La débâcle des partis se prévalant de l’islam politique dans leurs conquêtes du pouvoir démontre que l’alternative islamique telle qu’elle est appréhendée ne pouvait réussir et que le fait même que les islamistes s’obstinent à prendre part aux élections s’est avéré une grande erreur d’appréciation. Car la conscience collective arabe n’est pas suffisamment élaborée pour épouser l’idéologie du khalifat prêchée inlassablement au détriment des besoins économiques et sociaux du citoyen et de ses droits politiques usurpés qu’il convient de rétablir au préalable.

C’est pourquoi, les expériences tentées ici et ailleurs se sont soldées par des échecs retentissants, les islamistes offrant à leurs ennemis l’occasion de récupérer, à la dernière minute, l’effort de la résurrection ; étant préoccupés à gérer leurs contradictions étalées au grand jour.

Les gens, toujours à la recherche d’un nouveau « Salah Eddine » pour assouvir le besoin de vivre sous l’égide d’un grand leader, semblent occulter, sous l’emprise de leurs désirs, les contrastes intérieurs et les contraintes extérieures défavorables à l’émergence d’un tel système de gouvernance que ni le contexte intérieur ni la conjoncture internationale n’autorise. Car si telle est la situation en Egypte où les Frères musulmans sont riches d’une expérience de quatre-vingt ans, il ne pourrait en être autrement dans le reste du monde arabe où les peuples, aux prises avec leurs préjugés, leurs contradictions et leurs tares, sont en train de faire, d’une manière réprouvante et gauche, l’apprentissage de l’islam politique et de la démocratie.

Un désir qui fait que l’opinion publique arabe se rallie aujourd’hui à Daech dans laquelle elle entrevoit une force capable de restituer les lieux sacrés, profanés par les sionistes, au giron islamique, tout comme elle a sympathisé avant avec El Qaida de Ben Laden, sans pour autant se soucier des circonstances dans lesquelles est née cette faction qui gagna en force et en importance pour devenir une organisation fantoche aux dimensions d’un Etat.

Le citoyen arabe a beau clamer qu’il est pour l’alternative islamique mais cela ne va pas au-delà du slogan parmi tant d’autres qu’il a appris à scander car lorsqu’il s’agit de mettre sa prétention au diapason de la solution islamique. Il se trouve qu’un écart l’empêche de le faire ; son comportement au quotidien corroborant le contraire.

Pour que l’alternative islamique réussisse, il faut que les peuples arabes militent pour passer de leur condition de plèbes et s’ériger au préalable en peuples, et de la morale conventionnelle autorisant tous les abus à la morale puritaine, et cessent de raisonner sur fond de sentimentalisme et de chimères et se confondent sagement dans la réalité internationale ambiante au lieu de la discuter et la rejeter ; une constante chez le citoyen arabe aussi bien que chez les élites, pour pouvoir récupérer leur statut de société phare.

Un citoyen à la recherche de son identité incapable de se situer par rapport à son histoire, de son présent et appréhende avec ambiguïté l’avenir demeure le mauvais cheval sur lequel il est insensé de parier.

Un citoyen qui cultive le mensonge et la nostalgie du passé est en deçà des défis et constitue la cible privilégiée de ses ennemis du fait de sa prédisposition à l’aliénation.

Abassi Madani a longtemps scandé qu’il dispose de trois millions de militants prêts à « déchirer de leurs dents, le moment venu, les chars du régime », reproduisant ainsi les erreurs du FLN postindépendance avec cette préférence désastreuse pour le quantitatif aux dépends du qualitatif, alors que la manière par laquelle il fut arrêté par les services de sécurité ne fournit aucun indice qu’il s’agit d’une formation politique se prévalant, de surcroit,  de l’islamisme, ancrée dans l’esprit des Algériens comme le laissait entendre le Cheikh. On parle que c’est son propre chauffeur, agissant sans doute sur ordre de ses supérieurs militaires, qui l’a livré aux services de sécurité. Une version sujette à caution mais toutefois envisageable.

Excepté la Tunisie où c’est le peuple qui s’est désisté, en vertu de facteurs qui lui sont propres, de l’alternative islamique pour mettre le clan des libéraux à rude épreuve là où d’après médias hostiles au parti de Rached El ghanouchi, ce dernier a échoué et s’est montré incapable de satisfaire aux aspirations des Tunisiens qui tablaient beaucoup sur cette mouvance en la hissant au pouvoir et qui buta à une fraternité arabe non seulement non coopérative mais se situant au prolongement de l’Occident qui voit d’un mauvais œil l’accession à la démocratie des peuples arabes signifiant la fin de son hégémonie dans cette région dont il en a fait son arrière-cour, mais déterminée à damer le pion à tout projet de société qui procède de l’islam politique. L’arbitraire et le penchant pour une gestion unilatérale et autiste des affaires publiques, demeure le dénominateur commun de toutes les formations politiques d’obédience islamique qui n’ont que l’exégèse de la religion à offrir au citoyen croulant sous le poids des difficultés quotidiennes sans cesse croissantes et qui ne revient pas de ses déceptions chaque fois qu’un soulèvement ici ou là ressuscite en lui l’espoir de voir ses aspirations enfin entérinées.

Mohammed Morsi, qui au lieu de procéder à une purge au sein de l’armée, de la police et des médias, se focalisa sur le redressement de l’économie pour avoir dans l’idée qu’il s’agissait d’une première urgence, commit ainsi l’irréparable en croyant que la prise en charge instantanée des préoccupations sociales du citoyen Egyptien est la bonne solution, à la grande joie des caciques du régime déchu qui n’ont jamais porté les Frères musulmans dans le cœur et dont la multiplication des erreurs conduit inéluctablement au coup de force du 3 juillet 2013. Et avant lui le général Mohammed Nadjib qui se distingua par son laxisme en s’abstenant à bombarder le siège du Ministère de l’intérieur au sein duquel son homologue Nasser tenait un conclave pour décider du sort du premier président Egyptien et qu’il regrettera plus tard (cf. son livre en arabe : « j’étais président d’Egypte »). Manquant ainsi une occasion historique d’épargner à ses concitoyens, et accessoirement aux autres peuples arabes du fait du charisme de Nasser dont l’ensemble des dirigeants arabes qui optèrent pour le communisme furent les disciples ; soixante ans de dictature…

Le fiasco par lequel se solde à chaque fois l’apprentissage de la démocratie dans le monde arabe démontre qu’il est question de crise de société beaucoup plus qu’une crise politique du fait de la fragmentation de la société arabe ayant eu sur elle des effets pervers ; qui attaché au maraboutisme des confréries religieuses, qui fasciné par le charisme de telle ou telle icone, qui à l’imposture des « anciens moudjahidines » qui se régénèrent chaque année au lieu de décliner et s’estomper, défiant ainsi les lois de la natures humaine, qui épousant inconditionnellement les thèses du régime au nom de la théorie du complot exploitée à outrance par nos gouvernants.

Une société prompte à réagir mais pour tourner en dérision les œuvres d’autrui ou de faire son propre constat de faillite.

C’est pourquoi, la génération postindépendance est, à mon avis, une génération « grillée » et se seront nos enfants, qui jurent par autres choses que le nationalisme et le patriotisme, qui sont en mesure de relever tous les défis et auront raison de la nomenklatura…

Il ne reste plus que le Burkina Faso où les manifestants hostiles à un cinquième mandat pour le président en exercice Blaise Compaoré ont envahi ce matin le parlement pour empêcher l’amendement de la constitution dans ce sens !

Qu’en pensent ceux et celles qui clament : « l’Algérie n’a pas de leçons à recevoir de personne » ?

Mahmoud Hammana
30 octobre 2014

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