Entre les débats sur l’« identité nationale », la loi sur le voile « intégral », les apéros racistes arrosés au « pinard » et huilés au saindoux, les polémiques « OASsistes » sur un film, en France, tout ce qui se rapporte de près ou de loin aux « arabes », à l’islam, à l’Algérie ou à l’immigration maghrébine est devenu le prétexte à l’épandage collectif d’un lisier de haine nauséabond. Contre le nouvel ennemi intérieur, l’idéologie coloniale française se déverse à longueur d’articles de presse, d’émissions de radio, de journaux et autres documentaires télévisés. La coupe du monde de football, avec la qualification de l’équipe d’Algérie, ne pouvait pas échapper à cette atmosphère générale.

Dans son édition du 13 juin 2010, le quotidien Libération a pu se servir de l’équipe d’Algérie comme d’un nouveau déversoir. Le lendemain, l’article a finalement été retiré du site de Libération et le quotidien a présenté ses « excuses » aux « personnes qui se sont senties atteintes par cet article ». La seule explication donnée par Libération à la publication de cet article nauséabond fut sa volonté de rendre compte du match de l’Algérie de façon « originale, voire humoristique ». Un peu comme leurs amis font preuve d’un « humour original » lorsqu’ils prennent des accents grotesques pour faire des « imitations ».  

Faisant étalage de sa vulgarité, Matthieu Pegot, l’auteur de l’article « humoristique », a pu qualifier le match  d’« un peu chiant, un peu con ». Mais c’est contre les joueurs algériens qu’il a déchaîné sa plume. Le physique des joueurs ou leurs qualités de footballeurs furent mis en cause en des termes volontairement insultants. Avec ses « seins » et son « ventre », Bougherra aurait « le parfait attirail du videur de night-club » alors que Halliche serait « un honnête joueur de pétanque ». De même des paraboles sexuelles, sans grand rapport avec le football, ont servi à « décrire » le jeu des joueurs algériens puisque Ghezzal aurait fait « l’éjaculateur précoce ».

Elément dont tout le monde connaît l’importance capitale pour bien jouer au football, les coupes de cheveux des joueurs algériens semblent avoir particulièrement inspiré Matthieu Pegot. Yebda est qualifié de « blond platine, DJ », Chaouchi aurait été sommé « de faire n’importe quoi avec ses cheveux » et Ziani « devrait commencer par éviter cette coupe de cheveux vomitive ».

Les commentaires les plus violents ont été adressés à Belhadj et à l’entraîneur Rabah Saâdane. Sur le premier Matthieu Pegot écrit que « né dans le Jura, formé à Lens, déformé à Gueugnon, le gaucher a échappé à ce que la prédestination voulait lui offrir : une vie de raté ». Alors que derrière Rabah Saâdane, c’est tous les Algériens que Matthieu Pegot insulte : « Survêtement, casquette, moustache pour le sélectionneur. La trilogie du blédard. Noiera son chagrin dans un verre de Selecto ».

Evidement, l’équipe Slovène n’a pas eu à subir de déversement de commentaires « originaux » et « humoristiques » car derrière le football c’est bien à un épandage d’idéologie colonialiste que l’article de Libération a donné lieu. Le quotidien a fini par s’excuser mais le fait qu’un article de cet acabit ait pu être publié montre la position hégémonique de l’idéologie raciste et colonialiste dans la presse française. Cette position est telle que la rédaction de Libération a eu besoin d’attendre les réactions de ses lecteurs et de la presse francophone algérienne pour s’apercevoir que cet article contenait des propos totalement inacceptables.

Cependant, la haine que suscite l’équipe d’Algérie et les joueurs qui la composent, n’a rien d’étonnant. Outre le climat politique régnant en France, le fait que les joueurs algériens soient majoritairement des fils d’immigrés est un élément supplémentaire d’hostilité. Les nationaux-républicains assimilationnistes ne supportent pas que ces « ingrats » aillent jouer pour le « pays de leurs parents » alors qu’ils sont nés en France. Par cet « affront », les joueurs algériens remettent en question l’idéologie assimilationniste de la France « black, blanc, beur » qui n’est que la version post-coloniale de l’Empire aux trois couleurs promu au temps des colonies.

En décidant de jouer pour l’Algérie, ces footballeurs ont fait un choix politique heurtant de plein fouet l’idéologie assimilationniste ; idéologie officiellement imposée par l’Etat français aux immigrés et à leurs enfants. Contre cette politique assimilationniste reposant sur la dépersonnalisation et la francisation, ces joueurs ont fait le choix de l’Algérie. Cela remet en cause toute une idéologie politique qui fait de la francité l’horizon supérieur et indépassable du fils d’immigré. Ne nous y trompons pas, dans la France des débats sur  l’« identité nationale », de la loi sur le voile et plus généralement de la criminalisation de l’islam et des musulmans, c’est bien cette remise en cause qui est à l’origine d’une telle hostilité.

Youssef Girard
18 juillet 2010

Les «sales notes de l’Algérie»

L’Algérie, qui retrouvait la Coupe du monde après vingt-quatre ans d’absence, a démarré sa compétition par un match un peu mou, un peu chiant, un peu con, qui s’est conclu par une défaite face à la Slovénie (0-1). Un par un, la note des gars, sur 10.

Chaouchi : 4. Le gardien de l’ES Sétif est surnommé Higuita en référence à son côté spectaculaire et à ses prises de risque débiles dans le jeu au pied. C’est sans doute aussi le fantôme de la légende colombienne qui l’a sommé de faire n’importe quoi avec ses cheveux. On se demande en revanche qui a bien pu lui conseiller de tartiner ses gants de margarine (0-1, 79e).

Bougherra : 7. Il a des seins, du ventre et un sacré coup d’œil, soit le parfait attirail du videur de night-club. Voilà sans doute pourquoi Novakovic, habitué à foutre le bordel sur le dancefloor des défenses adverses, a fait les frais du physionomiste défenseur des Glasgow Rangers. Le Slovène s’est fait recaler à l’entrée des dix-huit mètres algériens à chaque fois qu’il s’y est présenté.

Halliche : 5. Un coup de boule qui aurait pu libérer les siens (36e), puis rien de bien excitant. Un honnête joueur de pétanque, pas plus.

Yahia : 4. Flippant, rassurant, flippant, rassurant, flippant… Yahia, yo-yo.

Yebda : 7. Blond platine, DJ ! Le régulateur du jeu algérien, c’est lui. Il ambiance, donne le ton, balance le beat, oriente le jeu. Meilleur joueur de son équipe, facile.

Lacen : 5. A côté du fluorescent Yebda, il n’y avait que de la place à l’ombre dans l’entrejeu algérien. Lacen en a fait les frais.

Kadir : 5. Il a des joues beaucoup trop grosses, c’est une certitude. Et une technique assez bonne qui invite à se demander ce qu’il fout à Valenciennes. Remplacé par Guedioura (82e).

Belhadj : 6. Né dans le Jura, formé à Lens, déformé à Gueugnon, le gaucher a échappé à ce que la prédestination voulait lui offrir : une vie de raté. Suffisamment brillant dans son couloir gauche pour éclipser son coéquipier Ziani et s’imposer comme l’un des meilleurs Fennecs.

Ziani : 3. Si un leader doit montrer l’exemple, alors Ziani devrait commencer par éviter cette coupe de cheveux vomitive (rasé autour, brun à la racine, jaune dessus). Puis troquer son pantacourt pour un vrai short. Après, seulement, l’ancien Marseillais pourra penser à jouer.

Djebbour : 4. Peu à son avantage dans un rôle ingrat de pivot, il a été remplacé par Ghezzal (58e), lequel a fait l’éjaculateur précoce : un carton jaune quatorze secondes après son entrée en jeu pour tirage de maillot (59e), puis un deuxième pour une main volontaire complètement conne (73e).

Matmour : 3. Ceux qui n’ont pas fait arabe LV2 ont de bonnes raisons de croire que «homme invisible» se dit «Karim Matmour». Remplacé par Saïfi (80e).

Rabah Saâdane : 10. Survêtement, casquette, moustache pour le sélectionneur. La trilogie du blédard. Noiera son chagrin dans un verre de Selecto.

Matthieu Pecot (envoyé spécial à Polokwane)
Libération du 13 juin 2010

Les «excuses» de Libération

L’article que nous avons consacré dans nos éditions d’hier à l’équipe d’Algérie a choqué certains. Il ne s’agissait en aucun cas de blesser quiconque, mais de rendre compte du match des Fennecs d’une façon que nous pensions, à tort, originale, voire humoristique. C’était du 150e degré, inintelligible. Nous nous sommes plantés. Nous présentons nos excuses à toutes les personnes qui se sont senties atteintes par cet article.

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