« Si vous donnez au mendiant 5 Frans vous retarderez la révolution de cinq ans » (El Mahdi Ben Barqua)

L’on a beaucoup posé la question du changement de manière globale, c’est-à-dire un changement qui n’exclut pas un seul secteur, un seul domaine, un comportement ou une tradition archaïque usée, susceptible d’être un frein ou un obstacle devant la modernité. Cependant, ce changement se pose tellement comme un impératif qu’il n’est plus lieu de le considérer comme un lieu commun ou un luxe inutile, au contraire, il représente surtout au temps actuel, la planche de salut. Il est à rappeler que cette transition qui jusqu’à présent n’a pas vu le jour, voie de prédilection de la société, doit être en profondeur, émanant du tréfonds des  individus formant le même groupe social.  «  Dieu ne change pas la situation d’un peuple, (qawm) jusqu’à ce qu’ils changent eux-mêmes ». Le peuple algérien n’est pas à la traîne par rapport aux autres pays arabes, ni décalé du contexte révolutionnaire de son l’époque. Ce n’est pas la conscience du peuple qui détermine leur existence sociale, mais c’est leur existence sociale qui détermine leur conscience, a précisé Karl Marx. C’est l’existence d’une situation totalement similaire entre les peuples arabes qui a amené à cette situation explosive appelant de plus en plus à une sortie honorable de cette crise morale et sociétale. Elle doit se terminer pour le moins que l’on puisse dire par l’introduction progressive d’une démocratie et d’une justice sociale.  En effet, ces peuples sont tous sortis du même contexte, ils étaient tous d’une manière ou d’une autre victime d’une colonisation directe ou indirecte. Ils ont été  l’aboutissement d’un processus de lutte interminable contre les différents occupants jusqu’à se légitimer par la suite à travers la révolution et l’action armée. Par conséquent, l’esprit révolutionnaire est toujours intact, autrement dit, si le peuple algérien ne se révolte pas, cala veut dire qu’il n’a rien appris du message de novembre 1954. L’Algérie ne sort pas du contexte actuel où le changement taraude les esprits, au contraire, elle doit suive, voire assumer son destin aussi semblable aux autres pays de la région. Seulement, la révolution est faite en Algérie et l’on assiste à l’essoufflement progressif de la verve révolutionnaire, celle-ci n’a fonctionné qu’une seule fois, l’on a bien constaté ses lacunes. Consacrées durant la période pots-indépendante à la construction du pays et au développement national, toutes les révolutions ont échoué, la révolution industrielle, la révolution  agraire, etc.  Toutefois, il y a une distinction avérée selon les spécialistes entre les pays à révolution et d’autres à formation, c’est pourquoi, il était préférable pour l’Algérie,  spécialement durant la période post-indépendante de se consacrer à une réforme approfondie ayant pour but de continuer sa marche vers le progrès économique et l’émancipation sociale que de s’accrocher désespérément à la verve révolutionnaire gonflée au maximum par un populisme stérile. L’exception de l’Algérie, terre de révolution par excellence, a fait en sorte que cette même révolution a changé de camp, selon plusieurs point de vue, nous avons assisté au sortir de colonialisme au détournement de son essence même. À force d’accaparement du pouvoir à travers un esprit néo-patrimoniale tout à fait décalé par rapport aux règles démocratiques, le peuple avec toute ses couches sociales confondues, s’est senti marginalisé, exclu, privé de sa part de consubstantialité dans un processus du développement approprié à ces conditions sociales, il est resté par conséquent  mobilisé prêt à un soulèvement même spontané sans le programmer ou l’organiser politiquement.  Les revoles  se sont sucées sans commune mesure, le printemps berbère, le soulèvement d’Octobre et même les grèves de janvier 2011 se sont synchronisées avec celle de la Tunisie et par la suite l’Égypte et le reste du Monde Arabe. La varie exception algérienne cette fois, est la coïncidence heureuse ou malheureuse entre la révolution arabe avec l’augmentation des prix des hydrocarbures, les caisses de l’État étaient bien remplies. L’usage maléfique de la rente cette fois, a fait en sorte de corrompre le peuple afin d’épargner le pouvoir d’une fin véritablement tragique. La rente a calmé les esprits. Elle a reporté la révolution à une date intérieure car elle a permis au pouvoir, qui avait compris qu’il ne pouvait se maintenir aux affaires qu’en créant des allégeances et s’assumer de l’aliénation de ses sujets.

La dépravation mutuelle entre l’État et le peuple est devenue une règle d’or, sinon un moyen de s’épargner de la colère du peuple et éviter une révolution radicale et éradicatrice contre le régime et ses soubassements car, il s’est avéré clairement que mêmes les puissances occidentales allié durable du régime Algérie peuvent à tout moment changer de camp, le seul garant de la stabilité de n’importe quel pouvoir est bien évidement sa réconciliation avec son propre peuple. D’ailleurs l’Algérie risque de payer  sa position confuse vis-à-vis des autres révolutions arabes car bénies de l’Occident, cela s’est manifesté dans sa façon de soutenir le régime Khadafi notamment l’accueil de sa famille sur le sol algérien sous-prétexte humanitaire alors que les centaines de milliers algériens ont péri sous les décombres durant les années 90 sans la moindre considération de l’Etat.

Enfin, le régime d’Alger très habile à se métamorphoser avec les circonstances internationales, a su comment développer sa stratégie pour se maintenir aux affaires, l’argent de pétrole aidant, ce dernier a ressui pour un temps à dissuader des pans entier de la société à travers la distribution de la rente. Sur le plan extérieur, ce dernier reste encore longtemps tant qu’il est garant des intérêts occidentaux. En effet, l’Algérie signe des contrats avec les multinationales sur des concessions de gaz et de pétrole, les importations de France sont maintenues, les réserves de change du pays sont mises à la disposition de l’Europe et des USA, l’armée algérienne collabore « dans la lutte contre le terrorisme » avec les services secrets américains, un prétexte, qui, tant qu’il existe, leur donne un moyen avéré pour justifier leur présence militaire dans la région,  en outre, l’instabilité de la région fait tourner l’industrie de l’armement (à travers ses commandes qui se chiffres en milliards de dollars).

Comme nous avons pu le constater grâce aux câbles diplomatiques du site Wikileaks, les américains connaissent bien l’Algérie et ses rouages politiques.  C’est pourquoi, ils peuvent certainement prévoir des scénario possibles : D’abord, si le pouvoir algérien arrive à se maintenir aux commandes du pays en contrôlant toujours la situation interne, les États-Unis, la France et les autres, insisteraient surement à obtenir des garanties concernant leurs intérêts de la part de la nouvelle équipe qui remplacerait celle dirigée par les deux hommes forts du régime, à savoir le président Bouteflika et le patron du DRS Toufik alias Mediène.

Si un soulèvement populaire non armé se déclenchait en Algérie comme en Tunisie et en l’Égypte, et qu’une partie de l’armée se désolidarisait du régime algérien (et qui fort probable), cela obligerait les États-Unis de soutenir la rue et lâcher le pouvoir, les puissances occidentales tenteraient de placer leurs hommes dans le nouveau gouvernement afin de préserver leurs intérêts.

Enfin, le troisième scénario, qui est la hantise des américains, et qu’ils feront tout pour éviter qu’il ait lieu, du moins pas dans le contexte actuel, c’est de voir l’Algérie sombrer dans une guerre comme en Libye parce que le pouvoir en place, pris d’une folie suicidaire comme Kadhafi, opterait pour la politique de la terre brûlée. Pour des raisons économiques d’abord, une guerre en Algérie serait un gouffre financier pour l’Alliance du nord. Aussi, l’Otan ne peut pas faire face à un nouveau front ouvert, alors que la Libye n’est pas encore pacifiée.

Hammou Boudaoud
8 septembre 2011

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