Après l’échec de l’équipe de France de football, tout le microcosme politico-médiatique s’est déchaîné contre une partie, assez clairement définie, des joueurs de cette équipe. Ce microcosme qui, entre rencontres mondaines et tribunes de presse, passe son temps à vomir sur les banlieues, les Noirs, les Arabes ou/et les musulmans, vient de trouver un nouvel exutoire à sa haine atavique : les footballeurs « nègres » ou/et « mahométans » issus de milieux populaires.

Pour ces tristes sirs l’échec de l’équipe de France est devenu l’occasion rêvée pour développer leur rhétorique néo-coloniale. Car sur le fond le football, sport sur lequel ils n’ont rien à dire, n’est qu’un prétexte pour assener un discours qu’ils ont construit depuis des années pour parler des banlieues, de l’islam ou des minorités éthno-culturelles.

Certains n’ont d’ailleurs fait que réitérer les attaques racistes qu’ils avaient déjà proférées contre certains joueurs de l’équipe de France. En novembre 2005, Alain Finkielkraut déclarait au journal israélien Haaretz, que « l’équipe nationale est aujourd’hui « black-black-black », ce qui en fait la risée de toute l’Europe ».

Après l’échec de l’équipe de France, Finkielkraut ne pouvait louper cette occasion pour une nouvelle fois insulter certains joueurs de l’équipe de France. Sur Europe1, il déclarait : « Nous avons la preuve effarante que l’équipe de France n’est pas une équipe, c’est une bande de voyous qui ne connaît qu’une seule morale, celle de la mafia (…) aujourd’hui on a plutôt envie de vomir avec la génération caillera ».

Celui qui a défendu à corps et à cris un homme accusé d’avoir violé une mineure âgée de 13 ans, a explicité son propos dans la presse écrite : « On a voulu confier l’équipe de France à des voyous opulents et pour certains inintelligents ». Il a conclu en se disant « atterré mais pas étonné ». En effet, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un pseudo-philosophe, enfermé dans une sorte de peur obsidionale de voire les « barbares » détruire son monde basé sur la suprématie de l’Occident, crache sur une équipe qu’il avait déjà insultée lorsqu’elle avait des résultats satisfaisants. L’échec de l’équipe de France fut juste l’occasion pour Finkielkraut de déverser une veille haine qui est plus liée à l’origine des joueurs qu’à leurs résultats sportifs.

De même, il n’y a rien d’étonnant à retrouver ce type d’analyses préconstruites dans la bouche d’un certain nombre de journalistes. La présentatrice de BFMTV, Ruth El Krief, s’est demandée si les problèmes rencontrés par l’équipe de France n’étaient pas « liés à des tensions ethniques entre blancs, et là j’ouvre les guillemets, et « musulmans » ? ». L’inénarrable Eric Zemour a décrit une équipe divisée en « clans ethniques » où trois « caïds », musulmans convertis, Anelka, Ribéry et Abidal, imposeraient « leurs lois ».

Cette offensive en règle contre les banlieues, les Noirs ou/et les musulmans ne s’est pas limitée aux cercles « mondains » qui tiennent les médias. Différents membres du gouvernement jusqu’au président français y sont allés de leurs commentaires.

La ministre de l’Economie, Christine Lagarde, s’est dite « consternée ». Selon elle, porter le maillot des Bleus donne une « responsabilité », celle d’être « le meilleur possible », et un « devoir d’exemplarité ». Valérie Pécresse s’est interrogée : « Comment voulez-vous que des jeunes respectent leurs professeurs s’ils voient Anelka insulter l’entraîneur? ». Le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Eric Besson, qui n’a pas hésité à expulser des étrangers en « situation irrégulière » dans un pays en guerre, a affirmé : « Se rendent-ils compte de l’image qu’ils renvoient ? (…) Ils ont une responsabilité pédagogique par rapport aux jeunes. A l’étranger, tout le monde se moque de nous ».

Malgré son implication et celle de son épouse dans une affaire financière liée à la gestion de la fortune de Liliane Bettencourt, Eric Woerth a pris le temps de qualifier de « spectacle pitoyable » les agissements des joueurs de l’équipe de France.

Présente en Afrique du Sud pour pouvoir être associée à une victoire, si victoire il y avait eu, la ministre de la Santé et des Sports, Roselyne Bachelot, a affirmé que « l’indignation des Français est grande ». A l’assemblée nationale, celle qui a nommé son fils, Pierre Bachelot diplômé de l’Institut supérieur des Arts de Paris, à la direction générale de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, a insulté « certains » joueurs de l’équipe de France en les qualifiants de « caïds immatures ». Rama Yade a demandé une « formation civique » pour les joueurs.

En déplacement en Russie, le président français connu pour l’élégance de sa langue, « casse toi pauv’con », a qualifié les propos de Nicolas Anelka « d’inacceptables ». Apparemment le président de l’« identité nationale » méconnait l’adage du « terroir » français voulant que « charité bien ordonnée commence par soi-même ». Nicolas Sarkozy s’est-il excusé après avoir prononcé ces insultes ? A-t-il été exclu du gouvernement ? Les membres de son gouvernement l’ont-ils rappelé à ses « responsabilités » et à son « devoir d’exemplarité » ?

Evidement non car nous assistons uniquement à des gesticulations hypocrites d’hommes et de femmes de pouvoir et d’argent qui utilisent certains joueurs de l’équipe de France comme déversoir de leur idéologie néo-coloniale servant à justifier leurs propres forfaitures.

D’ailleurs le fait qu’un membre du gouvernement ait été reconnu comme raciste par la justice française ne semble pas gêner le moins du monde ses collègues ministres si prompts à donner des leçons de « conscience civique » et de « morale » ? On aimerait voir autant d’ardeur politique et journalistique à dénoncer Brice Hortefeux, Ministre de l’Intérieur, qui a été condamné, le 4 juin 2010, par le Tribunal correctionnel de Paris à 750 euros d’amende pour injures à caractère raciste, 2000 euros de dommages et intérêts, avec publication du jugement dans un journal qu’à clouer au pilori des joueurs qui, crime suprême, n’ont pas obéi aux ordres.

Visitant un township comme d’autres visitent un zoo, la caution ethnique du gouvernement a-t-elle expliqué aux Sud-Africains qu’elle était membre d’un gouvernement dont un membre a été condamné pour racisme ? Dans un pays qui a vécu l’apartheid, voilà surement un fait « ternissant » bien plus l’image de la France – si elle peut encore être ternie en Afrique après l’esclavage, la colonisation et la politique néo-coloniale depuis les années 1960 – que n’importe qu’elle défaite footballistique ou que n’importe qu’elle entraînement annulé.

Le fond du problème se situe bien au niveau du racisme et de l’idéologie coloniale régnant en France et non dans les contre-performances d’une équipe de football. Car que reproche le microcosme politico-médiatique aux joueurs ? D’avoir perdu ? Ce n’est pas la première fois qu’une équipe de France rate une coupe du monde et certaines n’ont même pas réussi à atteindre les phases finales.

Il leur est surtout reproché ne pas être de bons français, pas assez « patriotes », de ne pas chanter la Marseillaise. Au final, pour ce microcosme politico-médiatique ces joueurs ne correspondent pas à l’idéal type du sportif devant représenter la France parce que trop noir, trop musulman, venant de milieux trop populaires. C’est un véritable procès en indignité de représenter la France qui vient d’être intenté à certains joueurs et à travers eux à des millions d’habitants de ce pays. Noir, musulman, originaire de Trappes, Nicolas Anelka avait le profit idéal pour fournir une cible privilégiée.

Après cet échec de l’équipe de France, à entendre les discours mettant systématiquement en avant les joueurs blancs issus des classes moyennes et supérieures, il est très probable qu’un « blanchissage » forcé de l’équipe de France soit organisé afin de répondre aux angoisses d’un pouvoir politique et aux attentes d’un certain public. Visiblement l’Afrique du Sud qui a inspiré la France est bien celle d’avant Mandela…

Youssef Girard
30 juin 2010

Source : www.emarrakech.info

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