La partie qui se joue actuellement en Égypte est d’une importance cruciale. Le coup d’État militaire a plusieurs objectifs mais le plus important est de mettre fin définitivement au processus de démocratisation enclenché avec le « printemps arabe ».

Il s’agit de faire comprendre à la rue, aux peuples de la région, à travers le peuple égyptien, qu’ils n’ont plus à se mêler de la vie politique et que leurs voix ne comptent plus. L’idée même des peuples qui, sortant dans la rue font tomber des régimes illégitimes, qui, participant aux élections élisent leur représentant, qui au fond, décident de leur destin, cette idée, pourtant au cœur des systèmes démocratiques, est remise en cause dans la région. Pour les occidentaux, le « printemps arabe », le « processus de démocratisation » tant souhaité dans le monde arabe, avait un coté sympathique, une valeur commune universelle, et par conséquent avait obtenu, naturellement, le soutien des opinions publiques occidentales. Pas une seule nation occidentale, n’a osé qualifié officiellement, ce qui s’est passé en Égypte de « coup d’État »,alors qu’il parfaitement évident, et ils le disent en privé, qu’il s’agit bien d’un coup d’État militaire.

Aujourd’hui, ces mêmes occidentaux, USA et Union Européenne en tête, habitués à traiter avec des dictateurs faibles, sans assise populaire et sans légitimité, n’arrivent pas à « sauter le pas » et à s’habituer à des dirigeants légitimes, qui défendent les intérêts de ceux qui les ont élu. Ils préfèrent, et de loin, les nouveaux et anciens putschistes, les roitelets et émirs, les généraux de pacotille, tous, totalement illégitimes, rejetés par leurs peuples et face auxquels, ils obtiendront, avec facilité, toutes les concessions possibles.

Aux cotés des occidentaux, on retrouve, les pires dictatures du moment en dehors de la Corée du Nord : L’Arabie Saoudite et les Émirats Arabe Unis. Ces deux régimes, qui ne respectent ni droit de l’homme, ni liberté publiques, qui emprisonnent à tour de bras les opposants et les défenseurs des droits de l’homme, ces régimes engagés dans une lutte vitale pour eux , « contre la démocratie » se retrouvent dans le même camps que les démocraties occidentales, en soutenant ostensiblement le coup d’État en Égypte. Ils y déversent des milliards de dollars pour soutenir les militaires. Ils ont un seul objectif : mettre fin à « l’ingérence des peuples » dans la vie publique. Faire comprendre, une fois pour toute, en tous cas pour plusieurs décennies, que les peuples n’ont rien à décider, que la démocratie ne fonctionne pas dans la région, qu’elle engendre l’instabilité et le chaos. En bloquant le processus de démocratisation dans la région, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabe Unis ainsi que les autres dictatures encore en place, y compris la Syrie de Bachar Al-Assad, ne pensent qu’à sauver leurs régimes respectifs.

Cette « alliance » entre les occidentaux qui prônent la démocratie et l’exerce chez eux et les régimes dictatoriaux qui combattent toute idée démocratique est inédite dans l’histoire.

Avec une différence de taille. Les uns, les dictatures locales, affichent clairement leur rejet de la démocratie et des libertés, alors que les autres, les occidentaux, chantent matin et soir les vertus de la démocratie et donnent des leçons au monde entier. Le cynisme dans toute sa laideur!

Yahia Bounouar
19 juillet 2013

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