Des Turcs et des Algériens se sont retrouvés embarqués dans la même galère de la flottille humanitaire sauvagement agressée par l’armée sioniste. Cette soudaine crise internationale a agi comme un puissant séisme révélateur de la cartographie des failles politiques algéro-turque, et de la résistance des fondations de leurs pouvoirs et de leurs Etats.

Alors que la Turquie est à l’intersection des profondes failles actives sismiques et politiques du bassin méditerranéen eurasiatique et eurarabe, la position géo sismique de l’Algérie est située sur les failles eurarabe et eurafricaine.

L’Algérie et la Turquie sont autant responsables que tous les pays riverains de la Mer Méditerranée du respect du droit et de la sécurité de la navigation dans les eaux internationales, et de la sécurité de leurs ressortissants.

Après l’agression, le premier ministre turc Erdogan est monté spontanément et solennellement au créneau pour faire entendre la voix de la Turquie, dans un discours au Parlement turc d’une force surprenante qui restera dans les annales mythiques de l’Empire Ottoman. La Turquie a de solides institutions et va demander des comptes à son «allié» israélien. Ce crime ne restera pas impuni.

Par contre, l’Algérie officielle, qui n’entretient aucune relation avec l’entité sioniste, est restée muette. Bouteflika n’a eu aucune réaction d’amour propre dans les rangs du sommet France-Afrique auquel Sarkozy l’avait «prié» d’assister personnellement. On s’étonne d’ailleurs qu’il ait été le seul chef d’Etat maghrébin à écouter cette prière.

On n’a pas entendu un seul mot du premier ministre algérien, à part le commentaire de son porte parole du parti sur le «refus de surenchère et d’exploitation commerciale de la question palestinienne». Quant au ministre des AE, il s’est contenté de parler à l’avion qui a rapatrié les humanitaires algériens, interdits de se rendre à Gaza et «expulsés» par Tel Aviv.

Qu’il semble loin le temps où l’Algérie de Boumediene et Chadli, soutien majeur des palestiniens, claironnait des discours menaçants, rompait des relations diplomatiques, envoyait des soldats sur le front, coupait les robinets de pétrole, provoquait des crash politiques et pétroliers, …

L’Algérie de Bouteflika et Ouyahia n’a aucune force de dissuasion et ne fait peur à personne. Son absence totale de résistance et de réaction à cette inadmissible agression israélienne fait craindre le pire sur son effondrement en cas d’autres secousses plus fortes.

Dès le lendemain de l’agression, le Gouvernement Provisoire de Kabylie de Ferhat Mhenni a été autorisé par Sarkozy à être créé sur le sol français, alors que le siège de Bouteflika au sommet de Nice était encore chaud. C’est une offense gravissime à l’Algérie.

Bien qu’accueilli en Algérie sur le ton de la rigolade et la désinvolture, cette initiative des autonomistes risque de se transformer en un groupe armé, à l’exemple des kurdes de Turquie, et risque aussi de provoquer un douloureux «droit d’ingérence humanitaire» en Kabylie, comme pour Gaza.

La vieillesse et l’immobilisme de la classe politique, y compris en Kabylie, nous entraînent vers un délire cauchemardesque d’humiliations.

Les stratèges du pouvoir algérien, s’il en reste, devraient vite se réveiller et agir pour renouveler les fondations de l’Etat avec une armature plus solide bâtie sur des ancrages historiques et populaires plus profonds.

Saâd Lounès
8 juin 2010

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