Une seule constante, un seul objectif, j’y suis, j’y reste : autopsie du maintien au pouvoir.

S’il y a une constante, qui, par définition même, fait l’unanimité parmi les diverses composantes et tendances du peuple, c’est que la situation en Algérie est au plus mal, une crise multidimensionnelle que tout le monde décrie, secret de polichinelle me dira-t-on. Là n’est pas la question. S’agit-il d’une situation récente ? Loin s’en faut. Le marasme est aussi vieux que l’est le système en place depuis le recouvrement formel de l’indépendance du pays, une indépendance qui déjà tronquée de la souveraineté effective, s’est vue à ses toutes premières heures confisquée par les maquisards de la 13ème heure.

En fait cette déliquescence qui ronge la pays n’est rien d’autre que la conséquence logique d’une obstination démentielle d’un système décidé à ne pas lâcher prise quoi qu’il en coûte, soit en usant de son savoir-faire primaire, et préférentiel , en l’occurrence la répression pour mater tout mouvement ou ébauche de mouvement de contestation, qu’il soit de revendication sociale, économique, culturelle ou politique, ou alors, se sentant sous la menace et la pression de l’ère du temps et des demandes pressantes de « démocratie », opère à chaque brise de contestation, un semblant de changement, une sorte de fuite en avant, dont le but final, est une manœuvre d’anticipation visant à avorter les véritables projets de changement qui pointent à l’horizon.

A ce stade là, le pouvoir fait en général usage de coup d’Etat préventif, sous différents euphémismes dont il détient les bonnes recettes, dénaturant la réalité du mal, le confinant à un problème de personne, dont le changement, par une énième figure, restituée du grenier des apparatchiks, serait capable de résoudre le problème. Cette réalité a été « éloquemment » relevée par l’un des chefs de gouvernements, un apparatchiks de service, désignés après le putsch, en l’occurrence Belaid Abdesslam, qui dans ses mémoires intitulés « Chef du gouvernement : 8 juillet 1992 – 19 août 1993 » déclare, après son éviction cela s’entend, que : « On a éliminé un Président pour faire croire à notre peuple qu’on avait compris son message à travers ses votes et qu’on allait effectuer les changements qu’il souhaitait, en vue de redresser les torts qui avaient engendré sa révolte. En fait, on n’a enlevé le Président en place que pour mieux poursuivre sa politique. Autrement dit, on a fait du Président Chadli Bendjedid une simple victime expiatoire dans le but d’exorciser le mécontentement engendré par sa politique… ».

Le pouvoir recourt aussi à la confection d’une panoplie de nouvelles constitutions, qui même façonnées à la mesure du nouveau intronisé, se retrouvent bafouées en premier lieu et encore par ce même monarque de la république.

Le constat de la situation du pays est unanime : l’Algérie s’enfonce, un peu plus chaque jour. Les chances de son salut deviennent de moins en moins évidentes, et comment ne le seraient-elles pas, quand on réalise le degré de putréfaction pluridimensionnelle qui ronge le pays. Il n’est pas nécessaire d’être expert pour prendre acte du mal qui mine les différents secteurs de ce marasme, mais on se contentera pour l’instant, de mettre le doigt sur la situation économique, l’une des conséquences de cette faillite totale dans la gestion du système, qui à elle seule aurait justifié sous d’autres cieux non pas le limogeage des responsables de ce forfait, mais leur traduction devant des tribunaux pour crime contre la nation et dilapidation des biens de l’Etat.

Si l’évaluation de la faillite de ce secteur est plus aisée, c’est parce qu’elle est plus qu’éloquente, se prêtant plus facilement aux standards quantitatifs. Les indicateurs macroéconomiques sont plus que révélateurs. Et pour cause, les hydrocarbures, cette richesse inestimable, un don du ciel, après un demi-siècle d’indépendance, constitue encore plus de 95% de nos exportations. Près d’un demi-siècle de gestion, sous le drapeau d’une Algérie indépendante, on reste encore tributaire dans 95% de nos besoins, des richesses extraites de nos sous sol. N’est-il pas légitime de nous demander alors, que produit-on, en dehors du pétrole et du gaz, sous le règne de présidents providences, durant prés de 50 ans ? Sommes-nous en droit de prétendre être une nation indépendante souveraine et avant-gardiste? D’un autre côté, l’Algérie, pour cette même période dépend encore, et pour la majeure partie de ses besoins alimentaires et d’autres biens de consommation et de première nécessité, des produits d’importation, après avoir bradé les quelques secteurs encore productifs, agricole et textiles particulièrement. De quel développement ose-t-on parler !

Partant de ce constat, non seulement économique, mais généralisé à tous les niveaux de gestion, tout le monde s’accorde à la conclusion de la nécessité du changement. La divergence ne se situe pas sur le plan du diagnostique de déliquescence de l’Etat, et de sa gestion désastreuse, ni sur sa gravité ; le point de vue diffère par contre sur la manière à suivre pour opérer ce changement.

A ce niveau se dégagent deux grandes tendances, subdivisées elles-mêmes en variantes selon l’approche des uns et des autres. C’est-à-dire entre ceux qui croient que le changement est possible de l’intérieur des rouages mêmes de ce système, et en collaboration avec ce système, quitte à afficher un profil bas et accepter ses règles. Et ceux qui sont arrivés à la ferme conviction, que le changement ne peut s’opérer de l’intérieur d’un pareil système, et ce, à la lumière d’un demi-siècle de gestion de ce système et des multitudes tentatives de changements de l’intérieur, toutes vouées à l’échec. Les adeptes de la deuxième approche sont loin d’être des chantres de l’exclusion, mais leur conviction d’opérer en dehors et sans ce système, se trouve justifiée, et renforcée, d’une part , par le constat du péril grandissant, à une échelle alarmante, dans lequel se trouve le pays, conséquence de la gestion de ce système, et d’autre part de la dérive de compromission dont se sont rendus coupables les adeptes de l’approche intra système, qui tout en donnant une légitimité à ce système se rendent complices de la pérennisation de la crise et de la déliquescence du pays.

Fallait-il donc attendre près d’un demi-siècle pour réaliser qu’un pouvoir issu de la violence, dont les fondements essentiels reposent sur la violence et sur l’accaparement des outils de cette violence pour se maintenir et briser tout mouvement de contestation ou velléité de changement, fallait-il attendre autant pour réaliser que le changement ne peut s’opérer de l’intérieur de pareil système ? De même, il n’était nullement nécessaire d’être « branché » pour savoir que ce pouvoir était capable des pires pogroms et autres carnages pour briser pareils desseins. Ne l’a-t-il pas d’ailleurs prouvé, en 1965, 1988, 1991, 1992 et jusqu’à ce jour ? Une vérité aussi banale qu’implacable, exprimée platement par l’un des hauts responsables de ce même système, l’ancien secrétaire général du Parti unique, feu Messadia, qui lors d’une rencontre avec un groupe d’étudiants, leur signifia d’une manière on ne peut plus claire, que s’ils voulaient le pouvoir, il devraient, selon lui, l’obtenir au bout du fusil, « Fouché » selon ses propres termes », tout comme ils l’ont eux-mêmes arraché des griffes du colonisateur, selon ses dires. N’est ce pas très révélateur de la nature de ce pouvoir et de la nature du seul changement auquel il croit ?

L’occasion de revenir sur ce sujet, en l’occurrence, des modalités de changement du pouvoir et de la gouvernance, nous est imposée une fois encore par la reconduction du président-roi, pour un troisième et énième mandat au Palais d’El Mouradia, reconduction contre laquelle sont venus se briser tous les espoirs crédules, et où toutes les illusions ont fondu comme neige au soleil.

Apres la fête et les fanfares, les portraits géants, d’un culte d’une autre époque, les rideaux sont tombés, et nous voici devant un constat pathognomonique, révélateur de la nature inhérente de ce pouvoir. Cette nature s’est étalée au grand jour, malgré la manipulation dont use ce pouvoir et abuse, de la panoplie d’élections simulacres, qui sont sensées représenter les outils du changement et de l’alternance, élément intégral à la notion même de la démocratie et de la bonne gouvernance.

Malgré tous ces subterfuges, se dévoile jour après jour ce visage hideux et sanguinaire. Car comment est-il seulement possible, de concevoir, ne serait-ce qu’un instant, qu’un pouvoir qui fait de la violence son fer de lance, puisse accepter le principe même de l’alternance pacifique, qui signifierait, purement et simplement, la fin de son hégémonie, et de sa raison d’être !

Malgré tout cela, certains y ont quand-même cru, ou bien voulaient-ils bien y croire. Bon nombre, pour des raisons inavouées, voyaient la possibilité de changer ce pouvoir progressivement, en œuvrant de l’intérieur même de ce système, et en acceptant « l’ordre établi » par ce système et ses règles du « Jeu ». Chacune de ces forces, adeptes du changement de l’intérieur, armée de sa perception des choses et de sa philosophie, menant sa bataille pour convaincre, qui le voudrait bien, du bien-fondé de son approche.

Pour plus de clarté, on essayera, plus loin dans cet essai, de passer en revue quelques unes de ces approches, sans s’attarder sur les motifs des uns et des autres ni sur leurs intentions, de même qu’il faut souligner de prime abord, que cette « immixtion » participative qui prône l’intra changement, s’est faites à différents degrés et selon différentes manières, avec pour même finalité : essayer de changer l’ordre établi.

Seulement, alors que les adeptes de l’intra changement croyaient en leur pouvoir d’influencer ce système et « lui imposer » la nécessité de lâcher du lest, et d’accepter un partage, c’est ce système qui en réalité s’est « servi » de ces comparses, exploitant la naïveté des uns et la cupidité des autres, prouvant ainsi sa capacité, en faisant la preuve à plusieurs reprises, de faire mue complète, sous la contrainte des aléas du temps, se tapant des looks mis à jour, en diapason avec les exigences de l’époque, à même de lui permettre de pérenniser son pouvoir sous différentes couleurs et discours, mais sans changer d’un iota, sa constante immuable, maintenir la réalité du pouvoir entre ses mains, dans un fouillis de vitrines « politiques bigarrés » au fil des années, au rythmes de coalitions bâtardes et de cooptation des courants des plus insolites et surréalistes pour la plupart, présents dans les harems de ce système et sans présence aucune sur le terrain.

Des compositions des plus incongrues, le plus souvent en contradiction avec les racines mêmes du peuple, et parfois avec les choix et orientations « affichées » du système même, sans que ce dernier n’éprouve ou n’exprime le moindre état d’âme ou ne fasse le moindre mea culpa sur ses cooptations contradictoires précédentes, pour dire que la seule constante, est et restera l’accaparation de la réalité du pouvoir, sous n’importe quel obédience, quelque soit le nom ou autre fronton.

L’alchimie des cooptations bâtardes

Avant de passer en revue, en troisième partie de cet article, les principales « catégories » des forces qui faisaient, du moins dans leur déclarations, du devoir de changement leur leitmotivs, adeptes de la composition avec le système en place, il est important de relever un fait remarquable, à savoir le point de rencontre, une sorte d’intérêt partagé, entre d’une part un système qui fait de son maintien, un sacro-saint, et dont la seule constante de pratique politique, comme l’a si bien relevé Me Abdennour Ali-Yahia, est constituée par sa maîtrise de la fraude électorale, et d’autre part, aussi bien cette myriade d’entités fantoches qui a choisi de s’intégrer à ce système et de composer avec, et ceux qui avaient d’autres motifs, inavoués pour la plupart, mais dévoilés avec le temps.

1) Concernant le pouvoir, il est un secret pour personne son opposition, plus, sa haine viscérale vis-à-vis de toute tendance ou mouvement de changement effectif, opérant en dehors de ses rouages, et partant de là, il est aisé de comprendre l’étendue et la force de feu, de fer et d’intrigue utilisée par ce système pour avorter ces mouvements (1), qui sont les seuls à même d’exprimer réellement la voix du peuple. Une conviction dont s’est fait le système une raison, depuis les élections de décembre 1991, et pour laquelle ce système ne cesse de « jurer » et proclamer ne jamais plus tolérer pareils événements, évidemment, en usant pour se justifier, les euphémismes en vogue pour faire avaler la pilule, du genre « lutte contre le terrorisme », « l’obscurantisme », « l’islamisme radical », et tout y passe, instrumentalisant en passant la lutte contre le terrorisme internationale menée par l’administration US.

2) Quant aux « forces » ayant accepté de faire partie du harem, elle sont arrivées de leur côté à cette quasi certitude, qu’il était plus que certain l’impossibilité de glaner des strapontins dans l’enceinte des seigneurs, par le biais d’une consécration populaire, vu l’absence totale de la confiance du peuple en ces partis de sous-traitance, raison pour laquelle ils décidèrent finalement d’opter et de défendre griffes et ongles, pour le maintien du système et des modalités fixées par ce même système, de partage des dividendes contre services rendus, sous les prétextes les plus farfelus, qui n’arrivent même pas à convaincre leurs propres auteurs.

Ainsi on comprend, et on resitue dans leur contexte, les attaques haineuses de ces adeptes de la participation éclairée, contre tout projet ou mouvement de changement quel que soit la couleur politique, sociale ou culturelle de ses adeptes, l’ennemi à leurs yeux étant ce changement là, qui mettra fin à l’hégémonie en place, pourvoyeuse et protectrice de leurs strapontins.

De même qu’il faut convenir que cette jonction entre ces deux « coalisés » n’a pu se réaliser sans la dextérité et le génie de tourmente du système, aidé en cela par la disponibilité borgne et cupide de ses coalisés appendiculaires, dans la fomentation de discordes et dans l’art de manipulation de schismes au sein des forces vives du peuple algérien.

Il est utile de rappeler dans ce cadre là comment ce système a coopté des franges marginales dans les partis jugés « récalcitrant », car refusant de siéger au sein du harem du système, selon son ordre préétabli, d’autant plus qu’ils jouissent d’une forte implantation populaire, et représentent une alternative crédible et réalisable. On garde tous en mémoire les manipulations et les manigances d’implosion fomentées par les cercles occultes du système, et comment ils se sont surpassés pour façonner un paysage « multiple » et sous contrôle, par le biais de leurs commis implantés, ou « retournés », ne lésinant sur aucun moyen, et dont l’objectif principal était d’éliminer les forces réelles du changement au sein même de ces partis.

Cette réalité de l’époque reste immortalisée par les différentes phases par lesquelles est passé le plot de dislocation du FIS, les images de la série télévisée à sensation, avec comme vedettes, le fameux passage du clan feu Fequih, Merani et Sahnouni (2), suivit juste après le congrès de la Fidélité de Batna (3), du non moins fameux épisode du tour de force entre d’une part feu Guechi (à la tête des dissidents du FIS, coopté par le pouvoir, et dont les communiqués comme par enchantement ont trouvé leur chemin sur les écrans, aux heures de grande écoute de notre TV) et d’autre part Hachani rahimahou Allah, consacré par les congressistes de la fidélité, persécuté par les services du système, jusqu’à son assassinat par procuration.

Les choses ne s’arrêtant pas à ce niveau, puisque relayées par l’œuvre d’intrigue titanesque de le DRS, qui s’est accaparé d’un AIS pour le moins naïf, pour ne pas dire plus, l’incorporant dans un deal dit « tacite » (4) dans le but de saborder les pourparlers qui étaient en cours entre le Président Zeroual et les leaders du FIS à la prison de Blida, et ainsi avorter toute solution globale à la crise, dénaturant sa véritable nature, l’amputant de sa dimension politique, la confinant dans un espace sécuritaire sans plus, ce qui s’est soldé par la fameuse trêve de 1997, tant clamée et claironnée par l’AIS, et dont le malheureux contenu s’est ensuite dévoilé tout au long de la charte de réconciliation (5), mettant à nu la supercherie longtemps entretenue des deux parts. D’ailleurs il faut reconnaître que les généraux en charge avaient à maintes reprises nié avoir eu de dialogue avec l’AIS, qu’ils considéraient comme un vulgaire ramassis d’assassins « repentis » qui ne pouvaient s’attendre à plus qu’une amnistie partielle, sans plus (6).

Puis, est advenu, il n’y a pas longtemps, la « récupération » du concilié de Bonn, Rabah Kébir, qui s’est pris au goût d’un pragmatisme soudain, et s’est converti à cette caste éclairée du changement de l’intérieur, cautionnant en passant les différents pouvoirs en place, depuis 1997, date de la trêve, et allant jusqu’à déclarer « la mort du FIS », une manière pour lui d’exprimer sa disponibilité, et recevoir les grâces des décideurs, un genre de contre partie qu’il pensait, allait lui permettre une certaine marge de manœuvre politique, mais qui en fin de compte s’est soldé lamentablement par un désenchantement de plus, moyennant tout au plus, une permission de circulation entre Bonn et Alger, seul dividende permis.

Le FFS, non plus, bien qu’à un degré moindre, n’a pas échappé à cette stratégie d’implosion/récupération, tentée par le système. On se rappelle à cet égard la fameuse fausse lutte de « légitimité », et de la duplicité deux ex machina, d’un FFS2 venu, bousculer le FFS tout court.

De même qu’il faut relever que suivant la même logique occulte, le pouvoir a opéré sa propre toilette, laminant toute tendance, ou même personnalité, quel que soit son rang ou la légitimité dont elle se prévaut, qui en son sein aurait osé penser autrement, ou proposé un changement « jugé non grata » aux yeux des seigneurs sans visages.

La réponse/sentence du système se faisant implacable et sans appel, s’exécutant tout d’abord par une phase préliminaire, jetant le discrédit sur la partie ou personne concernée, une manière de déblayer le terrain pour la phase suivante, à savoir l’exclusion des rangs et la mise en quarantaine sur une liste noire, pour crime de haute trahison, celui d’avoir pensé, ou exprimé, un point de vue trop dangereux à leur goût, car à même de mettre en péril l’équilibre instable d’influence, établit depuis 1962, celui qui a permis à ce pouvoir, à ce jour, par le biais d’une convention occulte, non écrite, une sorte de Magna Carta de la militarchie de chez nous, qui permet à cette voyoucratie de pérenniser son pouvoir sur la base d’un consensus, qu’ils sont les seuls à connaître l’équation de son alchimie.

L’impardonnable « forfait » de ces « honnis » du sérail serait d’avoir osé exprimé, chacun à sa manière, que ce système a fait son temps, et qu’il n’est plus à même de gérer. C’est le cas entre autres de ceux là même qui on composé et porté le tablier « civil » de la junte d’après le putsch de janvier 1992, tel que Sid Ahmed Ghozali, ou des protégés, qu’on pensait il y peu de temps avant « intouchables », tel que Mouloud Hamrouche et autre Taleb Ibrahimi. Ils ont été évincés sans état d’âme, et ont été même interdits de constituer un cadre politique véhiculant leur opinion, ceci constituant d’une part un « avertissement » de l’implacable punition dont est capable ce pouvoir à l’égard de ceux qui se mettent en outsider, et d’autre part afin de ne pas faire d’ombre à l’homme providence, l’élu des faiseurs de rois.

Il ne suffit pas d’avoir de bonnes intentions

Passons brièvement en revue dans cette dernière partie, les forces qui prétendaient faire du devoir de changement leurs croisades.

Il y a d’abord ceux qui, sous prétexte de changement, ne cherchaient en fait que leur part du gâteau, sachant que cela n’est possible que dans le cadre de la compromission, d’autant qu’ils sont conscients de la place, ou plutôt du dédain, qui leur est dévolue par le peuple. En sorte, un genre de parasites de la politique, qui n’ont jamais pu tromper la vigilance du peuple, ce qui explique d’ailleurs leur quête de « légitimité » auprès du système. Ces appendices sont exclus de la désillusion, titre de notre article, tout au contraire ils ne vivent que grâce à cette désillusion.

Il y a ceux qui ont agi « par vengeance » à l’encontre du peuple qui les a déclassés lors de la première et seule élection transparente que connut le pays à ce jour, alors qu’ils se proclamaient fallacieusement et pompeusement représenter la première force dans le pays. Ils se sont vus humiliés et réduits à leur véritable dimension, et les chiffres de leur déconfiture, encore présents sur les listes du journal officiel, restent à ce jour en travers de leur gorge. Ils se sont surpassés dans leur soutien inconditionnel au pouvoir en place, dans le but de s’attirer les agréments du pouvoir et ainsi pénétrer ses rangs. Ils se sont au fil du temps radicalisés dans leur soutien au système, à tel point qu’ils sont devenus plus réfractaires au véritable changement que le système lui-même, tantôt justifiant le putsch, tantôt le cautionnant et bénissant ses auteurs, considérant d’ailleurs, de la bouche même de leur feu numéro un, que les blindés des putschistes « ont été sortis de leurs casernes dans les rues pour sauver le pays et la démocratie et les libertés » ! Et à la question concernant le prix lourd et la facture morbide de cette sauvegarde au prix des milliers d’innocents conduits vers les camps de concentration, des exécutions sommaires, des tortures et des milliers de disparitions et autres détentions arbitraires : « No comment », dans la plus clémente de leurs réponses, quand ce n’est pas catégoriquement : « Le prix nécessaire et justifié à payer pour que vive l’Algérie » ! Ainsi est née chez ces adeptes du changement, une nouvelle catégorie de liberté, et l’avènement d’une démocratie « New age », une première en la matière.

Les auteurs de cette conception, ne s’arrêtent pas en si bon chemin, puisque ils ne se privent pas, à chaque fois que l’occasion leur est présentée, de maudire ceux qui osaient aspirer au véritable changement, les traitant de tous les noms, allant jusqu’à les criminaliser, et justifier leur mise à mort. Il suffit de revoir les déclarations des chefs successifs de Hamas, puis Hims, entre autres, pour ainsi éviter d’être accusé de vindicte.

Toujours sans se lasser de prétendre être mus par une conduite pragmatique et un réalisme constructif dans leurs efforts pour le changement, ils se sont pris au goût des salons feutrés du système qu’ils accusaient il n’y a pas longtemps de tous les vices, et se sont empiffrés des avantages que leur a « lesté » ce système « corrompu » il n’y a pas longtemps’. Le comble étant qu’aveuglés par une boulimie démesurée, ils ne cessent, toute honte bue, de clamer haut et fort, du haut du pupitre mis à leur disposition, que l’Algérie ne s’est jamais portée aussi bien (le bien de qui ?), se vantant de l’apport inestimable qu’ils ont prodigué pour la concrétisation de ce changement qui les honore, sans oublier de louer l’homme providence, l’élu des faiseurs de roi, Son Altesse Sérénissime Bouteflika.

Il faut avouer enfin, que même si une partie du peuple voyait en Hims, puisque c’est d’eux qu’il s’agit principalement, avant cet événement, une alternative de changement probable, maintenant que s’est dévoilé sa véritable face, sa nature cupide, à la recherche des avantages mesquins, tout comme, sinon pire, ceux qui ni foi ni loi, l’ont précédé aux festins des seigneurs, personne ne « boit » plus leur slogan creux et puritain qui n’arrive à tromper personne. Pire, il constitue aux yeux de la majorité du peuple, le symbole même de la manipulation de la crédulité des âmes simples qui ont cru dans les mots, et se sont heurtés à la vérité crue et cruelle des actes de ceux qui, pour garder le cap de cette politique réaliste et des avantages et dividendes qui vont avec, se sont vus contraints d’opérer leur propre « toilette », se délestant des voix qui, en leur sein, ont fini par en avoir ras le bol, exprimant leur désaccord face à cette compromission et bénédiction inconditionnelle du système.

Il est devenu quasi impossible de reconnaître le Hamas « originel » tant ses leaders ont excellé dans l’art de légitimer toutes les politiques du système. En finalité, il a perdu la prétention qu’il se donnait, et perdu en même temps son quota et son aura au sein du pouvoir, au point où ce système n’éprouve plus la nécessité de le conserver comme quand il était aux abois au lendemain du putsch de 1992.

Ainsi face à cette déconfiture, on assiste de plus en plus à des dissensions en son sein. De plus en plus des cadres prennent leur distance des leaders. Au vu de la politique imposée par le parti, ces cadres ont réalisé finalement combien il était naïf de leur part de croire en la possibilité de changer dans la cooptation, c’est-à-dire de l’intérieur du système. Déchantés, ils se sont réveillés, avec une sorte de gueule de bois, sur la grande supercherie menant à la compromission assassine. Il faut relever que Hims n’est pas le premier ni le dernier des « victimes retournés » du système qui excelle en la matière. Il y a eu avant le parti Nahda de Djaballah, devenu Islah et qui ne finit pas de se sous diviser, également le cas du RCD, à l’image de l’une de ses figures de proue, en l’occurrence Khalida Toumi, relookée en une pure et dure des produits manufacturés du système. Et comme précédemment souligné, le FLN n’a pas échappé à sa propre toilette, pour écarter toute velléité d’ambition effective de changement, et qui pourrait oublier la façon avec laquelle Abdelhamid Mehri a été évincé de son poste de secrétaire général du parti, et comment on lui a fait amèrement regretter d’avoir osé le changement en dehors du code d’omerta du système (7). Ainsi ces voix discordantes ont fait les frais de cette prise de conscience tardive, la hiérarchie ne tolérant pas pareille insoumission, s’est faite le devoir d’éliminer tous ceux qui ont osé lui rappeler ses objectifs et engagement « originels » considérés désormais désuets.

Il y a ceux qui sont passés d’un extrémisme révolutionnaire, voire anarchiste, dans leur opposition au pouvoir en place, à l’image de la pure et dure trotskyste de chez nous, et qui, pour rappel, n’a pu bénéficier de la gratitude du peuple, malgré son rôle marginal, que grâce à son franc-parler d’antan, qui était assimilé malencontreusement à l’époque par la frange du peuple qui lui accordait confiance, comme synonyme d’intégrité, de probité et de libre penser, celle qui s’est enivrée des délices que procure le sérail, jouissances d’autant plus exacerbées au fil des trois à quatre mandats d’après le putsch. Ell est passée vers un autre extrémisme, cette fois ci, à l’encontre de ceux qui prônent la nécessite du vrai changement, au point de la confondre avec les dinosaures du pouvoir en place, dans leur hantise vis-à-vis de ce changement.

Il y a enfin les forces qui bien que sachant que le changement ne peut s’opérer qu’en dehors de ce système, ont choisi quand-même jouer le jeu, se faisant inviter, par le biais de la voix du peuple, à siéger au parlement, dans le but de faire entendre leur voix contestatrice, vu que tous les autres moyens d’expression sont sous scellé. N’est-il pas venu le moment pour eux de se rendre enfin de l’irréalisabilité de l’œuvre ? N’est-il pas venu le temps pour eux de se rendre à l’évidence que leurs participations, successives, n’aura en fait servi que ce pouvoir, à lui prodiguer une certaine façade de pluripartisme, et de semblant de démocratie ? Sans eux, comme seule force d’opposition réelle et conséquente siégeant au parlement, la véritable nature de ce pouvoir monochrome se serait dévoilée il y a bien longtemps, non pas aux yeux du peuple, qui ne s’est jamais trompé sur son compte, mais à l’égard de la communauté internationale qui constitue, par son silence, sinon sa complicité multiforme et inconditionnelle, la France précisément, le principal soutien de cette junte au pouvoir. Quant aux pique-assiettes des pseudo partis satellites, de ceux-là personne n’est dupe.

Tout cela pour dire que parmi ceux qui ont cru, à un moment ou un autre, en cette possibilité du changement de l’intérieur du sérail, soit ont été déçus et se sont éclipsés sans faire trop de bruit, soit sont rentrés dans l’ordre et la logique du système : marche ou crève.

Il ne subsiste désormais le moindre soupçon de doute sur la réalité de ce pouvoir, dont la raison d’être n’est autre que son maintien, quel que soit le prix, non pas à payer, mais plutôt à faire payer au « indigents », pour paraphraser un des généraux janvieristes qui est allé jusqu’à déclarer « être prêt à sacrifier le tiers de la population pour préserver le pays », dans son sens bien connu, et par là comprendre la détermination criminelle de ce système à maintenir le monopole de la réalité du pouvoir sans la moindre retenue, à l’image du dernier simulacre du 9 avril 2009 pour préserver sa devanture civilisée, par un ras de marais plébiscite à faire rougir les plus moribonds parmi les chefs d’Etats arabes du genre Moubarak, Zine-Alabidine et autres aberrations de l’histoire contemporaine.

Il ne fait plus aucun doute que si changement il y a, il ne devrait, et ne pourrait, s’opérer qu’à l’extérieur du système, et sans ce système, autour d’une plateforme de principes généraux, autour desquels se rassemblent tous ceux épris de justice, de dignité et d’amour pour ce pays et ce peuple, ceux qui souffrent de le voir confisqué par cette cabale qui nargue et défie les millions de citoyens. Il est plus que grand temps de traduire les mots, les appels, les vœux, les volontés en actes, autour d’une charte minimum, garantissant les libertés fondamentales de tout un chacun sans exclusion ou apriorité, tous égaux devant le destin du pays.

Certes la tâche n’est pas aisée, elle nécessitera inévitablement son lot de sacrifices (8). Ne soyons pas naïfs, le système usera de tout ce dont il dispose pour avorter pareil changement pacifique qui le mettrait à nu et lui ôterait tout prétexte de « légitimer » l’usage de la répression, pour le maintien de l’ordre. Certes, il se surpassera par le biais de ses différents relais et autres porte-voix, pour « gonfler » les différences et contradictions supposées entre les courants au sein de l’alternative, comme il l’a déjà fait depuis 1962, ce qui lui a permis d’ailleurs de créer, et d’entretenir, des luttes imaginaires, factices fratricides, et de minimiser l’impact de ces forces, tantôt jouant l’indifférence, feignant les ignorer, tantôt les stigmatisant et les accusant de collaboration et d’intelligence avec l’extérieur et autres accusations has been.

Il ne se privera certainement pas de semer la zizanie, en essayant de couper les uns des autres, soit en tissant des relations, contacts, avec certains d’entre-eux, soit en « véhiculant » des prétendues informations concernant des présumés contacts entrepris par des hommes du système avec certaines personnalités ou courants au sein de l’alternative. De toutes les façons, dans l’état de déroute et de totale déconfiture, il essaiera effectivement de composer avec qui il peut pour sauver ses meubles, seulement gare à celui qui malgré les bonnes intentions, tombera dans ses énièmes subterfuges.

Basta !, comme dirait notre peuple désabusé, opprimé, désapproprié de ses biens et de ses choix. Il est temps de lever le voile, tout haut, et ôter la feuille de figue qui cache la réalité de ce pouvoir. Nous ne sommes plus en droit de lui permettre de se barioler de tous ces artefacts qui gravitent dans son giron, et de se donner la dimension qu’il n’a pas. C’est une nécessité, c’est un devoir et une responsabilité pour toutes les forces effectives et sincères du changement réel de se démarquer sans la moindre équivoque des milieux de tourmente et d’intrigues que constituent le sérail, en optant pour une coalition nationale pour le changement tant attendu, autour d’un programme national minimum, par l’institution d’une assemblée constituante, ou autour de toute autre forme de rassemblement qui baliserait la voix vers la naissance de la deuxième république. Ne sommes-nous pas en droit d’y croire, puisque les forces nécessaires sont présentes, elles sont majoritaires, la volonté existe et se renforce de plus en plus, les moyens aussi. Osons le pari ! Et que la marche commence. Pardon, elle est déjà en cours, rejoignons là.

Rachid Ziani
28 juin 2009

Notes :

(1) On garde en mémoire les efforts gigantesques déployés par le système, au lendemain des résultats des législatives, pour saborder toute coalition ou autre coordination entre les trois fronts consacrés par ces élections, de même l’hystérie dont il a été frappé avant et après le Contrat de Rome qui a prouvé que les Algériens, pour le salut de leur pays et de leur peuple, étaient capables de dépasser leurs différences et intérêts partisans, comment cette initiative prometteuse, qui aurait pu mette fin au bains de sang a été torpillée, et comment elle mettait en porte à faux toutes les allégations entretenues du système quant à l’impossibilité d’union entre les différentes mouvances et leur capacité à se mettre d’accord sur une plateforme de salut, comment ce pouvoir a déployé sa machine de guerre multiforme, menant sa guerre sale dans le but, d’une part de discréditer les parties présentes, sous les prétextes les plus scabreux, et ses tentatives de les saborder, sous milles et uns moyens, tant avoués qu’inavoués, dont une partie les massacres.

(2) Sous la houlette « off record » des maîtres d’œuvre Kerrar, Si Kaddour, dissidents du FIS, et Ghozali, pressenti comme chef de gouvernement, avant l’éviction de Hamrouch.

(3) Ce congrès a permis l’épuration des rangs du FIS avec un Conseil national représentatif et élu à la base, et la consécration de la direction emprisonnée et de cheikh Mohamed Saïd rahimahou Allah, assassiné par les groupes islamiques de l’armée, sous la direction du criminel Jamel Zitouni.

(4) Rien d’autre qu’une capitulation pure et simple dont les auteurs mêmes, après un silence, n’osent plus démentir cette réalité.

(5) Cette charte consacre d’une part le rôle « sauveur » des généraux putschistes et blanchit leur coup de janvier tout en instituant et légiférant l’impunité en faveur des différents corps et milices armées par la junte responsable de plus de 200000 morts, de plus de 20000 disparus, et de milliers de prisonniers politiques, de l’institutionnalisation de la torture, et d’autre part en criminalisant toute opposition, qu’elle soit armée, politique ou sociale.

(6) Revoir les différentes déclarations, aussi bien du pouvoir « civil » par le biais du chef du gouvernement Ouyahia, de son ministre de l’intérieur Zerhouni, ou des généraux du ministère de la défense.

(7) Le fameux et triste coup d’Etat scientifique et son maître d’œuvre Hadjar.

(8) Ce serait de toutes les manières en deçà de celui payé par les Algériens au quotidien et en silence, sans que ce pouvoir criminel n’en soit perturbé, et encore moins menacé.

Source: www.rachad.org

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