La condamnation de Tarek Aziz, ancien ministre des AE et vice-Premier ministre d’Irak, à la pendaison semble obéir à la méthode de la “justice du vainqueur”.  Celle de l’Amérique qui, après l’invasion de l’Irak et la mise en place d’un gouvernement provisoire, avait aussitôt érigé un tribunal fantoche pour juger les responsables baathistes de Saddam qu’elle a pourtant bien soutenus, avec la France et les pays du Golfe, durant la guerre avec l’Iran pour contrer la révolution iranienne.

Sous occupation, toutes les condamnations ne pouvaient se prononcer que sur décision de l’occupant. Même les crimes dans lesquels Saddam et son cercle restreint étaient coupables, leur jugement demeure illégal dans le contexte d’illégitimité des institutions. En effet, quelle légitimité leur donner dans une situation de mainmise sur le pays, de chaos et de non-gouvernance. Dans ce climat, la condamnation par une “haute cour” de T. Aziz s’apparente, à s’y méprendre, à un lynchage juridique pour des raisons de vengeance politique, et qui curieusement survient après plus de dix ans d’occupation.

Rappelons que T. Aziz — âgé de 74 ans, seul chrétien du gouvernement de Saddam — s’était volontairement rendu en 2003 aux autorités militaires américaines croyant être en sécurité et sûrement assuré de n’avoir rien à se reprocher. Il avait été remis au gouvernement de Maliki après 7 ans de détention. Son avocat, qui ne cessait de recevoir des menaces, avait confié qu’Aziz lui avait dit : “Je suis sûr qu’ils vont me tuer.” Malgré 2 jugements et peines de prisons totalisant 22 ans — pour son rôle dans l’exécution de 42 commerçants en 1992, dans les exactions contre les Kurdes chiites dans les années 1980 —, le voici condamné à nouveau, mais à mort, pour son rôle dans la répression contre les chiites avec pour motif “son rôle dans l’élimination des partis religieux” que le tribunal assimile à un “crime contre l’humanité”.

De nombreux analystes jugent ces accusations infondées dans la mesure où ces crimes étaient commis par le cercle restreint de Saddam qui contrôlait les forces de sécurité dont il ne faisait pas partie. Les défenseurs d’Aziz accusent la cour d’agir au nom de Maliki sur instruction de Washington dans le but de détourner l’attention après la diffusion par WikiLeaks de documents américains secrets dévoilant le massacre de civils et la torture pratiquée par les forces de sécurité américaines et irakiennes. T. Aziz serait, de plus, le témoin privilégié détenteur de secrets — dans les négociations au sujet de la guerre Irak/Iran, dans les tractations qui avaient servi à l’Amérique d’intervenir au Golfe persique après l’invasion du Koweït — compromettant des élites américaines. Il n’occupait pourtant que la 43e position sur la liste des 55 Irakiens recherchés.

Suite à cette condamnation tardive, les réactions dans le monde sont unanimes pour la qualifier de politique qui cache une volonté de l’Irak de régler ses comptes. L’ONU, l’Union européenne, le Vatican et certains autres Etats et organisations ont demandé aux autorités irakiennes de ne pas mettre à exécution le jugement en réclamant un recours en grâce. Seul le gouvernement Obama garde un silence coupable. Les Arabes, quant à eux, restent, à ce jour, officiellement muets. La Russie espère que le conseil présidentiel irakien “n’admettra pas l’application de la peine de mort”. Son ministre Sergueï Lavrov pense que “cela ne contribuera guère à améliorer l’atmosphère en Irak…”. M. Franco Frattini se dit prêt à se rendre à Bagdad pour empêcher l’exécution. Son fils, Ziad, a dénoncé une vengeance qui prouve “la crédibilité des informations de WikiLeaks”. Quant à T. Aziz, tout en refusant de faire appel, il a prédit qu’il allait mourir en prison à cause de son âge en souhaitant son inhumation en Jordanie.

Observons qu’entre le 25 et le 31 octobre se sont déroulés des évènements et faits qui se coïncident curieusement : la justice qui a rendu son jugement 2 jours après la mise en ligne sur le site WikiLeaks, la prise d’otages de fidèles dans l’église catholique Notre Dame de Bagdad qui s’est soldée par un bilan de 53 morts et la série de 11 attentats, coordonnés, avec ses centaines de morts et de blessés. Il y a comme une volonté d’imputer ce chaos aux musulmans alors que dans la stratégie des Américains pour le “Grand MO” et celle des sionistes pour le “Grand Israël” figurent, selon des spécialistes, des desseins de divisions (entre Chiites, Sunnites, Chrétiens, Arabes et Kurdes). Ainsi, le pouvoir en Irak serait bien avisé s’il prenait en considération cette forte présomption.

Amar Djerrad
11 novembre 2010

Article publié dans le quotidien Liberté

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