«L’habitude humour des dominés a noté que les potentats ne quittent le pouvoir que dans le cercueil», Albert Memmi, dans Portrait du colonisé.

En tentant le passage en force pour un quatrième mandat, le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, vient de confirmer ce constat. Bien que la constitution ne lui interdise pas de briguer un nouveau mandat [le coup de force constitutionnel du 12 novembre 2008 lui a ouvert la voie royale lorsqu’il a supprimé la clause limitant le nombre de mandats présidentiels à deux], force est de reconnaître que cette candidature est une insulte à l’intelligence des Algériens. En fait, son état de santé s’est tellement détérioré, depuis son AVC le 27 avril 2013, qu’il ne peut pas assumer une fonction présidentielle.

Cependant, étant donné que le peuple algérien est exclu dans le processus de la désignation de son premier représentant, ce dernier a deux choix: se coucher comme il le fait depuis au moins deux décennies ou désapprouver la manière dont il est traité jusque-là. Bien que le régime s’appuie sur un arsenal répressif, comme le montre la dispersion musclée des manifestants contre le quatrième mandat à la fac centrale, l’enjeu est tellement de taille -il s’agit de l’avenir de l’Algérie -qu’il ne faudrait pas laisser le pouvoir en décider tout seul.

De toute façon, le contraire, c’est-à-dire la désaffection du peuple, compliquerait davantage la donne. Et l’Algérie souffrira énormément, si le peuple algérien renonce à prendre son destin en charge. En effet, il faut que les Algériens sachent que la reconduction de ce système va conduire inéluctablement à vau-l’eau. Après l’échec du système Etat-DRS, il est temps que le peuple algérien -l’un des derniers pays au monde à qui on impose encore ses représentants -reprenne sa souveraineté. Comme le démontre Lahouari Addi, «la structure même de l’Etat-DRS est génératrice de corruption et de dérapages dans la lutte antiterroriste qui ont rabaissé le droit comme jamais auparavant».

Mais, entre temps, les hauts responsables se partagent tranquillement la rente pétrolière. Sinon, comment expliquer que des dirigeants, dont l’âge avoisine les 80 ans, ne veulent pas prendre leur retraite? Seuls les intérêts colossaux peuvent justifier cette longévité. A vrai-dire, ce qui les intéresse, ce sont les avantages que procurent l’exercice de leur fonction. Pour se donner de la voix, ils mobilisent une clientèle aussi vorace qu’eux. Malheureusement, c’est cette dernière qui réclame, au nom du peuple algérien, le maintien du système, à sa tête Abdelaziz Bouteflika. Dépourvus de toute conviction, les éléments composant la clientèle du régime peuvent sacrifier l’avenir de l’Algérie. Pour renforcer ce clan, on apprend qu’Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem sont de retour pour mener la campagne électorale pour le compte du chef de l’Etat grabataire.

Pour toutes ces raisons, si dans quelques jours un sursaut national ne se manifeste pas, les Algériens, par leur silence complice, participeront à la périclitation du pays. Que faut-il attendre d’un régime qui n’arrive même pas à garantir des conditions spartiates, notamment les produits de première nécessité, alors que le pays a engrangé en dix ans prés de 800 milliards de dollars? Or, si avec cette somme faramineuse Bouteflika n’arrive pas à sortir l’Algérie de son marasme [avec l’équivalent de 200 milliards de dollars, les pays de l’Europe de l’ouest, qui ont subi des destructions consécutives à la Seconde Guerre mondiale, ont reconstruit leur pays et fondé une économie solide], on ne voit pas comment il fera pour sortir l’Algérie de la crise? C’est pour ça que la seule solution réside dans la mobilisation citoyenne.

Pour conclure, il va de soi que notre pays n’a pas de chance en ayant à sa tête des dirigeants incompétents. Après avoir profité du système, ils prennent désormais le pays en otage pour ne pas rendre des comptes. Du coup, ils s’accrochent au pouvoir jusqu’à ce qu’ils rejoignent leur dernière demeure. Au passage, ils n’hésitent pas à laisser une société déchirée, et ce,  pour peu que les intérêts du clan soient garantis. C’est le propre de tous les dictateurs. Abdelaziz Bouteflika fait partie de cette catégorie. Maintenant, la balle est désormais dans le camp du peuple.   

Boubekeur Ait Benali
2 mars 2014

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