«A défaut de démocratiser les institutions dés 1999, ce qui n’était pas son projet, Bouteflika aurait pu engager la modernisation du pays, rationaliser le travail des institutions», interview de Madjid Benchikh à El Watan, le 8 mars 2014.

Ce passage résume, si besoin se fait sentir, le bilan des quinze ans de règne d’Abdelaziz Bouteflika. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est difficile de dégager des points positifs d’un bilan marqué par la corruption, la hogra et les dépassements en tout genre. En outre, mis à part la clientèle du régime, les Algériens savent que les quelques réalisations sont en deçà des moyens dont dispose le pays. Evidemment, cet échec est celui d’un régime dans son ensemble. Cela dit, bien que ce soit une erreur d’imputer à un seul homme la gestion calamiteuse des Affaires du pays, l’acharnement du chef de l’Etat à vouloir rester au pouvoir, malgré une santé chancelante, risque de mettre le pays en danger.

Toutefois, ce qui est grave, c’est que 52 ans après l’indépendance, l’Algérie ne parvient pas à gérer les périodes cruciales dans la sérénité. Depuis l’indépendance, les dirigeants -mis à part la période où Mohamed Boudiaf a été à la tête de l’Etat -passent leur temps à faire le vide autour d’eux qu’à s’occuper des problèmes de l’Algérie. C’est dans ce sens là qu’il faudrait comprendre les courtisans voulant le maintien d’un chef dont la santé s’est détériorée depuis presque un an. Bien que le régime ne soit pas prêt à céder le pouvoir, la candidature de Bouteflika fausse le jeu et contraint, par la même occasion, des Algériens à se positionner pour ou contre cette candidature. Du coup, on peut dire que le scrutin du 17 avril s’apparente davantage à un référendum qu’à une élection présidentielle, digne de ce nom.

Le plus grave encore, c’est que cette candidature compromet sérieusement les chance d’une transition politique sans heurts. « Le chef de l’Etat, de surcroît diminué par la maladie, ne peut rien sans le commandement militaire, mais celui-ci ne trouve pas en son sein les capacité pour élaborer des politiques nouvelles et des réformes pour organiser le changement, encore moins une transition démocratique. C’est une crise grave du système lui-même qui, par des blocages répétés, met en péril le pays», estime Madjid Benchikh. Cela dit, les Algériens ne découvrent pas ça. Depuis 1962, les différents clans du régime sont d’accord sur une seule chose: éloigner le plus possible les Algériens de la conduite des Affaires de l’Etat. «Comme dans le conte, vous êtes portefaix : C’est là votre sort. Si vous pensez qu’ils vous ouvriront leur porte, Vous êtes bons à duper. Car celui qui, une fois, goûte à la chair de perdrix, N’en sera jamais rassasié», extrait de la chanson de Matoub Lounes.

Par ailleurs, bien que le mouvement « barakat » ne puisse pas -de par sa composante -constituer une alternative [plusieurs membres sont connus pour leur engagement antérieur en faveur de l’arrêt du processus électoral en 1992], il n’en reste pas moins que la colère contre le quatrième mandat est justifiée. Personne ne détenant le monopole de la vérité, tous les mouvements ont leur place. Mais, pour que les Algériens puissent accorder du crédit à l’initiative du mouvement « barakat », il ne faudrait pas que ce mouvement soit la succursale d’un parti politique ou qu’il reprenne l’essentiel des idées de celui-ci. De la même manière, ça serait vraiment une erreur de croire que le changement repose sur un seul mouvement, un seul parti ou une seule association. «Le système sera affaibli, si l’initiative de barakat se développe et si d’autres initiatives de même type se multiplient avec de plus en plus de précisions et de force», souligne Madjid Benchikh.

Pour conclure, il va de soi que la crise algérienne est imputable au régime. Depuis sa fondation, celui-ci a construit un pouvoir et non pas un Etat. Bien que le chef de l’Etat ait une grande part de responsabilité, la focalisation des attaques contre sa personne n’avancera pas la cause du changement. Pour être précis, le départ de Bouteflika et le maintien de la police politique ne changera pas la nature de la crise. C’est pour cette raison que la campagne contre le quatrième mandat pourrait tromper l’opinion. Un opposant à Bouteflika est-il forcément un opposant au régime? La réponse est non. Et les exemples sont légion.

Boubekeur Ait Benali
12 mars 2014

Comments are closed.

Exit mobile version