Tony Benn, cette figure emblématique de la gauche Britannique, est mort il y a quelques jours, le 14-03-2014. Cet ancien ami des causes Algérienne, Palestinienne et bien d’autres encore, est un véritable cas d’étude. C’est ce qu’on appelle communément un homme à principes. Plus facile à dire ! Il me rappelle un certain Najashi auprès duquel des compagnons de notre prophète (Prière et salut sur lui) ont trouvé refuge. « Nul ne peut être victime d’injustice chez lui » avait rassuré le Prophète ses compagnons. Comme c’est facile à prononcer ! Combien, parmi nous musulmans, sont capables de revendiquer cette « khasla », cette vertu, en apparence élémentaire et triviale ? Les positions courageuses de Tony Benn défiant toutes les puissances colonialistes, impérialistes, expansionnistes sont connues. Il a rendu des services aux causes des musulmans plus que tous les payes Arabes réunis, et en a régulièrement et fièrement payé le prix, sans rechigner. Il en est ressorti grandi chaque fois, et même ses ennemis en témoignent. Qu’est qu’il a donc de si spécial ce British de gauchiste ?  « Pas de contrainte en religion ». Tony Benn n’est pas musulman mais semble obéir à cette directive divine du Coran mieux que beaucoup de musulmans. Peut-il par ailleurs y avoir de contrainte en doctrine ? Laissons Tony Benn répondre : « On est prêt à mourir pour une foi et prêt à tuer pour une doctrine. Là est toute la différence ».

Dans une récente et pertinente lettre adressée aux intellectuels Algériens, et publiée dans le Quotidien d’Algérie du 19-03-2014, K. Fateh déplore un discours lassant devenu inaudible auprès des citoyens et sans aucune gêne pour le pouvoir en place. Notre discours est lassant car n’étant finalement pas différent de celui du commun des mortels. Rabâchage abusif des détails symptomatiques d’un diagnostic connu et reconnu.  Nous ne cessons de rappeler que c’est le système en entier qu’il faut changer, mais nous retombons aussitôt après dans le piège du refrain des attaques spécifiques rivalisant seulement en rhétorique, pertinence et virulence. Certains se disputent les dates et responsabilités historiques des Novembristes, Messali, Boukharouba, Abane… D’autres s’acharnent sur les acteurs du moment, et se mettent à décortiquer X pour prouver qu’il est moins bête que Y, mais plus dangereux ; et que le régionalisme de Z, même imperceptible est en fait plus venimeux. Quant au gros W, il est d’accord avec tous les clans, pourvu qu’on le laisse faire des affaires. Rappelons-nous des cas de Khalida Messaoudi, Aboujerra Soltani, Merani et Benyounes, pour ne citer que ceux-là. De virulents opposants pacifiés par un tour de magie. Il est vrai qu’à postériori, on peut s’accorder à dire que ces énergumènes étaient et sont des médiocres qui ont vendu leur âme bon marché. Mais n’oublions pas qu’au début ils représentaient pour certains des modèles et leaders. Moi je ne suis même pas sûr de ma propre personne ! Comment donc faire pour changer ce système qui se perpétue et renouvelle régulièrement et aisément ses acteurs ?  Sûrement pas en se noyant dans les particularités des rôles !

Les débats et dialogues publics entre les élites sont d’une importance cruciale. Ils ne peuvent jamais être bénins. Violents, ils font peur. Impertinents, ils ne rassurent pas. Laissons parler Tony Benn une nouvelle fois : « Plus la situation politique est chaotique, plus les gens sont enclins à s’accrocher au système en place ». Drôle de situation « catch-22 ». Et ce chaos, ce n’est pas le système tout seul qui en est responsable ! Un silence d’or est mille fois préférable à un débat stérile, improductif, révélant et trahissant une tare qu’un Bennabi pourrait nommer « opprimabilité ».

Le seul débat intellectuel, digne de ce nom dans notre pays, ne peut graviter qu’autour du seul point de discorde entre les élites : Séparation ou pas de la politique et de la religion. Il s’agit certes d’un vieux thème, mais à défaut de hisser le niveau, contentons-nous d’éviter la chute libre, en attendant mieux. S’agissant d’un système mafieux, craignant de rendre des comptes, il ne saurait évidemment y avoir de débat ou dialogue pertinent ou constructif, et le changement dans ce cas n’est souvent plus des prérogatives de la plupart des intellectuels.

Même en période pré-électorale se distinguant par des joutes spécifiques, le débat intellectuel ne doit pas trop s’éloigner du thème central. Il ne s’agit nullement d’espérer clore un débat millénaire sur la laïcité. La subdivision subsistera sans doute jusqu’au jugement dernier. Mais s’il y a débat et discussion réels, de la lumière doit jaillir. Il n’y a jamais de vainqueur ou vaincu dans un débat serein et apaisé. C’est toujours la sagesse commune qui l’emporte.

Dans cet hommage à l’homme exceptionnel qu’était Tony Benn, je n’ai aucune prétention de débattre du sujet mais juste d’interpeller, à travers les qualités de ce non-musulman, nos élites sur les nombreux terrains d’entente qu’il faut dépoussiérer. Une contribution a été publiée ailleurs et est accessible à travers ces liens :

https://www.hoggar.org/index.php?option=com_content&;view=article&id=3881:science-et-influence-en-haute-ou-basse-voltige-il-suffit-de-peu-pour-basculer-par-abdelhamid-charif&catid=652:charif-abdelhamid&Itemid=36

http://faculty.ksu.edu.sa/charif/Document%20Library/Science%20et%20Influence.pdf

Abdelhamid Charif
20 mars 2014

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