À chaque célébration d’un événement historique, le débat sur la repentance resurgit. Bien évidemment, ce dernier est généralement animé par des officiels. Et pourtant, cette page a été tournée par les révolutionnaires dès 1954. Un couplet de l’hymne national ne dit-il pas que « le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. » Que vaut alors l’agitation des décideurs en ces circonstances ? Pour l’historien Daho Djerbal, « nous devons faire cette histoire pour nous-mêmes. C’est-à-dire, qu’il faut mettre en parole, verbaliser, publier, travailler, se rencontrer autour de ces questions et se demander : que sommes-nous devenus ? » Hélas, tant que ceux qui s’accrochent à la fausse légitimité historique –d’ailleurs même si ces gens ont le mérite de participer à la guerre, cela leur donne-t-il le droit d’avoir une mainmise sur le pays –sont aux responsabilités, on ne risque pas de vivre ces moments où les Algériens les débattront sans tabou.

En tout état de cause, si la condamnation du fait colonial ne doit souffrir d’aucune ambigüité, il n’en est pas de même quand elle est utilisée à des fins politiques. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le fait de s’accrocher à cet argument explique l’échec de la politique postindépendance. Alors que plus de ¾ de la population est née après la guerre, il est répréhensible de faire diversion en invoquant à chaque fois les crimes coloniaux pour justifier le maintien de la même équipe au pouvoir depuis 1962. Et qui plus est, cette revendication émane des dirigeants n’hésitant pas à s’installer en France. D’après le récent livre sur la relation entre Paris et Alger, les investissements algériens en métropole s’élèveraient à environ 50M$. Inutile de rappeler que les plus grandes fortunes viennent de la soi-disant famille révolutionnaire.

Toutefois, il suffit de réaliser un sondage, en Algérie, sur cette question pour savoir que la majorité du peuple ne se préoccupe pas de ce volet. En revanche, elle devrait attendre que la promesse de novembre, relative à l’État démocratique et social, devienne enfin une réalité. Hélas, en privant le peuple algérien de se donner lui-même ses représentants, le régime est redevable devant l’histoire. D’ailleurs, si les Algériens doivent demander des comptes, leur question serait à peu près la suivante : puisque vous avez gouverné depuis 1962 sans partage, qu’avez-vous fait de notre indépendance ? De la même manière, comment voulez-vous que les jeunes désœuvrés réclament la repentance, alors qu’à chaque visite d’un président français, en Algérie, ils réclament des visas? Pire encore, l’un des plus virulents chantres de cette fameuse repentance, en l’occurrence Cherif Abbas, coule des jours paisibles à Lyon.   

Pour conclure, il va de soi que la question de repentance perd tout son sens quand elle est exploitée par des politiques. Personnellement, j’ai été étonné de lire le grand historien Daho Djerbal dire que cette revendication n’est pas essentielle. Or, les dirigeants ressassent tellement cette rengaine, comme si l’Algérie est incapable de tourner cette page. Et pourtant, la promesse était de rompre avec ce système inique et, une fois l’indépendance recouvrée, de bâtir un État de droit. Malheureusement, après 53 ans d’indépendance, la seconde partie de la promesse est loin d’être concrétisée. Et pour cause ! Lors des différents classements internationaux, l’Algérie est à la queue du peloton dans tous les domaines. En plus, alors que de nombreux compatriotes ont du mal à finir les fins de mois, des dirigeants et leurs proches –sans qu’ils aient créé des entreprises productrices de richesses –se permettent d’acheter de luxueux appartements dans la meilleure ville du monde, Paris. Est-ce pour ça que les meilleurs fils de l’Algérie se sont-ils sacrifiés? Enfin si les Algériens veulent leur rendre le plus grand hommage, c’est en premier lieu de ne pas trahir leur cause, et ce, quelle que soit la motivation : financière, de prestige ou autre.  

Boubekeur Ait Benali
16 mai 2015

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