L’honneur, ce logiciel instinctif de la probité, se constitue et se façonne en milieu familial et se consolide par l’exemple et l’émulation. L’honneur authentique est inaliénable et incessible, et ceux qui le perdent ne l’ont sans doute jamais possédé. En dépit de l’admiration qu’il peut susciter, quand l’honneur s’associe au renoncement et sacrifice, il ne fait plus d’envieux.

Si la loyauté et autres valeurs morales et religieuses se renforcent durant la lutte armée, à l’issue du combat et en période de confort et prospérité, ces vertus s’érodent, et se perdent d’autant plus facilement que les responsabilités sont imméritées et les accaparements illégitimes.

Depuis bien longtemps déjà, la responsabilité et le banditisme semblent étrangement faire bon ménage en Algérie. Pour le meilleur et pour le pire.

Ainsi, contrairement au pragmatisme moderne, considérant l’opportunisme comme un talent avéré, et la corruption et abus d’autorité comme des privilèges d’accompagnement, durant la longue nuit coloniale, certains hors-la-loi, empruntant le chemin élitiste inverse, et sans nomination par décret ou arrêté, se transformaient en hauts responsables et authentiques leaders, défendant leur dignité et celle de leur peuple. Ces bandits et justiciers d’honneur, que plusieurs régions du pays ont enfantés, et qui étaient de simples paysans sans formation politique aucune et n’ayant fréquenté que l’école coranique, ont vécu peu, mais bien, et sont tombés au champ d’honneur très jeunes, déclinant tout rendez-vous avec la vieillesse. Ces chevaliers d’honneur ont ainsi jeté et consolidé à jamais les fondations d’une culture de bravoure légendaire, et contribué à forger des générations de héros.

Loin d’être exhaustive, la présente contribution se limite à l’évocation du parcours distingué de seize « bandits d’honneur » des Aurès qui, injustement ou démesurément condamnés par le tribunal colonial, se sont regroupés pour former, à partir de 1944, une bande de chevaleresques rebelles insoumis, harcelant les forces de l’ordre coloniales et terrorisant ses collaborateurs. Le destin et les coïncidences historiques mèneront cette armée embryonnaire à jouer un rôle décisif dans le déclenchement de la glorieuse révolution de Novembre 1954 et sa réussite durant ses débuts cruciaux et difficiles. L’histoire officielle du pays est loin de rendre justice à la contribution exceptionnelle, pourtant localement retentissante et très connue, de ces héros légendaires. Cet hommage ne vise nullement à, et ne peut en fait pas, faire de l’ombre aux sacrifices des nombreux héros à travers le pays, la région, et même dans la famille. Le parcours de ces rebelles est toutefois si singulier, décisif, et instructif qu’il mérite une place spéciale dans l’histoire.

C’est à la fois un devoir et un embarras que de vouloir réhabiliter des évènements historiques et des personnes de sa région, cela pouvant susciter des soupçons. Je me contenterai de partager une appréciation personnelle concernant la liste non exhaustive de héros nationaux. Même s’il est impudique de comparer ces héros, j’ai toujours considéré, de par leur autorité morale et parcours exceptionnels, l’Emir Abdelkader et Lalla Fatma N’Soumer comme des icônes à part. A travers l’historique serment d’allégeance sous un arbre, le premier est sans doute le seul guerrier musulman à reproduire la Sunnah du prophète dans l’épreuve du sacrifice ultime. Grâce à sa culture religieuse précoce, Fatma N’Soumer pouvait citer un verset ou un hadith approprié pour chaque situation, et est la seule femme à avoir dirigé le Jihad d’une armée étoffée de valeureux guerriers. Mais pour être sincère, je dois admettre que je classe Ben Boulaid dans cette même catégorie hors-échelle.

L’auteur tient ses informations de l’entourage familial, le père et les oncles ayant joué des rôles durant la période 1950-1953 quand les leaders de l’Organisation Secrète et d’autres chefs historiques visitaient la région, soit pour s’y réfugier ou bien pour se réunir avec cette armée naissante. Certains chefs (Krim, Ben Tobbal, Ben Aouda et Bitat) ont séjourné dans la maison familiale avant d’être accompagnés vers leur destination. D’autres témoignages proviennent des proches des rebelles ainsi que le benjamin et dernier survivant, Ahmed Gadda. Ce hors-la-loi précoce à l’âge de 14 ans, qui a vendu des terres agricoles pour s’acheter une arme, continue à 82 ans de rayonner de courage et d’honneur en dépit d’une santé chancelante, puisse Dieu le guérir et lui prêter longue vie. Dans des interviews récentes [1,2], et fidèle à lui-même, il a vigoureusement dénoncé la falsification de l’histoire en assénant des vérités crues forcément inconfortables pour certains.

Même si une lecture analytique personnelle est présentée, la contribution se limite à des informations accessibles via les archives récentes de la presse ou des écrits d’historiens français.

Messaoud Ugzelmadh (le gaucher), le héro légendaire inspirateur

« Quand la loi devient celle de la jungle, c’est un honneur que d’être déclaré hors-la-loi », Bazin.

Si la tribu des Béni-Bouslimane et tous les chaouis ne doivent retenir qu’un seul rebelle chevaleresque de référence, ce sera certainement le pionnier du banditisme d’honneur, l’inspirateur des générations, le plus célébré et connu à travers le monde, Messaoud Ugzelmadh (le gaucher, également appelé Ben Zelmat). Pour faire simple et bref, sans Messaoud Ugzelmadh (1894-1921), l’armée des bandits d’honneur des Aurès des années 1944-1954 n’aurait sans doute jamais existé.

Qui était donc ce berger de Messaoud Ugzelmadh ? Qui était ce héro légendaire dont la bravoure était célébrée et chantée par toutes les femmes chaouies dés 1917, et que Aissa Djermouni, des Hrakta à 200 km, premier artiste arabe, amazigh, musulman, et africain à se produire à l’Olympia de Paris en 1937, a célébré et immortalisé dans une sublime chanson chaouie [3] ?

De 1917 à 1921, si quelqu’un dans les monts des Aurès était victime d’une injustice, il se plaignait directement auprès de Messaoud Ugzelmadh, le redresseur des torts, distribuant aux pauvres et victimes de l’injustice les butins pris de force aux caïds et autres goumiers.

Afin de venger son frère Ali tué par un collabo, le jeune Messaoud prend sa relève à la tête d’un groupe d’insoumis. Ses méthodes chevaleresques ne tardèrent pas à établir sa réputation qui dépassa la région, puisque la presse d’Alger et en France en faisaient écho [4-6]. Son code d’honneur l’obligeait à avertir ses victimes avant de passer à l’acte, prenant ainsi des risques mais gagnant plus d’estime tout en sapant le moral des ennemis. Une de ses actions spectaculaires eut lieu le 20 Février 1920, quand le Caïd Messaoud de Chélia se rendit pompeusement au marché local, entouré de son escorte de goumiers. Ugzelmadh fit irruption de nulle part et se retrouva face à face avec le Caïd, et comme un éclair, il l’abat à bout portant, vida ses poches, et s’évapora. Il faut signaler qu’à la même époque un autre héro, Boumesrane, sévissait dans le sud des Aurès à M’chounèche et Biskra. La mobilisation générale lancée par le gouvernement, regroupant fantassins, cavaliers, tirailleurs et Sénégalais ainsi que les primes promises ont fini par mettre un terme à ces glorieuses épopées. Boumesrane fut tué le 12 Octobre 1920, et Ugzelmadh le 7 Mars 1921. On retrouva sur lui son fusil Lebel l886, des munitions, le cachet du Caïd tué, des jumelles, et son inséparable Coran de poche. L’annonce de sa mort se répandit vite et partout. L’Écho d’Alger évoqua ses vingt victimes et ses huit condamnations, ainsi que les 10 000 francs répartis entre les dix goumiers qui l’ont tué. Mort à l’âge de 27 ans, Ugzelmadh n’a eu besoin de quatre années (1917-1921) pour forger une légende exceptionnelle marquant à jamais toute la région.

Culture patriotique célébrant et forgeant l’héroïsme

Si on doit associer un héroïsme particulier à la région des Aurès, le mérite principal devrait incontestablement revenir à la femme chaouie.

« Messsaoud Ugzelmadh le téméraire tireur d’élite atteint au cœur un oiseau en plein vol ». Et par ricochet touche et émeut tous les cœurs sensibles. Quand toutes les filles et femmes de la région ne chantent que Messaoud Ugzelmadh, longtemps après sa mort et même de nos jours, cela doit finir par irriter la sensibilité des hommes. L’admiration étant générale, le chaoui devait soit s’exiler ou bien subir le formatage. Ces chansons constituées de trois ou quatre phrases rabâchées pendant une dizaine de minutes finissent par avoir un extraordinaire effet de fertilisation de la culture du courage, semant les vertus de la bravoure. Et c’est sans surprise que l’on retrouve ainsi que quinze des seize héros de la mini-armée d’honneur sont tous issus de la même tribu des Béni-Bouslimane. Il ne s’agit certainement pas de quelconques prédispositions génétiques ou tribales particulières, mais simplement des fruits du formatage culturel. Tout homme de la tribu qui avait des pépins avec la justice, et afin de sauver son honneur, était ainsi presque forcé d’emprunter la voie de la rébellion.

Constitution du groupe des « Mounafikine » dirigé par Hocine Berrehayel

Cela est surprenant mais c’est ainsi que la nouvelle association fut connue, et la fâcheuse appellation se perpétue, certains croyant toujours que ce terme signifie rebelles. Ces paysans qui avaient des démêlées avec la justice ne devaient pas manquer de relations conflictuelles avec certaines familles et ne jouissaient pas, au début de leur cavale, d’une estime et d’un respect consensuels ; surtout auprès des gens qui ignoraient tout de leur maturation politique, renforcée par les contacts avec Ben Boulaid et plus tard avec les autres chefs de la révolution.

Hocine Berrehayel (1918-1955) fut le premier à inaugurer le maquis en 1944 après son évasion de prison [7-9]. En 1946, il était à la tête d’un groupe qui finira par compter seize rebelles dont le notoire Grine Belgacem de la tribu des Chorfa. Il y avait un « Messaoud Ugzelmadh 2 », issu de la même famille que le légendaire héro. Le plus jeune, Ahmed Gadda, qui écrivait et envoyait pour Berrehayel des lettres de menace aux différents collabos, était obligé de rejoindre le maquis à 14 ans, quand son activité fut dénoncée [1,2].

Craindre la mort en ces temps là, c’était accorder trop d’égards à la misérable vie de colonisé, et l’ultime baroud d’honneur était « mourir les armes à la main ». La période était propice pour la constitution d’un premier arsenal militaire, venant surtout de la Lybie où la seconde guerre mondiale avait laissé toutes sortes d’armements, suite aux passages des belligérants. Pour acheter ces armes modernes, certains vendaient leurs biens et terres agricoles et d’autres détroussaient les riches collaborateurs. Ainsi par exemple, le 2 Décembre 1951 sur la route de Khenchela, Grine Belgacem arrête un car afin de régler le sort du chauffeur collabo. Sous la menace de son mauser, il le contraint à descendre, le fait agenouiller, et pointe le canon sur son front, « Je suis Grine Belgacem, tu es condamné à mort pour avoir transporté des gendarmes ». Le père du chauffeur, présent parmi les passagers terrorisés, le supplie de laisser la vie sauve à son fils. Grine exige une rançon de 100 000 francs. La recette du jour ne suffisant pas, on fait alors la quête pour compléter le montant [10].

Croisement de l’honneur avec l’esprit

La probité est certes vertueuse mais sans bravoure elle n’est digne d’aucune considération. Il est par ailleurs navrant de constater que les escrocs et autres fripons se liguent plus facilement que les gens de vertu, et dés qu’ils jouissent de moindres prérogatives, ils marginalisent et s’en prennent à l’intégrité et la compétence. Cependant quand les gens d’esprit et d’honneur arrivent à s’entendre, tous les conglomérats de sots et truands sont réduits en nains insignifiants. Ses premiers contacts avec les « Mounafikine » de Berrehayel datent de 1947. Il fallait être Mustapha Ben Boulaid pour pouvoir venir de la tribu rivale des Touaba et avoir autant d’impact sur les rebelles des Béni-Bouslimane. La symbiose fut immédiate et totale. De la trempe des prophètes était ce Ben Boulaid ! Ses économies et ses biens vont tout de suite bénéficier des réseaux des rebelles pour étoffer l’arsenal d’armements. Cette période a connu une mobilisation sans précédent dans la région. En plus des contributions volontaires, un réseau de cotisations est mis en place. Le nombre d’activistes se comptait par centaines, et même par milliers si l’on considère les Grands Aurès de Biskra à Tébessa. Ceux qui devaient déclencher l’action armée étaient entrainés par les rebelles.

L’administrateur colonial avait au début promis le grade de Caïd à toute personne qui tuerait Berrehayel. Plus tard il fit parvenir à ce dernier une offre d’annulation de la condamnation à mort pour tout son groupe s’il tuait Ben Boulaid. Ce dernier fut aussitôt informé. Pas de chance ! Ce n’est pas la bonne génération. Votre marché est venu trop … tôt.

Quand vous aurez pris la décision, …

En dépit de tous ces nombres de militants et de la présence d’autres rebelles à travers le pays, les « Mounafikine » des Aurès avaient une longueur d’avance considérable sur le plan militaire. Et c’est sans doute dans le but d’apprécier de visu cette préparation que les leaders de la révolution se succédaient pour rencontrer leur chef.

Démocratie ou pas, quand il s’agit de décisions militaires, les politicens ne peuvent décréter sans l’avis prépondérant des responsables militaires. Même les enfants de chœur savent cela, et les présidents Bush ne le nieront pas. Dés qu’ils ont pris connaissance du projet de l’action armée, Berrehayel et ses compagnons étaient pressés d’en découdre avec la France [7]. A ce stade, Berrehayel ne parlait désormais plus au nom du groupe initial des rebelles. Il représentait également les centaines de militants entrainés, que Ben Boulaid avait assemblés à travers tous les Aurès, particulièrement dans sa tribu des Touaba.

1953 : Ben Boulaid et Ben Mehidi rencontrent Berrehayel à Biskra et l’informent que les 21 chefs de la révolution désirent le rencontrer. Il leur fait part de l’impatience de ses hommes et de leur irritation face aux tergiversations politiques.

Les militaires étant ce qu’ils sont, les réunions cruciales suivantes ont lieu chez les rebelles [7].

Mai 1954 : A travers un émissaire, Berrehayel propose un plan d’action aux chefs politiques, et accorde un délai de réflexion de trois jours. Peine perdue. Les rebelles devront patienter encore.

Juin 1954 : Réunion à Chenaoura (fief des Berrehayel) avec Ben Boulaid, Si Haouès, Halimi, Bitat, Boumaâza, Ben Mehidi, Ben Tobbal et Ben Aouda. Agacé par ces réunions infructueuses, Berrehayel menace d’arrêter les contacts. « Quand vous aurez pris la décision de passer à l’action, faites moi signe ».

Août 1954 : Une réunion élargie ultime regroupant les 21 chefs historiques (Boudiaf, Ben Mehidi, Krim, et tous les autres), se tient à Inoughissen, autre fief des rebelles, en présence de Moussaoui, représentant local des Oulémas, et l’imam Derradji, originaire de Barika. Ce dernier prononce une fetwa consacrant l’action armée comme du Jihad et la Zakat au profit de la révolution. Les autres chefs exigent de Ben Boulaid que les Aurès résistent au moins six mois afin de permettre aux autres régions de se préparer. Berrehayel répond : « Nous tiendrons huit mois ».

4 Octobre 1954 : Ben Boulaid informe Berrehayel, Laghrour et Gadda de la date du 1er Novembre, en les faisant jurer sur le Coran de ne divulguer le secret à personne.

Il ne fait aucun doute que la pression exercée par ces premiers militaires a eu une influence considérable sur les évènements, notamment le déclenchement de la lutte armée, même si l’histoire officielle fait l’impasse sur cette honorable page. C’est un grotesque non-sens de croire que ces décisions militaires importantes ont été prises par les seuls politiciens issus de différentes factions, qui à la veille de Novembre, restaient encore divisées, et dont beaucoup de cadres sortiront du pays pour ne revenir victorieux qu’après l’indépendance.

Premier Novembre à Âakriche

La veille du jour J, Ben Boulaid supervise lui-même la distribution des armes aux militants non déjà armés, et chacun des chefs se dirige avec ses hommes vers sa zone : Batna (Grine), Khenchela (Laghrour), Arris (Nouaoura), Ain Laksar (Nouichi). Berrehayel prend la direction de Biskra avec ses 42 hommes répartis en 5 groupes.

C’est sans surprise que les représailles immédiates des forces coloniales se concentrèrent sur les fiefs et villages des rebelles à Chenaoura et Âakriche [11-14]. Ces pionniers ne seront jamais acculés à la défensive. Ils tomberont, tous au champ d’honneur, dés le début, dans des batailles qu’ils choisiront eux-mêmes. Le 29 Novembre 1954 près d’Arris, lors d’un accrochage avec les paras du colonel Ducournau, Grine et une vingtaine d’autres héros tombent au champ d’honneur [10]. Les paras se souviennent particulièrement des youyous retentissants quand ils ont essayé de défiler avec le corps de Grine. Ce dernier est officiellement considéré comme le premier chahid officier ALN. Berrehayel suit le 27 Juillet 1955 dans la « bataille du chien » près de Chachar, et le chef des chefs Ben Boulaid part grossir les nouveaux rangs le 22 Mars 1956.

Congrès de la Soummam, la discorde

Peut-on imaginer qu’un congrès de la révolution puisse se tenir en absence des Aurès et de ses baroudeurs de la première heure ? Il fut minutieusement planifié et organisé par des compétences avérées. « Ils nous ont poignardés derrière le dos dans ce congrès des « soumoum » (poisons) » [1,2]. La présence de Ben Mehidi ne pouvait pas atténuer la déception et les vaines tentatives de rachat et ces histoires contradictoires de convocations non parvenues, impliquant des personnalités de second rang, n’ont fait qu’intensifier l’amertume. Ben Boulaid n’était plus là mais ses compagnons ont bien compris les desseins. On voulait certes structurer la révolution mais surtout changer sa direction et son âme. Exit toute référence à l’Islam et cela exige corollairement la marginalisation des principaux chefs des Aurès. L’effet démoralisant et démobilisant de ce congrès a cassé net l’élan sincère de beaucoup de moudjahidine, et a changé à jamais le cours de la révolution et ses fruits. N’était-elle pas efficace l’organisation bâtie par Ben Boulaid et ses fidèles ? L’argent de ce dernier ne se limitait pas à l’armement. Chaque homme recevait une copie du Coran. Les mots de passe secrets étaient « Khaled » et « Okba ». Est-il dangereux de mener la politique ainsi ? N’a-t-elle pas forgé des héros ? La politique des calculs et ambitions peut faire grimper les échelons mais pollue les esprits et déforme les hommes. Un musulman qui affronte un puissant ennemi en s’éloignant de sa religion, se projette probablement plus sur les fruits de la révolution que sur ses sacrifices. Ce n’est pas de la trahison. Ce sont de mauvais actes issus d’intentions pas mauvaises, mais pas saines non plus, et menant à des conséquences que certains considèrent désastreuses.

La révolution non relayée

Le dilemme affligeant des révolutions c’est qu’elles doivent se succéder et se relayer indéfiniment, car sitôt que l’une se termine il faut immédiatement après déclencher la suivante, contre les enrôlés et retournés de la dernière heure ainsi que les planqués et stratèges du retranchement dans une longue embuscade loin du champ de bataille, exploitant lâchement les sacrifices des braves pour s’emparer du pouvoir. Ainsi, la révolution est permanente, ou n’est pas du tout !

Pour un peuple musulman, se soulever contre une puissance coloniale surarmée, ne peut se faire authentiquement qu’au nom du Jihad avec à la clé une récompense garantie, la victoire ou la chahada. En terre d’Islam, une révolution est du Jihad, ou n’est pas du tout ! Et ce Jihad est lui aussi permanent ou bien n’est pas du tout. Car après l’indépendance les épreuves de l’examen paraissent confortables mais sont en fait plus difficiles. C’est le Jihad El-akbar. Les jeunes martyrs ont tout appris sur la force et faiblesse des hommes, et sur le maquis. Ils ont surtout appris à emprunter les chemins et raccourcis sûrs, dont notamment celui menant à la chahada authentique. Ces braves ont émis le vœu d’être épargnés de l’examen postindépendance, et leur vœu a été exaucé. Mais en fait, en dehors de quelques situations d’exception, n’était-il pas plutôt facile de voir ce vœu exaucé, pour ceux qui le formulaient en toute sincérité ?

Abdelhamid Charif
10 mars 2015

Références :

[1] www.echoroukonline.com/ara/articles/223707.html
[2] www.elwatan.com/hebdo/histoire/ahmed-gadda-ou-la-memoire-des-aures-14-01-2015-284886_161.php
[3] www.youtube.com/watch?v=jV-0k6AwU00
[4] Philippe Thiriez, « En flânant dans les Aurès », Editions Numidia-1986
[5] www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1978_num_26_1_1823
[6] www.echoroukonline.com/ara/articles/224772.html
[7] www.elkhabar.com/ar/autres/ziyara/401844.html
[8] www.echoroukonline.com/ara/articles/225075.html
[9] www.echoroukonline.com/ara/articles/225282.html
[10] www.histoire-en-questions.fr/guerre%20algerie/terreur-ratissages-grine.html
[11] http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu00039/operations-militaires-de-l-aures-en-novembre-1954.html
[12] http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu00037/les-operations-militaires-dans-les-aures-en-novembre-1954.html
[13] www.youtube.com/watch?v=SGYs38UuoCQ
[14] Djamel Alilat, « Les Aurès de la première balle », El-Watan du 01-11-2014

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