L’heure est à l’extrême vigilance. Nous vivons un moment historique. Le « peuple » comme sujet philosophique de l’histoire inaugure une ère nouvelle pour la Tunisie. Ce retour du « Peuple » sur la scène historique est l’évènement philosophique par excellence qui changera la donne dans le monde arabe et dans le monde. Ces dernières décennies, contre les théories philosophiques comme le peuple manque, le peuple est un concept abstrait, une masse anonyme, ou des groupes sociaux animés par des intérêts opposés ou chacun cherche, à travers les médias, une existence spectaculaire ;  le peuple tunisien se dresse comme un seul corps,  dans une révolution pacifique, à mains nues, animé par une volonté commune, par un idéal commun, pour insuffler dans le corps du monde un nouvel espoir : le peuple est de retour.

Il l’a démontré en Tunisie. Il était la locomotive de la contestation. Les partis politiques étaient à l’arrière scène. Les pays voisins, les dictatures arabes et leurs défenseurs en Occident préfèrent t l’existence d’une avant-garde qui s’approprie la voix du peuple pour ensuite s’approprier ses richesses.

Et c’est pour cette raison que nous sommes dans l’urgence. Car une contre révolution a commencé la veille pour voler au peuple tunisien sa victoire. Une milice organisée pratique la politique de la terre brûlée pour semer la terreur dans la population et brandir devant elle la menace d’un avenir chaotique pour l’amener à désirer la stabilité. Lui faire sentir que son geste héroïque –son désir d’émancipation,  n’est qu’un saut dans l’inconnu, un acte aventurier et quelque soit les manquements du système précédent,  il est préférable au chaos qui vous attend.

Les bandes organisées et leurs commanditaires dont l’émancipation des peuples leur fait peur crée la terreur pour que la population ne désire que la stabilité (la tranquillité). Le désir révolutionnaire du peuple se transforme pour ne désirer, en priorité,  que le  retour à la stabilité. C’est-à-dire faire sien le désir de la minorité prédatrice de l’ancien système et ses défenseurs dans le monde.

Le désir du peuple tunisien est un désir révolutionnaire. La révolution dans son essence est éthique. Le peuple tunisien inaugure une nouvelle ère pour l’humanité. Face à la mondialisation qui dessine la nouvelle configuration du monde, le peuple tunisien démontre que le peuple est encore le sujet historique.

Nous sommes dans l’urgence. L’urgence de refuser qu’on vole au peuple tunisien le trésor qu’il vient  de créer et dont les peuples du monde sont les héritiers. S’il ya un miracle tunisien c’est celui-ci. La renaissance du peuple comme sujet historique.

Mahmoud Senadji
15 janvier 2011

4 commentaires

  1. Tunisie-Algerie
    « L’effet domino » que j’appelle de toutes mes forces devrait nous permettre de finir ce que nous avons commencé en 1988. Les tunisiens ont eu le courage et la volonté d’achever tout le processus en une seule fois.

  2. On ne vole pas les Rêves d’un peuple.
    Spolier le peuple de ses droits fondamentaux et de ses libertés publiques les plus élémentaires, détourner le patrimoine commun légitime de ce peuple, au bénéfice de la seule minorité dirigeante, çà, les dictatures savent y faire. Et elles le font bien et sans état d’âme.
    En revanche, il me semble difficile que ces dictatures de malheur puissent confisquer un Rêve ou voler une Révolution. Or, ce qui se passe en Tunisie aujourd’hui, relève à la fois du Rêve et de la Révolution.
    Qui aurait osé parier en effet, il y a seulement quelques semaines, que Tunis, la capitale arabe qu’on disait la plus « sécurisée », au point qu’elle était devenue le siège permanent des réunions de nos courageux ministres arabes de la répression – et de l’Intérieur, accessoirement – allait, à l’issue de cette journée mémorable journée du Vendredi 14 Janvier 2011, devenir le symbole du « beginning of the end » pour nos dictatures roturières et nos dynasties ordurières.
    La chute sans gloire du criminel Ben Ali, sa fuite honteuse et son acceptation des conditions humiliantes de son asile en Arabie, nous donne une certaine idée du degré d’avilissement et de lâcheté de ceux qui nous gouvernent. En revanche, la victoire du bon peuple tunisien vient rappeler avec éclat, à tous les autres peuples arabo musulmans, que la souveraine recette pour abolir les dictatures criminelles réside dans deux mots magiques : la volonté et le sacrifice. Que nos frères tunisiens soient remerciés ici, pour avoir pour avoir réussi à briser et mettre à nu, en l’espace de quatre semaines, l’un des régimes policiers les plus criminels de l’histoire des pays arabes, pourtant pas chiches en tortionnaires, en kidnappeurs et en tueurs de toutes espèces. Et je fais ici référence en particulier à mon pays l’Algérie, dont tout le monde connait par le menu, les crimes de la « décennie noire » commis par les généraux putschistes et les pillages en termes de milliards de dollars, de la décennie « foire » commis par l’équipe de Bouteflika et son entourage.
    L’Intifadha tunisienne qui se déroule encore sous nos yeux, parce qu’elle est le fait spontané d’un peuple dans la totalité de ses composantes sociales, exprimant subitement son ras-le-bol, au terme de plus de 23 ans de dictature, cette Intifadha dis-je, ne peut qu’être un phénomène historique transcendant, annonciateur d’autres Intifadhas.
    Bien entendu, les régimes totalitaires en place ne feront ce constat quant à eux, qu’à la seconde précise où les masses populaires débouleront dans les quartiers résidentiels surprotégés pour venir scander à mains nues et poitrines offertes aux balles de leurs mercenaires, toute la haine qu’elles éprouvent pour les dictateurs, pour leurs crimes, pour leur corruption, pour leur trahison. En proclamant haut et fort, sous les fenêtres de leurs palais, leur volonté farouche de leur faire rendre gorge.

  3. Ne soyons pas crédules !
    Nous serons tenus au rang des crédules si, nous jugeons que les observatoires spécialisés ne seront pas d’une manière ou d’une autre préparés et organisés l’après Ben Ali.

    En 2009, basé sur un discours qu’il avait livré à Chatham House à Londres, M. Zbigniew Brzezinski a publié un article dans la revue académique International Affairs, où il analyse les grands défis géopolitiques de l’administration Obama dans la gestion de l’État hégémonique mondial en cette période critique. Dans cette analyse Brzezinski fait référence à l’« éveil politique mondial » comme un « événement véritablement transformateur sur la scène planétaire »

    Brzezinski explique l’évolution de l’« éveil politique mondial » des temps modernes : « Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’aujourd’hui au 21e siècle, la plupart des populations des pays développés sont politiquement agitées et effervescentes à de nombreux endroits. Il s’agit d’une population excessivement consciente de l’injustice sociale, comme jamais auparavant, et souvent pleine de ressentiment face à la perception qu’elle a de son manque de dignité.

    La jeunesse du Tiers-monde est particulièrement agitée et rancunière. La révolution démographique qu’ils incarnent constitue dès lors elle aussi une bombe à retardement politique. À l’exception de l’Europe, du Japon et des États-Unis, l’expansion rapide du gonflement démographique dans la tranche d’âge des 25 ans et moins crée une masse énorme de jeunes gens impatients. Leurs esprits ont été agités par des sons et des images émanant de loin et qui intensifient leur mécontentement face à leurs préoccupations. Leur fer de lance révolutionnaire potentiel émergera probablement de la tonne de millions d’étudiants concentrée dans les institutions d’enseignement de « niveau supérieur » des pays en voie de développement. Provenant généralement de la classe moyenne inférieure, socialement dépourvue d’assurance, et embrasés par un sens d’indignation sociale, ces millions d’étudiants sont des révolutionnaires en devenir, déjà partiellement mobilisés en grandes congrégations, connectés par Internet et pré-positionnés pour une reprise de ce qui a eu lieu des années auparavant à Mexico ou sur la place Tiananmen. Leur énergie physique et leur frustration émotionnelle n’attendent qu’une cause, une foi ou une haine pour se déclencher.

    L’entreprise coloniale qui a maintenu le régime au pouvoir est très habile, ses méthodes sont imperceptibles, elle a l’art de changer d’attitude selon les besoins de sa tactique, de maîtriser les changements si bien que nous dit Malek Bennabi : quel que soit votre rapport avec elle, celui de la « servitude et de la soumission » ou de la « haine et de révolte », en définitive elle saura s’adapter pour vous neutraliser et vous paralyser.

    Face à ce défit intelligent et puissant, Malek Bennabi nous dit : la lutte et la riposte appropriée ne peuvent être que dans une prise de conscience d’abord dans le but et ensuite dans les moyens. Le comment et le pourquoi dans cette lutte restent les seuls éléments qui doivent guider les actions.

    • « « Brzezinski explique l’évolution de l’« éveil politique mondial » des temps modernes : « Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’aujourd’hui au 21e siècle, la plupart des populations des pays développés sont politiquement agitées et effervescentes à de nombreux endroits. Il s’agit d’une population excessivement consciente de l’injustice sociale, comme jamais auparavant, et souvent pleine de ressentiment face à la perception qu’elle a de son manque de dignité. » »

      Je vous signale une coquille dans la traduction c’est de pays « sous-développés » qu’il s’agit et non de pays « développés ».

      Pour parler du fond, je vous accorde tout à fait, que « ceux d’en face » – ainsi que vous le rappelez si bien, en vous référant au regretté Malek Bennabi, – n’en finiront jamais en effet, de redéployer et d’adapter les moyens d’une Croisade qu’ils n’ont jamais cessé de mener contre la Oumma de l’Islam.
      « « Face à ce défit intelligent et puissant, Malek Bennabi nous dit : la lutte et la riposte appropriée ne peuvent être que dans une prise de conscience d’abord dans le but et ensuite dans les moyens. Le comment et le pourquoi dans cette lutte restent les seuls éléments qui doivent guider les actions. » »
      Cependant, et sans avoir la prétention de faire l’exégèse de Malek Bennabi, je pense personnellement que c’est surtout dans une « prise de conscience » suraigüe, profonde et permanente de la Oumma, sur les enjeux majeurs qui l’interpellent que réside son Salut. Cette prise de conscience constitue en soi, le plus efficace des moyens.
      إن الله لا يغير ما بقوم حتى يغيروا ما بأنفسهم

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