« Notre pays a besoin d’un État civil qui ne soit ni sous la tutelle de l’armée ni sous l’emprise de la religion. Mais qui ne soit ni contre l’armée ni contre l’islam », extrait du discours de candidature de Hocine Ait Ahmed, le 4 février 1999.

C’est en ces termes que conçoit le chef historique, Hocine Ait Ahmed, son projet pour l’Algérie. En tout cas, depuis l’ouverture politique en 1989, il ne cesse d’exhorter les Algériens à s’éloigner des extrêmes. En 1999, bien que les conditions ne soient pas complètement réunies, le rêve commençait à prendre forme. Après le retrait du général Zeroual des Affaires, beaucoup d’Algériens ont cru à une véritable chance de changement. Car, depuis l’indépendance, jamais une élection présidentielle n’a suscité autant d’engouement. En dépit du verrouillage politique, pratiqué sans concession par le régime, la présence des personnalités respectables à ce scrutin a laissé présager une sortie de crise. « Il [Zeroual] s’est même voulu exemple historique en avançant une seule et unique justification à son retrait anticipé : la nécessité de l’alternance au pouvoir. Le chef de l’État-major a repris à son compte cette explication. Il a assuré lui aussi que le scrutin serait libre », argue Hocine Ait Ahmed ce qui le motive à participer au scrutin présidentiel.

Mais, avant de développer les arguments de participation, l’un des plus probes des hommes politiques algériens revient sur la période de sept ans de guerre civile, imposée contre leur gré aux Algériens. En fait, depuis l’arrêt du processus électoral, l’Algérie est plongée dans une crise indescriptible. Résultat des courses : plus de 200000 de nos compatriotes payent de leur vie la lutte pour le fauteuil. Encore une fois, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, l’approche autoritaire du parti vainqueur aux élections législatives de décembre 1991 ne différait guère de celle du régime. Mais, quitte à vivre sous la tyrannie, autant que ce soit celle que le peuple a choisie. Cependant, pour tromper l’opinion nationale et internationale, les auteurs du coup d’État de janvier 1992 s’engagent à préserver la « démocratie ». C’est ainsi, par exemple, qu’en novembre 1995 le régime va imposer son candidat, alors que les partis représentatifs se sont réunis à Rome, quelques mois auparavant, pour trouver l’issue à la crise politique algérienne. Pour Hocine Ait Ahmed, le régime « nous avait vendu une élection présidentielle à la place de la paix. On nous a fait croire qu’un chef d’État serait plus fort pour ramener la paix et la stabilité s’il était élu par le peuple et s’il y avait des pouvoirs constitutionnels très importants. » Très vite, la crise au sommet de l’État balaye son chef. Dans le fond, cette solution a juste permis la consolidation du régime.

Mais, cela suffit-il à résoudre la crise politique ? En refusant de se soumettre à la volonté populaire, les clans du régime se livrent des batailles sans pitié. En fin de compte, le dernier mot revient au responsable dont le clan est le plus influent. Bien que le général Zeroual argue son départ du pouvoir pour permettre l’alternance, dans la réalité, ce départ est dû à un désaccord. Ce fait, selon Hocine Ait Ahmed, n’est pas nouveau pour en Algérie. « Depuis octobre 1988, les crises succèdent aux crises. Aucune de ces crises à répétition n’a jamais été mise à profit pour changer de cap. Notre pays ne compte plus les occasions perdues », dit-il. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que chaque occasion ratée enfonce l’Algérie dans la crise.

Connu pour son combat en faveur d’une Algérie débarrassée de toute tutelle, Hocine Ait Ahmed, comme c’est le cas des autres candidats libres, saisit la balle au bond en s’y engageant dans la bataille électorale. Du moins tant que la parole donnée par le chef de l’État sortant n’est pas remise en question. « Certes, je nourris toujours beaucoup de scepticisme sur la volonté des décideurs d’accepter les résultats du suffrage universel. Mais comment rester les bras croisés quand on perçoit dans la société les prémices d’une dynamique politique qu’on a de tout temps encouragée? Quand nos positions sont mieux comprises?», déclare-t-il devant les milliers de militants présents à la salle Harcha. Toutefois, pour que ce changement devienne possible, il faudrait que les Algériens mettent les mains à la pâte. D’après Hocine Ait Ahmed, « la reprise et la réussite de la transition démocratique ne sont pas, ne peuvent pas être, l’affaire d’un homme ou d’un seul parti. C’est l’affaire de tous les Algériens, de nous tous. »

Contrairement à ceux qui promettent monts et merveilles, l’emblématique chef historique se contente d’une seule promesse: « me battre avec vous et ensemble pour reconstruire le pays que nous laisserons à nos enfants.» Enfin, pour le candidat du FFS, la solution réside dans l’engagement des Algériens à reconquérir leur souveraineté bafouée. Pour y arriver, Hocine Ait Ahmed souhaite que la conjugaison des efforts aboutisse d’abord à stopper la violence en Algérie. En effet, cette spirale infernale dure depuis sept ans. Mais, précise-t-il, cette sortie de crise ne doit pas se faire par une partie d’Algériens contre une autre partie. « L’élection présidentielle peut et doit constituer l’occasion pour amorcer cette dynamique de paix et de réconciliation nationale. Seul un compromis historique mettra fin au processus de destruction de notre pays. Seul, il permettra de rassembler toutes les forces politiques qui condamnent la violence autour d’une issue politique, pacifique et globale de la crise », suggère-t-il. Hélas, le régime n’entend pas faire de cette élection un moment d’union nationale en faveur d’une Algérie apaisée.

Pour conclure, il va de soi que la voie proposée par Hocine Ait Ahmed est nécessaire pour sortir de la crise. Si le peuple algérien avait voulu réellement s’emparer de son destin, un homme de la stature de Hocine Ait Ahmed aurait servi de guide. Ce n’est pas le cas. Mais dans le contexte de l’époque, que vaut l’action politique quand ceux qui détiennent les rênes du pouvoir ne croient qu’à la violence? Malheureusement, malgré les promesses du chef de l’État sortant et malgré les engagements du chef de l’État-major, l’issu du scrutin de l’espoir ne différera pas des précédents. Homme de conviction, Hocine Ait Ahmed set retire, en compagnie des cinq autres candidats, de la compétition. Quinze ans après, le régime ne pense qu’à des fausses élections pour assurer sa pérennité.

Boubekeur Ait Benali
4 février 2014

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