J’ai grandi et mûri. J’ai enfin quelque peu accepté. Mes révoltes ne sont plus vraiment ce qu’elles étaient. Elles s’estompent le plus souvent. Et cela me laisse vivre des périodes d’apaisement que parfois je souhaite très longues même quand les remords d’être inutile me gagnent assez. Je n’entends plus ces voix venant de mon tréfonds me dire de refuser l’injustice. Je me sens malgré quelque culpabilité moins souffrir. Je regarde avec beaucoup de distances ces images violentes des conflits que nous offrent les télévisions du monde entier. Je sais finalement que l’on soit pauvre ou riche, nous sommes tous égaux devant l’inéluctable fin un jour…

J’avais été toute ma vie un écorché vif et un grand révolté. Et cela m’avait fait si mal. J’aurai tant aimé être plus fort face aux injustices que de toujours souffrir de mes impuissances. Persister à ne pas accepter l’existence du mal aveugle assez. Longtemps je restais dans les ténèbres car comme d’innombrables d’autres petits enfants nés sous les fracas des bombes, nous vivions à manquer de beaucoup de choses, parfois sans ce strict minimum qui fait vivre. Il nous était si difficile de ne éprouver quelques révoltes même si on les taisait souvent par peurs de représailles du grand loup. Je pensais tout de même qu’en me réalisant en parachevant un jour mes études, je serai dans un grand apport pour faire reculer l’injustice dans mon pays et dans le monde. J’avais aussi en ces temps une âme de bon samaritain.

S’il y avait eu assez de réussites dans ma vie, aurais-je été moins révolté ? Je ne saurais pas y répondre encore vraiment. Je sais que mes chagrins suite à l’amour avorté m’avaient laissé dans de si grandes peines et avaient amené ma révolte à son paroxysme… me laissant chaque fois me questionner sur la fin de l’idylle.

J’avais mis du temps à comprendre tant de choses comme aussi accepter la liberté de l’autre à rester ou s’en aller. J’ai aussi accepté de me détourner des si inaccessibles belles créatures mais aussi éviter de crier en solitaire dans le désert…

Notre projet de nous émanciper des dieux n’avait duré que le temps d’un rêve.

J’ai appris à observer les autres et à me contenter de ce que j’ai. C’est peut être dans les renoncements que l’on se retrouve vraiment. Ce qui est sûr c’est qu’on ne risque pas trop de revers en se préoccupant de soi-même et en se gardant de trop s’oublier. Quand au nouvel ordre du monde injuste, il ne faut pas rester seul à s’en préoccuper !

***

Damnations

A force de manques et
Et de brimades,
Dans les silences
Les jérémiades…
Rien ne sert pourtant
De se lacérer les visages :
Rien n’arrêtera la course
Du train vers l’enfer.
 
J’aurai tant aimé contribuer
A des changements
Rien n’y fera, je n’ai nul
Remède aux malades
Mon impuissance avérée
 
Et de peur d’encore de souffrir,
Je n’entends pas mes révoltes
Et je ferme les yeux
Sur les violences dans le monde,
 
Et je m’enfonce reclus
A m’écrier : vivre qui es- tu ?
J’aimerai tant rire et pleurer,
Et chanter à tue-tête
Dans les rues…
 
Afin d’oublier une fois
Que je n’ai jamais vraiment rien désiré !
Que je n’ai vraiment rien aimé !

Amokrane Nourdine
23 février 2014 

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