Chadli est décédé ce samedi 6 octobre. Et comme il se doit la religiosité cérémonielle républicaine invite à rendre hommage. Comme si de rien ne fut.

Beaucoup de ceux qui saluent son « œuvre » et sa mémoire se recrutent parmi :

1- les milieux affairistes, corrupteurs et corrompus, ces prévaricateurs qui aujourd’hui nous parlent doctement de libéralisme, « d’économie de marché irréversible », de libre entreprise et d’ouverture vers l’abîme, les fortunés de l’import/import qui ont détruit l’industrie nationale, mais qui refusent que l’on enquête sur l’origine de leurs richesse ;

2- les islamistes doctrinaux et terroristes qui n’ont rien à voir avec l’Islam et veulent subordonner le pays, qui n’a jamais consenti à la subordination depuis plus de 2000 ans, en faire une province (des larbins de larbins) entre les mains du féodalisme du Qatar et de l’Arabie Saoudite ;

3- les régionalistes ârchiques ou zaouiatiques de tout acabit habités par des mythes et des haines tenaces, pressés de fonder sur des légendes factices des Émirats locaux et d’ouvrir des ambassades d’Israël, les « démocrates du samedi soir » qui intellectualisent notre abaissement, coincés entre « Unique monolingue » et miroir aux alouettes…

On peut aussi y ajouter la démocratie des bavards professionnels (largement indemnisés) qui peuplent les gradins d’une assemblée d’émasculés.

Enfin tous ceux qui – peu ou prou – ont applaudi à la destruction politique et économique du pays, des lâches (les chacals que raillait Cheikh el Anka) qui s’appliquent à tuer les Hommes par-delà la mort. C’est plus facile maintenant qu’ils ne sont plus là.
 
Chadli a été à la tête qu’un régime qui le rapproche plus du souvenir d’un Sadate (soucieux d’effacer Nasser) que celle d’un chef d’Etat au sens ordinaire du mot. Au reste on devrait plus évoquer de « régime Chadli » que la personne de Chadli. Ce dernier n’a jamais pu donner l’image d’un acteur politique responsable de ses actes, mais davantage celle d’un homme de paille, d’un pantin agité par une clique pressée de détourner les richesses du pays et de subordonner l’Algérie à des intérêts étrangers.
 
En un mot, c’est à partir de cette époque que l’Algérie a cessé d’être elle-même, fidèle à son histoire et à des principes universels qu’elle partageait avec les hommes du sud de ce monde, pour devenir ce pays incolore, inodore et sans cap, flou sur la photo, que nous avons du mal à identifier aujourd’hui.
 
Jamais la souveraineté du pays n’avait été autant menacée que sous Chadli. Malgré les efforts, vains à l’évidence – de Boudiaf ou de Zeroual.

Le bilan du régime Chadli a un passif si abominable qu’il n’est pas évaluable.
 
1- Abandon de la planification (comme instrument de mise en ordre et de prospective de notre économie) ;
2- déficit commercial ;
3- déficit budgétaire ;
4- fuite considérable de capitaux (notamment via les « PAP » Programmes Anti-Pénurie) ;
5- endettement – dont on se demande à ce jour où sont passées les sommes empruntées – à l’origine de la crise économique à la suite du contre-choc pétrolier après 1986 ;
6- chute de l’investissement public (inutile de parler d’investissement privé local ou étranger qu’on attend toujours) ;
7- perte de souveraineté au bénéfice d’organismes financiers internationaux ;
8- une économie informelle qui a atteint des proportions considérables (le « bazar » que condamnent, tout en l’entretenant, les clowns que nous avons à la tête du pays) ;
9- déboumédienisation forcenée qui a étêté les entreprises nationales et les administrations publiques ;
10- perte grave du sens de l’État et de l’intérêt public ;
11- dégradation de l’image du pays d’abord auprès de ses propres concitoyens et vis-à-vis de l’étranger.
 
L’Algérie de Chadli a déjà été condamnée par l’humour populaire se gaussant de la « tête de choux fleur », de « l’analphabète trilingue » ou de « l’Algérie de H’lima »…
 
Plus qu’un homme c’est toute une théorie de scélérats (certains d’entre eux sont décédés, mais d’autres encore en vie) qui devrait rendre des comptes des décisions qui ont abouti à la catastrophe terrible que le peuple algérien a connue et à celle qu’il connaîtra à nouveau si l’on continue à gaspiller les biens de la nation au lieu de nous occuper du seul investissement qui vaille : la formation de notre jeunesse et le développement de notre économie, en commençant par l’industrie.
 
Au lieu de confier nos réserves à des banksters ou à des gouvernements insolvables.
 
Certains, sans rire, évoquent des projets ubuesques : de placer nos sous au FMI, le Fonds – récemment présidé par un violeur – qui a fait le malheur de notre économie et de notre peuple. D’autres nous conseillent d’imiter le Qatar et « d’investir » dans des entreprises européennes (minoritaire privé, cela va sans dire, sans droit à la décision).
 
Qui ose prétendre que le Qatar est un pays ?
 
Au lieu d’attendre les mirages de l’investissement étranger ou de l’initiative privée (de rien) qui grenouille et spécule à l’ombre de la rente et qui n’a qu’une unique ambition : faire de l’économie algérienne une succursale de sous-traitants, une clique de preneurs d’ordres insérée dans le réseau mondialisé de la prédation. Il sera temps pour certains ensuite de rejoindre comptes off shore planqués, femmes et enfants et le reste de la tribu des « pirates des Caraïbes ».
 
Comment dès lors ne pas comprendre l’hommage qu’ils rendent à Chadli ?
 
C’est sous son régime que ces parasites impénitents ont proliféré et prétendent ès qualité gouverner aujourd’hui notre destin.
 
L’apparente stabilité de l’Algérie actuelle tient à la fois au refus du peuple de toute aventure similaire à celle qu’il a connue dans les années 1990. On ne l’y reprendra plus. Elle tient aussi à l’envolée du prix des hydrocarbures et aux chutes de tables auxquelles consentent les autorités pour ne pas risquer des jacqueries dangereuses pour leurs affaires.
 
Elle tient surtout à l’annulation de la résultante des forces opposées qui s’affrontent, avec en arrière fond un consensus (momentané ?) entre les occidentaux – atlantico-sionistes – et les monarchies golfiques. Ce consensus contre-nature dérive sans doute des incertitudes liées:
 
1- aux guerres perdues en Afghanistan et en Irak ;
2- au sort de la Syrie, du Hezbollah et de l’Iran ;
3- au destin du Pakistan et de sa bombe ;
4- à la résistance de la Russie poutinienne ;
5- à ce qu’il adviendra des révolutions populaires en Tunisie et en Egypte, ainsi que des fronts non encore complètement fermés en Libye, au Soudan, au Yémen, Bahreïn, Jordanie et même chez nos voisins marocains.
 
Inutile de revenir sur les autres crises globales – économiques, financières et commerciales – qui persistent et menacent l’ensemble de la planète. Les excédents golfiques jouent le rôle de joker ad hoc à discrétion.
 
Condamner Chadli ? On ne condamne pas ce qui a été condamné par l’histoire.
 
Je ne recommande une seule peine : oublions l’homme et souvenons-nous de la leçon.
 
Djeha
7 octobre 2012

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