Le FIS, absent officiellement, présent pratiquement, mouvant réellement est à la une ces jours ci. La presse en raffole. Recette oblige. Des titres divers et multiples. Du bizarre au banal en passant par le fidèle, les analystes livrent leurs fantasmes politiques aux quatre vents semant le rêve, le désespoir ou l’indifférence.

Le FIS présente grosso modo une certaine unité religieuse, culturelle et politique. Un projet de société en quelque sorte. Maintenant que la possibilité de connaitre le FIS, non par intermédiaire mais directement, a été inaugurée par la coordination, va être remarquée son unité de pensée, d’organisation, de mouvement. Ceux de ses fans qui avaient 18 ans en 1990 son aujourd’hui parents. Leur manière de voir le monde, de vivre leurs valeurs au quotidien, de discerner le bien du mal, de respecter la loi, d’éduquer leurs enfants, de se projeter dans l’avenir, insiste peut-être sur leur altérité mais n’en fait pas des êtres à part. Malgré les malheurs endurés par leurs ainés, leur manière de dire non à la violence, à l’intégrisme, au communautarisme et de s’en désolidariser reste un comportement, une posture héritée qui inspire la confiance… Faut-il le rappeler, la violence, le peuple algérien ne la connait que trop. Elle s’exerce tous les jours et ses principales victimes sont essentiellement les sympathisants du FIS et ceux que le pouvoir a mis dans son collimateur.

Dans la rue le FIS existe. Sa proximité de la rue fait qu’il la vit avec ses joies et ses amertumes et prouve, peut-être, son ancrage dans la population, mais ne prouve jamais sa domination. Beaucoup sympathisent avec lui mais ne l’approuvent pas toujours dans ses approches des choses.

Le FIS n’est ni infréquentable, ni un danger pour la démocratie. Il est arrivé à séduire des électeurs dans toutes les couches de la société. Fort de son enracinement profond et d’une extension dans les strates de la société aussi large que le pays, il a infligé une « roulade dans la fange » tant au FLN qu’aux partis républicains. Sa manière de mener la lutte politique dénote qu’il aurait pu être une alternative. Bonne ou mauvaise, elle aurait, sans doute, dans les pires des cas, évité la catastrophe causée par le zèle de M. Nézar. Le FIS a le droit, la force et la « légitimité », de son côté.

Le pouvoir va donc cajoler le FIS, le séduire, l’amadouer, en faire un partenaire consentant du processus. Le FIS, fils de la rue peut-il oublier que seule la rue a daigné l’accepter et le comprendre ? Ce qui est un honneur. Elle est la seule branche à le porter. Elle lui donne existence. Il a représenté la rue ; continuera-t-il à le faire ? Le pouvoir a utilisé toutes ses potentialités pour le disqualifier, à l’intérieur comme à l’extérieur. Il a réussi à altérer quelque peu son image sans la ternir. Le pouvoir pourra-t-il le pousser à étouffer la rue alors qu’elle est son refuge ?

L’opposition, à laquelle le FIS est sensé appartenir, essaye de le comprendre pour avoir plus de force et de poids sur le terrain.

Je reste convaincu que, pour le FIS, se joindre à la coordination est la position juste dans le moment politique que nous vivons. L’ouverture vers ces forces, notamment les « janvièristes civils », qui ont aidé le pouvoir à consommer le coup d’état et composé avec lui pour le soutenir et le maintenir, ne doit pas toutefois apparaître comme une fusion, mais comme une construction de l’opposition, à égalité de responsabilité, quelle que soit l’attitude des uns et des autres dans la période précédente. Inutile alors d’énoncer au départ des exigences qui freinerait les convergences possibles. Ce qui compte, c’est que la base fondamentale du rassemblement soit construite dans une logique affirmée d’égalité et de droits, où le programme de l’humain soit la référence première. En dépassant les simples positions individualistes aux convictions de vision commune d’un vrai changement, l’opposition renforce son capital de mise en mouvement et de manœuvre. Pour ce qui est des responsabilités de chacun dans la crise causée par l’arrêt du processus électoral en 1991, elles seraient déterminées dans le cadre de la réconciliation nationale qui sans elle rien ne pourra se faire. La réconciliation nationale est un prélude à la cohésion nationale. La première est un acte de justice sec et tranchant, la seconde, un sentiment à vivre non à politiser. Les mécanismes nécessaires à leur réalisation sont évidemment discutables. L’important est de soustraire ce peuple meurtri, mais historiquement hospitalier, à ses difficultés quotidiennes.

Le FIS continuera-t-il à opérer ses tractations à l’ombre, dans la discrétion et le mutisme total habituels bien que cela soit attentatoire à la transparence dans la pratique politique d’une part et au droit de savoir de la rue qui observe et attend ? Ou changera-t-il de comportement en côtoyant la coordination ? Les événements de 1991/92 et leurs dérivés n’ont été contés que selon la version du pouvoir. Le mutisme du FIS forcé ou voulu a gêné la rue dans sa lutte contre le matraquage médiatique du pouvoir. Il ne faut pas se contenter de produire l’action physique, il faut la faire remarquer, la rendre historique. La non transparence et la loi du silence sont facteurs de spéculations et de dérapages aux conséquences désastreuses.

L’infiltration de l’opposition et les tentatives de provoquer sa déviation sont à attendre et à craindre. Chacun doit s’assurer du sérieux et de la bonne foi de l’opposition de former un front solide que l’offre du pouvoir ne détruirait pas aussi avantageuse soit-elle sur le plan personnel. Le pouvoir, par réflexe, va la mettre hors d’état de nuire. Il va essayer d’abord de lui tondre l’herbe sous les pieds en lui retirant le FIS. Isoler le FIS, réduirait et l’opposition et le parti prisé par les antagonistes. Alors que le FIS progresse, les mécanismes de filtrage qu’on ne manque pas de finir d’ériger afin de l’écarter pourraient se retourner indubitablement contre leurs instigateurs. Le FIS s’il arrive à manœuvrer convenablement dans ce contexte, pourrait améliorer sa situation. Mais il doit prendre garde au narcissisme qui guette ses composantes d’une part, d’autre part, il doit élever le degré de sensibilité aux manigances du régime dans leurs diversités et leurs multiplicités : son étendue (853 APC et 32 APW) et sa profondeur (omniprésence dans presque toutes les institutions de l’Etat) ne lui ont pas permis d’avoir vent des camps d’internement que le pouvoir lui préparait en 1991. L’excès de « zaimisme » dont souffre la personnalité arabo-musulmane peut à lui seul léser toute démarche vers le but. Ajoutons à cela le noyautage des différents partis par le pouvoir, le mépris des sacrifices consentis par le peuple pour ce cher pays et l’inconscience devant les défis qui se dressent devant la nation.

Il a des militants prisonniers, exilés, disparus, exclus du travail,… La bonne intention du système dans la voie du changement consisterait à régler préalablement ces problèmes qui n’engagent que le pouvoir, seul. Que ce préalable doit rester un préalable. Il doit se faire sans contrepartie et encore moins au dépens de l’opposition en général.

Au sein de la coordination les relations sont normalement basées sur la confiance, l’échange et le respect. L’opposition aura tout intérêt à appuyer cette requête, cela mobiliserait davantage la rue. Elle apprécie les postures justes et défiantes. D’autant plus, il est temps que les directions de partis clament la vérité toute haute et redresser les torts. Le coup d’Etat de 1991 a été mené contre la volonté populaire, contre le choix du peuple, et non contre le FIS. Ses auteurs l’aurait fait contre tout parti qui ne suivrait pas la trajectoire de leurs intérêts. Les victimes du terrorisme d’Etat, instauré par le Général Nézar et institutionnalisé par le général Zéroual, sont des algériens (civils et militaires, petits et grands, hommes et femmes, blancs et noirs, …). L’opposition qui parle sans cesse, en toutes les langues, qu’elle prône l’Etat de droit, n’a plus le droit de prendre pour référence l’état-de-fait-accompli en face duquel nous ont mis les putschistes. D’autant plus qu’il date et dure depuis bientôt ¼ de siècle. Les tribunaux d’exception, toutes les procédures similaires et tout ce qui en a résulté est à décrier et condamner. Il y a une politique délibérée de mise à l’écart d’une population donnée : tout ce qui sent le FIS, la législation peu ou prou l’isole. Dans un Etat qui se respecte, tout homme vivant en société conserve absolument tous ses droits d’ordre juridique et moral. Sans oublier que l’intérêt commun est inséparable de la justice. Toute entrave faite au plus faible des citoyens constitue alors un abus de l’autorité. Un quart de siècle dans cette situation, sans que la classe politique daigne la condamner. Abandonnée, sans appui politique, les ONG indépendantes, ont vu leurs becs et ongles rongés par les caprices du pouvoir. Les meilleures aspirations ont été et continuent à être bafouées pour que quelques égoïstes puissent s’enrichir. C’est un fardeau pas des moins lourds qui accable toute personne douée d’un iota de raison. C’est un supplice à vivre qui comprime les poitrines et libère les angoisses. Qui ose parler de cela ? De nombreux Algériens, las d’attendre, sont passés à la contestation. Cette dernière ne plait pas toujours. Ils dénoncent les ségrégations sociales et politiques dont ils sont l’objet depuis la discrimination introduite sur la scène quotidienne par le général putschiste M. Nézar. Sans même être islamistes, ni même être pratiquants, la plupart d’entre eux jettent un regard méfiant sur les distorsions législatives pour interdire toute liberté de pensée et réduire toute évolution politique. Comme ils sont arrivés à la conviction que les grands discours au nom de la lutte contre le terrorisme n’étaient en réalité qu’une manière de les ranger sur le banc des accusés. De même, sont-ils, dans la majorité, convaincus de la nécessité, pour les gens du FIS, d’obtenir leurs droits et d’être rétablis dans leur dignité. Cela n’arrange ni le pouvoir ni beaucoup d’autres. Comme cela les agace, cela les inquiète. Pour mieux discréditer ces revendications et généraliser la confusion, le pouvoir ne lésine pas à recourir à la désolidarisation par peur ou volontairement.

Que l’on se rappelle que certains prisonniers auraient pu être libérés, dès l’avènement de M. Abdelaziz Bouteflika, en 1999. Qui est responsable de la perte des 15 années pour ces gens-là ? De quel droit se permet-on de garder des gens en otage pour du bas marchandage ? Ça rappelle la venue de M. Mohamed Boudiaf rahimahou Allah. Il était en exile lorsque le parti gagnant aux élections occupait la rue. Initialement, il n’avait aucun problème avec le FIS. Alors que la majorité s’attendait à ce qu’il joue l’arbitre entre rivaux, il a promis subito presto d’atteindre le nombre de 10 000 internés du FIS au Sahara ! La ségrégation spatiale, il l’a entamée et consommée. Elle a fini par virer en une ségrégation sociale institutionnalisée où les droits civils sont tout bonnement tronqués. Que ceux qui ont cautionné cette politique et se sont enfin aperçu de leur erreur la dénoncent. Nous voulons une autre ère, l’ère de la liberté, de l’égalité et de la justice. Le peuple boude le pouvoir ainsi que les nantis et les élites qui lui sont affiliés. Il refuse l’ordre établi sur l’argent sale, fou ou facile. Sur la propagation démesurée des inégalités, cause de la souffrance sociale, de la précarité et de la pauvreté. Sur l’autorité du clash.

Les Algériens qui étaient enfants en 1990 et ceux qui n’étaient pas encore nés en cette période ont eu, pour comprendre ce qui s’est passé chez eux, le déroulement des événements en Egypte. Le général Sissi y est apparu en élève fidèle, mais bête, du général Nézar. Les deux films par leur similitude avaient le même réalisateur. Ce qui s’est passé en Egypte comme « violence légitime » a complètement mis à nu le pouvoir algérien. Il est à noter que malgré son atrocité, elle n’a pas atteint ce qu’a vécu l’Algérie : 200 000 morts (chiffre officiel), les disparus, les déplacés,… Elle n’en donne qu’une idée. Maigre.

Mais malgré les turpitudes du pouvoir, le temps n’est pas de son côté. La première rencontre organisée par la coordination a été une réussite qui n’attend qu’à être mise en chantier. En s’asseyant autour de la même table, à égalité – le besoin d’égalité est à la fois éthique et pragmatique -, ce sera une auto-reconnaissance palpable, empirique, pragmatique en un mot réelle de l’opposition. Quant à l’agrément, il n’appartient pas au pouvoir de le délivrer, Il est le résultat des urnes respectables et respectées. L’autorisation du pouvoir ne peut être la légitimité. C’est le pouvoir qui pue l’illégitimité. S’assoir à sa table, s’il est sérieux, n’est ni un honneur ni un déshonneur mais, tout juste, une nécessité et une obligation que dicte le principe de fidélité envers le peuple.

La reconnaissance de l’opposition, de son être, de son agir est une condition nécessaire pour que chacun évolue et trouve sa juste place au sein du champ politique. C’est d’abord une reconnaissance des acteurs opposants les uns les autres. Si la reconnaissance est partie intégrante de l’identité, elle repose sur l’empathie, la prédisposition à l’estime, l’altruisme, la soif de justice. C’est la vie même. C’est une raison suffisante pour devoir l’accorder. La manière d’engager la reconnaissance est déduite de la qualité de la relation établie.

Après la reconnaissance, s’impose l’organisation. S’organiser et rassembler tous ceux qui luttent pour que cesse cet état d’injustice et d’exclusion. La neutralité n’a pas de place dans cet espace. Un retour à la normale, même avec beaucoup de retard, n’est pas envisageable, si le changement ne s’opère pas.

Il faudra donc choisir son camp : travailler à la libération ou se ranger du côté de l’usurpateur. Choisir entre plaider la cause de la population et la poursuite de ses intérêts propres sur lesquels on a tout misé. L’opposition, en s’appuyant sur les forces politiques autonomes, représente cette dynamique qui alimente l’action et sa vigueur sur la scène politique et incarne un levier politique qui actionnera le changement nécessaire selon les impératifs nouveaux et les objectifs nationaux.

Retenons que le contenu du changement et sa signification ont évolué au fil des décennies en fonction des mutations de la société au sein de laquelle il s’inscrit. La reconnaissance du FIS calme la société et établit un lien de paix entre les composants politiques. Elle aide à œuvrer à créer l’atmosphère favorable qui enfantera les conditions du changement espéré. En évitant la reproduction d’anciennes erreurs, l’opposition assurera son amélioration… Etre sûr de lui sans pour autant se surestimer, le FIS a dû bosser dur, c’est indéniable, mais sans louanges et, qui plus est, il doit sans cesse prouver que cette place est la sienne. Pour cela, il ne compte que sur l’assurance qui lui est propre et repose sur ses propres possibilités. La place du FIS ne peut revenir qu’à lui seul. Il y est le mieux placé dès lors qu’il sente qu’il y a un potentiel d’évolution possible et qu’il puisse y participer, tant pour le parti que pour l’opposition. Il sortira de cette rencontre (du 10 juin 2014) comme anéanti et restauré. Parmi l’opposition, il se sent bien. Reconnu et valorisé. Donc plus motivé et enclin à s’impliquer.

Il se sent légitime par scrutin. Le fil des événements de 1962 à nos jours montrent que le FIS est la seule autorité légale depuis l’indépendance. Il a conscience de sa valeur et de ses compétences. Ce sont autant d’atouts qui plaident en sa faveur.

Au doute, s’ajoute parfois l’inquiétude, alors qu’on aspirerait à une évidence. Les déclarations à répétition de certains restent déroutantes. Vont–elles altérer la volonté de l’opposition ? Celle du FIS a l’air intacte d’après les répliques de sa direction.

S’il plait à M. Sellal de vouloir gommer le FIS de la mémoire collective à coups de déclarations fulminantes qu’il sache que ces gazouillis ont été mal perçus là où ils sont arrivés. Il ne fait que rajouter des pierres à la montagne comme l’on dit chez nous. La liste déjà assez longue des déclarations plus ou moins tendancieuses visant le FIS, et qui ne cherchent en réalité qu’à établir une culpabilité collective en ce qui concerne la pratique politique en dehors de la ligne définie par le pouvoir.

Le pouvoir dans son besoin irrationnel d’exister, multiplie ses bricolages à l’ombre de manipulations sataniques pour discréditer l’opposition. La faute à sa blessure narcissique allonge la facture de ses conséquences néfastes. Ce qui le met dans une grande fragilité qu’il compense par une assurance, en réalité factice ! A l’heure proche de sa fin, un vide existentiel peut tout à coup surgir.

Dans l’attente, le pouvoir cherchera et ne ratera pas l’occasion propice pour culpabiliser, dévaloriser, semer la zizanie… Bref, sans se lasser, il essayera de manipuler.

Pour diluer les choses le pouvoir va faire appel aux sanafirs, partis de sa création, instruments de sa stratégie, pour réaliser ses buts « démocratiquement » non pas aux yeux de la population – il la méprise – mais pour l’Occident complice. Les gouvernements occidentaux savent bien ce qui se passe chez nous. Tout se fait avec leur bénédiction et approbation. Ce ne sera qu’une pièce à conviction aux yeux de leurs peuples, de leur opinion publique.

Mu par son avidité de domination et son besoin d’autorité, le pouvoir illégitime s’octroie, pour comble d’ironie, le monopole de la violence légitime. Les dégâts causés par sa violence (« légitime ») ont mis en évidence l’insalubrité du système. En faisant le choix de la violence, le régime, croyait pouvoir régner pérennement après avoir écrasé le citoyen par l’état d’urgence : sans liberté, en proie à la peur, à l’anxiété, à la souffrance, à la haine, à la cruauté, à la violence. Tout individu est suspect de terrorisme et est capable de bénéficier de la cruauté dont seuls ses bourreaux spécialisés peuvent y prétendre. L’Etat confisqué a brutalement versé dans l’horreur des pratiques de l’apartheid : détention arbitraire, torture physique et psychologique au-delà de l’humainement tolérable. Après 25 ans de lèse-majesté, le régime a vu tous ses alibis tomber à l’eau et son illégitimité reprendre l’actualité et de l’ampleur au fil des événements. Il est utile de remarquer que le régime maintient délibérément la fragilité de la situation sécuritaire pour éventuellement servir de bouc émissaire pour botter l’alternance au pouvoir.

Nos émotions nous dominent, guident nos orientations et nous engagent dans des voies diverses. En nous soumettant à la rigueur et au verdict de la raison, nous renonçons à avoir recours à la force pour régler nos différends. Le nombre peut-être une force, mais la force n’est pas raison. Partant du principe : « la violence est humaine, mais elle ne naît pas de rien », et des différentes situations vécues à l’ombre du régime oppresseur, l’opposition n’a plus la latitude d’agir par réaction, sans initiative ni mode d’action, sinon, elle ouvre la grande porte par laquelle les manipulations du système sont non seulement possibles mais faciles. Sans armes devant la roublardise du pouvoir, démunie face à sa puissance corruptive, la rue reste, malgré tout, toute prête à donner le meilleur d’elle-même pour peu qu’elle trouve la direction capable de gérer convenablement le combat dans lequel l’opposition s’est engagée.

La non-violence est un principe non négociable : toute violence doit insinuer la manipulation ! « Nous avons choisi le politique pour éviter le recours aux armes » a déclaré une fois Cheikh Abassi. Cheikh Hachani rahimahu Allah a vu ses jours écourtés parce qu’il refusait la solution sécuritaire. Il a bataillé pour la solution politique de la crise : en tant que témoin de taille, il a été assassiné. Ceux qui ont pris les armes sont les gens poursuivis par les services d’ordre après que la torture ait signé de sa griffe le corps de centaines de citoyens. Après le putsch, s’est créée une situation nouvelle. Elle avait ses scènes nouvelles et ses nouveaux acteurs.

Solliciter la rue pour trancher le différend opposition–pouvoir, même s’il est légitime, il reste plein de dangers pour cette rue même. Sans être sûr de l’allégeance de la rue que les traquenards du pouvoir ont éreintée, certains opportunistes veulent l’entrainer dans un affrontement sans issue où elle risque de plier aux premiers pas.

Les morts, les orphelins, les veuves, les déplacés, les sans-abris (leurs maisons ont été démolies par les services d’ordre),… et tout le monde touché par « le choix sécuritaire » pour solutionner la crise en 1991 a laissé des traces indélébiles. Même la solidarité des gens entre eux a été malmenée en justice. Tout ce monde, l’opposition n’osait en parler ou y penser comme s’ils n’étaient pas algériens. Aujourd’hui, elle courtise la rue sans la moindre attention pour les souffrants des « années de braises ». Mais la détermination des masses a été plus forte et leur conscience plus aigüe. Tourner la page est facile, l’oublier est impossible. Si elle se veut efficace, l’opposition n’a pas à s’arrêter à la cause immédiate des causes, mais remonter en amont et chercher la cause première de son impuissance. Car détecter le socle de son impuissance, c’est découvrir les ressorts qui l’empêchent d’éliminer cette impuissance.

Avant de penser de faire appel à la rue, il faut prendre cela en considération et assurer aux victimes possibles l’assistance nécessaire et la protection sociale efficace et assurée contre toute mauvaise posture. Le régime ignore la rue algérienne et ne donne aucune importance à ce qu’elle pense.

Pour ceux qui misent sur la violence, la violence, n’est pas une preuve de raison, ne l’a jamais été et ne peut l’être à jamais.

Le pouvoir aujourd’hui, après la mascarade électorale et le bilan super négatif, de sa gouvernance autocratique n’est plus habilité à réglementer quoi que ce soit. Il doit réfléchir sur la manière de céder les rênes au peuple de manière pacifique afin d’éviter l’explosion sociale et ses conséquences néfastes.

Le FIS est un parti d’obédience islamique. Son devoir est d’observer la morale prescrite par l’Islam. La Fidélité aux engagements faits au peuple ne se dissipe pas avec le temps. Se ranger du côté du peuple est une option pérenne qui a besoin d’être affirmée aujourd’hui plus qu’hier. Toutes les victimes du pouvoir depuis 1990 à nos jours comptent sur son intervention et persistance mêmes celles qui ont aidé ses gouvernements et qu’il a vilement abandonnées au gré des jours. La négation des valeurs morales pousse à ne rien imposer à soi-même, à ne rien reprocher aux autres. Au nom de quoi combattre alors l’horreur, la violence, l’injustice, le terrorisme, la torture, la dictature, les génocides,…? La mouvance islamique se doit d’effacer l’image néfaste de 25 ans de pratique politique.

Ce qu’on attend du FIS, c’est qu’il nous fournisse, non pas des « mehdi-sauveurs » mais des cadres qui vivent nos valeurs. Et une pratique politique cohérente et convaincante.

Nous voulons construire un avenir pour tous les Algériens selon des idées algériennes et avec des bras algériens sous l’œil bienveillant d’Allah. Un avenir fidèle à l’esprit de Novembre 54 et à tous ceux qui ont jalonné le parcours qui mène à la liberté de la personne, du peuple, de l’Etat, à l’Etat de droit, de la justice et de la dignité.

Haj Kaddur Yagubi
18 juin 2014

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