nous comprenons mieux dans quelle calamité nos dirigeants l’ont mis.

C’est une honte que le gouvernement algérien se plaigne que la France ne nomme pas suffisamment d’algériens aux postes officiels !

L’Algérie voudrait « avoir le beur et l’argent du beur », tout en lui déniant ses droits à servir son pays d’origine ! Soit, mais avec cette loi scélérate, ingrate, irréfléchie et inopportune, elle ne fait que suivre la ligne qui a été toujours la sienne : diviser nos rangs, y semer la zizanie.

Quand nous avons quitté notre patrie nous avions la rage, nous la quittions parce qu’elle ne reconnaissait pas les mérites, mais seulement le piston, le clientélisme. Nous avons espéré avoir notre petite juste part de cette indépendance arrachée par le sang de nos martyrs. Mais l’indépendance ne fut qu’une illusion pour la majeure partie des algériens. On aurait pu penser qu’il y eut seulement transfert d’un pouvoir à une catégorie (sans classe) de personnes qui en ont fait une chasse gardée pour eux et leurs enfants.

On alors pensé qu’il valait mieux vivre en France, dépendre de ses dirigeants que vivoter dans un pays qui fait croire que nous étions indépendants alors que lui-même dépendait d’une autre puissance.

Nous avons évité un maillon de la chaîne de la dépendance. Vaut mieux avoir affaire au chef qu’au sous-chef.

Il y a quand même plus de cohérence dans la politique française que dans celle de l’Algérie. Du moins jusqu’ici.

C’est, une fois, arrivés en France que nous comprenons que notre pays n’existe pas en tant que puissance responsable, mais seulement en tant que créateur de problèmes à ses citoyens.

C’est en France, en Europe et d’autres continents, où nous avons trouvé nos secondes patries, que nous découvrons la maladie de notre pays, que nous souffrons plus pour nos compatriotes qui sont aussi nos proches et nos amis.

Nous ne sommes pas des traîtres pour mériter que l’on nous interdise d’accéder aux fonctions officielles !

La loi sur la bi-nationalité est une mesure cousue de fil blanc : on cherche seulement à écarter les opposants se trouvant à l’étranger et qui désespérant de voir leur pays guérir de sa longue maladie ont accompli les démarches raisonnables pour obtenir la nationalité du pays où ils se sont installés.

ce genre de loi ne se promulgue pas sur un coup de tête. Il ne suffit pas que quelqu’un soit titulaire d’une double nationalité pour que la suspicion tombe sur lui. On aurait pu la formuler de façon moins tranchante, moins agressive, pour que la loi s’applique au cas par cas, et même de façon moins franchement centrée sur la bi-nationalité. Comme cela se fait dans les pays occidentaux.

Mais cela n’est pas l’attitude que l’on pourrait attendre d’un gouvernement qui triche aux élections, qui change les règles en cours de jeu ou quand il a perdu, qui change de constitution toutes les fins de mandats.

Nous n’avons plus rien à espérer de notre « gouverne-et-ment » et cela nous rend encore plus mûrs.

Nous avons bien sûr une pensée forte et reconnaissante pour cette Algérie silencieuse et agissante qui préserve encore dans le secret des consciences les valeurs réelles de notre dignité, et qui souffre dans la patience et dans l’espérance d’un jour meilleur.

Le cœur de l’Algérie bat aussi fortement dans les cœurs de ces hommes et femmes qui y vivent que dans ceux des hommes et des femmes qui ont eu la possibilité de s’installer à l’étranger, poussés par le destin.

C’est en toute conscience qu’ils ont choisi la nationalité étrangère, française en particulier, pour retrouver une dignité que les pratiques de la (direction de) notre pays ne nous ont pas reconnue.

L’Algérie ferait mieux de se poser la question de savoir pourquoi ses émigrés ont fini par se franciser et pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à envisager la rupture définitive avec leur pays d’origine.

Pourtant, les dirigeants n’hésitent pas à recevoir les « émigrés qui ont réussi » et les autres notoriétés européennes d’origine algérienne. Et dans ces cas-là, ils s’honorent eux-mêmes de la présence de leurs hôtes. Sont-ils aveugles à ce point pour ne pas voir que ces binationaux apportent une fraîcheur à tous les algériens, une fierté que le gouvernement qui ment ne peut leur donner.

L’Algérie officielle ignore la valeur réelle de ses binationaux, comme elle ignore les intérêts du pays.

Elle dirige le pays, en prenant des décisions, comme on les prend au jeu de reyrey. Pour son plus grand dommage.

Abû al-‘Atâhiya
22 février 2016

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