Il avait à peu près 18 ans. Je ne savais pas encore compter à l’école primaire coloniale. Mon oncle Maamar, que ses copains appelaient « tire-boulettes », aimait jouer dans le quartier au ballon, allègrement. Je le voyais souvent sauter, crier de joie. Je savais qu’il m’aimait beaucoup.

Un jour, en sortant de l’école, il était dos au mur de la gendarmerie, et un capitaine le tenait en joue en lui criant : « Toi, tu as des yeux de terroriste ».

Mon oncle me fit signe de rentrer. Que s’était-il passé après ? Je n’en savais rien.

Le jour de ma circoncision, j’étais assis sur ses jambes dans ma gandoura. Et lorsque le vieil homme me coupa, ma mère m’arracha de ses mains. Des soldats français, mitraillettes aux poings rentrèrent brutalement et nous dirigèrent tous vers le marché : une foule nombreuse était là, toute la population du village. On était resté là certainement des heures.

A chaque attaque des fellaghas, mon oncle pestait de ne pas être à leurs côtés ; on n’avait pas encore accepté son enrôlement. Et l’heure arriva enfin pour lui ; on le soumit à l’épreuve et il s’en alla les rejoindre. Il prit du galon dans l’armée de libération nationale (ALN) et aurait pu survivre à la guerre.

Quand je m’inquiétais de son absence, ma mère me répétait que malgré l’injustice, il aurait fallu qu’il reste à nos côtés. Blessé  au ventre dans un accrochage à Tazrout (amas de pierraille au dessus de Boghni), un agent double aux cheveux gris lui donna de l’eau à boire, ce qu’il ne fallait pas faire, et les secours de l’ALN ne purent rien pour lui.

En ces temps, des jeunes qui ne voulaient que vivre s’étaient sacrifiés car révoltés par l’ordre colonial et les exactions de l’armée française.

Nourdine Amokrane
30 juin 2010

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