« La religion est le soupir de l’être opprimé ; c’est le cœur d’un monde dépourvu de cœur, c’est l’âme de ceux qui connaissent des conditions sans âme. C’est l’opium du peuple » (Karl Marx, 1843)

Avant de me lancer dans un exposé du traitement trompeur que les progressistes et les gens de gauche font subir aux religions, et en particulier quand ils se targuent de parler de l’Islam et de la Palestine, j’aimerais vous faire partager une très mauvaise blague raciste. Attention : vous ne serez peut-être pas enclins à partager cette petite histoire avec vos amies féministes… :

Une militante américaine, qui s’était rendue en Afghanistan, à la fin des années 1990, avait été bouleversée de constater que les femmes, dans les rues de ce pays, marchaient derrière leur mari, à une distance d’environ quatre mètres. Elle ne tarda pas à apprendre, de la part de son interprète indigène, que cela était dû à certains manuels religieux qui stipulaient que telle est la manière dont on fait preuve de respect pour le « chef de famille ».

Une fois rentrée en Amérique, notre militante ulcérée lança campagne sur campagne en défense des droits des femmes afghanes. Or, il se trouve que cette même militante dévouée s’est rendue à nouveau à Kaboul, le mois passé. Cette fois-ci, elle a été stupéfaite de constater une réalité entièrement différente. De fait, les femmes déambulaient, non plus derrière leur mari, mais DEVANT, et à huit mètres de distance ! Notre activiste fit immédiatement un rapport à son QG, en Amérique : « La révolution des Femmes bat son plein, ici, en Afghanistan, accumulant victoire sur victoire ! Alors qu’auparavant, c’était les hommes qui marchaient devant, aujourd’hui, ce sont les femmes qui ouvrent la marche ! » Son interprète afghan, ayant eu vent de son rapport, s’adressa à la militante américaine en aparté, et il lui fit comprendre non sans ménagements que son interprétation était totalement erronée :

« Si ce sont les femmes qui marchent devant», lui expliqua-t-il, « c’est à cause des mines… »

Aussi tragique cela puisse paraître à certains, nous ne sommes pas aussi libres que nous pouvons le penser. Nous ne sommes pas exactement les auteurs de la plupart de nos pensées et de nos prises de conscience. Nos conditions humaines nous sont imposées ; nous sommes le produit de notre culture, de notre langue, de notre endoctrinement idéologique et, dans bien des cas, nous sommes les victimes de notre paresse intellectuelle. Comme la militante féministe américaine semi-fictionnelle évoquée plus haut, nous sommes, dans la plupart des cas, prisonniers de nos idées préconçues, et cela nous empêche de voir les choses pour ce qu’elles sont réellement. Partant, nous avons tendance à interpréter (et, dans la plupart des cas, à mésinterpréter) des cultures éloignées de la nôtre en employant notre propre système de valeurs et notre propre code éthique.

Cette tendance a de graves conséquences. Pour quelque raison, « nous » (les Occidentaux), nous avons tendance à croire que « notre » supériorité technologique, alliée à nos « Lumières » bien-aimées nous munissent d’un « système rationnel séculier anthropocentrique d’une éthique absolue », dont la position morale serait insurpassable.

La gauche progressiste

En Occident, nous pouvons détecter deux composantes idéologiques qui se font concurrence pour conquérir nos cœurs et nos esprits ; toutes deux affirment savoir ce qui est « faux » et ce qui est « vrai », ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». Le Libéral aura tendance à insister sur le dithyrambe de la liberté individuelle et de l’égalité civique ; l’homme de gauche aura tendance, quant à lui, à être persuadé qu’il détient un outil « social scientifique » qui lui permet d’identifier qui est « progressiste » et qui est « réactionnaire ».

Les choses étant ce qu’elles sont, ce sont ces deux préceptes modernistes sécularistes qui jouent pour nous le rôle de gardiens de la vertu politico-morale occidentale. Mais en réalité, ce qu’ils ont réussi à faire, c’est exactement le contraire. Chaque idéologie, de sa manière particulière, nous a entraînés dans un état de cécité morale. Ce sont ces deux appels soi-disant « humanistes » qui, pour l’un (celui des Libéraux) a préparé consciencieusement le terrain à des guerres interventionnistes criminelles et, pour l’autre (celui de la gauche) a été incapable de s’y opposer, du fait même qu’il a eu recours à des idéologies erronées et à des arguments ineptes.

Tant les libéraux que les gens de gauche, sous leurs formes occidentales apparemment banales, suggèrent que le sécularisme est la réponse souveraine aux malheurs du monde. Sans aucun doute, le sécularisme occidental peut effectivement être un remède pour un certain malaise social occidental. Toutefois, les idéologies occidentales, libérale et de gauche, dans la plupart des cas, sont incapables de comprendre que le sécularisme est, en lui-même, un avatar naturel de la culture chrétienne, c’est-à-dire un produit direct de la tradition chrétienne, qui se caractérise par son ouverture vis-à-vis d’une existence civique indépendante. En Occident, la sphère spirituelle et la sphère sociale et civile sont très largement distinctes [1]. C’est cette division même qui a permis l’ascension du sécularisme et du discours rationnel. C’est cette distinction même qui a conduit, aussi, à la naissance d’un système de valeurs éthiques séculier, dans l’esprit des Lumières et du modernisme.

Mais c’est aussi cette séparation elle-même qui a conduit à l’apparition de certaines formes grossières de sécularisme fondamentaliste, qui ont mûri et se sont transformées en des visions du monde antireligieuses qui ont amené l’Occident à ignorer totalement un milliard d’êtres humains au simple motif qu’ils portent des écharpes qui ne nous reviennent pas ou qu’ils croient en quelque chose que nous sommes infoutus de piger.

Progressiste VS Régressif-réactionnaire

A la différence du christianisme, l’Islam et le judaïsme sont des systèmes de croyance dont l’orientation est tribale. Plutôt que dans un « individualisme éclairé », c’est, de fait, dans la survie de la famille étendue que se situe l’intérêt essentiel de ces deux systèmes de croyance. Les Talibans, qui sont considérés, par la plupart des Occidentaux, comme ce qui se fait de pire en matière d’obscurantisme politique, ne sont, tout simplement, pas le moins du monde concernés par des questions ayant trait aux libertés individuelles ou aux droits de la personne. C’est la sécurité de la tribu, alliée au maintien des valeurs familiales, à la lumière du Qur’ân qui en constitue le noyau. Le judaïsme rabbinique ne diffère en rien de l’Islam, dont il partage les caractéristiques. Fondamentalement, sa mission est de protéger la tribu juive en perpétuant le judaïsme en tant que « mode de vie ».

Tant en Islam que dans le judaïsme, il n’y a pratiquement aucune séparation entre le spirituel et le civil. Les deux religions sont des systèmes qui apportent des réponses exhaustives en termes de problématiques spirituelles, civiles, culturelles et quotidiennes. Les Lumières juives (Hakalah) furent dans une grande mesure un processus d’assimilation juive au travers de la sécularisation et de l’émancipation, ainsi que de la diffusion de formes modernes très variées d’identités juives, au nombre desquelles figure le sionisme. Pourtant, les valeurs d’universalisme, propres aux Lumières, n’ont jamais été intégrées au corpus de l’orthodoxie juive. Comme dans le cas du judaïsme rabbinique, qui est totalement étranger à l’esprit des Lumières, l’Islam est très largement étranger à ces valeurs euro-centriques que sont le modernisme et la rationalité. Ne serait-ce qu’en raison de l’interprétation qu’ils font des Ecritures (l’herméneutique), tant l’Islam que le judaïsme sont, de fait, beaucoup plus proches de l’état d’esprit postmoderne [2].

Ni l’idéologie de gauche, ni le libéralisme ne pratiquent le moindre dialogue intellectuel ou politique avec ces deux religions. C’est là une réalité désastreuse, car la plus grave menace qui pèse aujourd’hui sur la paix mondiale est celle du conflit israélo-arabe, un conflit qui est en train de devenir à grande vitesse une guerre entre un Etat juif expansionniste et une résistance islamique. Néanmoins, tant l’idéologie libérale que l’idéologie de gauche sont dépourvues des moyens théoriques indispensables qui leur permettraient de comprendre les subtilités inhérentes à l’Islam et au judaïsme.

Le Libéral va vous rejeter l’Islam, le qualifiant de sinistre, en raison de son approche des droits de l’homme et des droits des femmes, en particulier. La gauche va vous tomber dans le piège consistant à dénoncer la religion, de manière générale, en condamnant sa nature intrinsèquement « réactionnaire ». Sans doute sans en avoir conscience, tant les libéraux que les gens de gauche succombent, en cela, à un argument manifestement suprématiste. L’Islam et le judaïsme étant plus que simplement deux religions, et étant donné qu’ils véhiculent un « mode de vie » et qu’ils jouent le rôle de réponse totalement exhaustive à des questions relatives à l’être-au-monde, les libéraux et la gauche occidentaux encourent le danger d’ignorer totalement un large secteur de l’humanité [3]. Récemment, j’ai été amené à accuser un homme authentiquement de gauche, qui est également un bon militant, d’islamophobie, parce qu’il avait accusé le Hamas d’être « réactionnaire ».

Ce militant, qui est manifestement un authentique sympathisant de la résistance palestinienne, se défendit prestement en affirmant que ce n’était pas seulement l’ « islamisme », qui lui sortait par les trous de nez, mais qu’en réalité, il haïssait tout autant le christianisme et le judaïsme. Pour quelque raison, il était certain que le fait de haïr également toutes les religions était le bon moyen de remporter son certificat d’humanisme. En conséquence, le fait qu’un islamophobe soit aussi un judéophobe et un christianophobe n’est pas nécessairement une preuve d’engagement humaniste. J’ai continué à défier cet excellent homme ; il a alors argué du fait que c’était en réalité l’islamisme (comprendre : l’Islam politique) qu’il désapprouvait. Je l’ai à nouveau défié, attirant son attention sur le fait que dans l’Islam, il n’existe pas de réelle séparation entre le spirituel et le politique.

D’ailleurs, la notion d’Islam politique (islamisme) pourrait fort bien être une lecture occidentale délibérément trompeuse de l’Islam. J’ai fait observer que l’Islam politique, et même la mise en pratique, rare, du « jihâd armé », ne sont rien d’autre que l’Islam agissant. Malheureusement, ce fut, plus ou moins, ce qui mit un terme à notre discussion.

Le militant pro-palestinien a sans doute trouvé trop difficile d’admettre l’unité du corps et de l’âme, propre à l’Islam. La Gauche, de manière générale, est condamnée à échouer, en cela, tant qu’elle ne progressera pas, en écoutant, dans sa compréhension du lien organique, propre à l’Islam, entre le monde « matériel » et le soi-disant « opium du peuple ». Or, le fait de franchir ce pas représente, pour un homme de gauche, rien de moins qu’un saut intellectuel majeur. Un tel saut intellectuel a été suggéré, il y a peu, par le marxiste jordanien indépendant Hisham Bustani, lequel a déclaré :

« La gauche européenne doit procéder à une évaluation critique très sérieuse de son attitude « nous en savons plus que les autres », ainsi que de la manière dont elle a tendance à considérer idéologiquement et politiquement inférieures les forces populaires des pays du Sud ».

La Palestine

La militance en solidarité avec la Palestine est une excellente opportunité de passer en revue la gravité de la situation. L’on peut constater qu’en dépit du traitement meurtrier que les Israéliens infligent aux Palestiniens, la solidarité avec les Palestiniens n’a toujours pas acquis l’ampleur d’un mouvement de masse. Elle risque fort de ne jamais réussir à acquérir cette ampleur. Etant donné l’échec de l’Occident à soutenir les droits des opprimés, les Palestiniens semblent avoir retenu la leçon : ils ont démocratiquement élu un parti islamique qui leur avait promis de résister. De manière très significative, il y eut extrêmement peu de gens de gauche pour soutenir le peuple palestinien dans son choix démocratique.

Dans les dispositions actuelles, qui sont celles d’une solidarité politiquement conditionnée, nous sommes en train de perdre des militants à chaque tournant de cette route cahoteuse. En voici les raisons :

1) Le mouvement palestinien de libération nationale est fondamentalement un mouvement de libération nationale : cette prise de conscience nous fait perdre tous les gens de gauche tenants du cosmopolitisme, c’est-à-dire tous ceux qui rejettent le nationalisme, quel qu’il soit ;

2) En raison de l’ascension politique du Hamas, la Résistance palestinienne est désormais perçue comme une résistance islamique : là, nous perdons les laïcistes et les athées rabiques, qui vomissent la religion, ce qui les envoie valdinguer dans la catégorie des PEP (Progressistes, Excepté en ce qui concerne la Palestine) [4] ;

De fait, les PEP se subdivisent en deux sous-groupes :

Les PEP-1 (les pépins ! ah-ah-ah !, ndt) : ce sont ceux qui sont contre le Hamas au motif qu’il serait « réactionnaire ». Néanmoins, ils approuvent le Hamas, en raison de ses succès opérationnels, en tant que mouvement de Résistance. Fondamentalement, ces militants attendent des Palestiniens qu’ils changent d’esprit et qu’ils deviennent les adeptes d’une société séculière. Mais ils sont prêts à soutenir les Palestiniens, à certaines conditions (les leurs), en tant que peuple opprimé… ;

Les PEP-2 : ce sont ceux qui sont contre le Hamas au motif qu’il s’agirait d’un mouvement « réactionnaire », et qui, de surcroît, en rejettent jusqu’aux succès sur le terrain. Ceux-là n’attendent rien de moins que la révolution mondiale… Ils préfèrent laisser mariner les Palestiniens, pour l’instant, comme si Gaza était une villégiature en bord de mer.

Avec l’évaporation rapide de ces forces de la solidarité, nous nous retrouvons avec un mouvement de solidarité avec les Palestiniens miniature, doté d’un pouvoir intellectuel (occidental) pitoyablement limité, et encore moins capable d’une quelconque efficacité au niveau de la base. Cette situation tragique a été dénoncée, récemment, par Nadine Rosa-Rosso, une marxiste indépendante vivant à Bruxelles. Elle écrit : « L’immense majorité de la gauche, communistes compris, est d’accord pour soutenir la population de Gaza contre l’agression israélienne, mais refuse d’en soutenir les expressions politiques, notamment le Hamas, en Palestine, et le Hezbollah, au Liban. »

Cela amène Nadine Rosa-Rosso à se demander « pourquoi la gauche et l’extrême-gauche mobilisent-elles aussi peu de gens ? Et, disons-le carrément, soyons clairs : la gauche et l’extrême-gauche sont-elles encore capables de mobiliser, sur ces questions ? »

Où allons-nous, comme çà ?

« Si le soutien qu’apporte la gauche aux droits de l’homme en Palestine est conditionné et dépendant de la dénonciation, par les Palestiniens, de leur religion et de leurs croyances idéologiques, de leur héritage culturel et de leurs traditions sociales, et de l’adoption, par les mêmes Palestiniens, d’un nouveau panel de croyances, de valeurs aliènes et de comportements sociaux convenant à ce que la culture de ladite gauche considère acceptable, cela signifie que le monde est en train de dénier aux Palestiniens un des droits humains les plus fondamentaux, à savoir le droit de penser et de vivre à l’intérieur du code éthique de leur choix. » Nahida Izzat.

Le discours actuel de la solidarité de gauche avec les Palestiniens est un discours futile : il s’aliène lui-même de son sujet, il ne réalise rien du tout et il semble n’aller nulle part. Si nous voulons aider les Palestiniens, les Irakiens et les autres millions de victimes de l’impérialisme occidental, nous devons vraiment nous arrêter une seconde, prendre une profonde respiration et tout recommencer de zéro.

Nous devons apprendre à écouter : au lieu d’imposer nos convictions aux autres, nous devons apprendre à écouter ce en quoi les autres croient.

Serons-nous capables de suivre les conseils de Bustani et de Rosa-Rosso, et réviser totalement notre notion de l’Islam, de ses racines spirituelles, de sa non-séparation de la sphère civile et de la sphère spirituelle, de sa vision de lui-même en tant que « façon de vivre » ? La question de savoir si nous en sommes capables, ou non, est une très bonne question.

Une autre option consisterait à reconsidérer notre cécité et à aborder les questions humanistes sous un angle humaniste (par opposition à politique). Plutôt que nous aimer au travers de la souffrance d’autrui, ce qui est la forme ultime de l’égoïsme, nous ferions mieux, pour la première fois, de mettre en pratique la notion de réelle empathie, en nous mettant à la place de notre prochain, tout en reconnaissant que ne nous serons sans doute jamais à même de comprendre totalement ledit prochain.

Au lieu de nous aimer nous-mêmes à travers les Palestiniens, et à leurs dépens, nous devons accepter les Palestiniens pour qui ils sont, et les soutenir pour qui ils sont, sans égard pour nos propres opinions ou nos propres trucs. C’est là la seule forme réelle de solidarité possible : elle vise à une conformité éthique, plutôt qu’idéologique. Elle place l’humanité en son centre-même. Elle réfléchit à la profonde compréhension qu’avait Marx de la religion en tant que « soupir poussé par les opprimés ». Si nous prétendons avoir de la compassion pour les gens, nous devons apprendre à les aimer pour qui ils sont, plutôt que pour ce dont nous attendons d’eux qu’ils soient.

Gilad Atzmon
14 juillet 2009
traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

Notes

[1] C’est là quelque chose de lié avec un héritage du Bas-Empire romain et des premiers développements du christianisme en tant que concept expansionniste visant à s’étendre lui-même à des cultures et à des civilisations lointaines.

[2] L’on peut avancer l’idée que le programme essentiel des tentatives postmodernes est celui de déstabiliser les fondements de la connaissance et de l’éthique moderne en défiant la possibilité de leur applicabilité universelle contemporaine. Comme l’a exprimé éloquemment Muqtedar Khan, le postmoderniste cherche à privilégier le « hic et nunc » par rapport au global. Tant la philosophie postmoderne que la théologie, dit Khan, « rejettent l’affirmation moderniste de l’infaillibilité de la raison ». A l’instar des postmodernistes, l’Islam et le judaïsme sont sceptiques à l’égard de la souveraineté de la raison et du discours rationaliste.

[3] La suggestion marxiste bizarre et très commune selon laquelle « beaucoup de gens, en-dehors de chez nous » sont, de fait, « réactionnaires » du fait qu’ils sont religieux implique la présupposition nécessaire que le marxiste lui-même est confortablement installé dans une supériorité morale absolue. Une telle assomption est tout à fait erronée, pour deux raisons évidentes :

– affirmer en savoir plus que les autres, sur la base d’une affiliation idéologique ou politique est rien de moins que le suprématisme en action ;

– la prétention de posséder la supériorité morale de niveau X ne saurait être scientifiquement vérifiée, sauf à avoir été validée par une autre supériorité morale, encore plus élevée, de niveau X’. Pour pouvoir affirmer que sa position est « d’un niveau moral supérieur », un marxiste devrait poursuivre sa logique et affirmer détenir la position morale encore supérieure X’. Pour vérifier X’, il devra passer à un X’ supérieur, et ainsi de suite… Nous somme confrontés, ici, à la recherche sans fin de la validation d’une signification éthique. Un tel modèle de pensée devrait nous aider à comprendre la raison pour laquelle le marxisme occidental a réussi à se détacher totalement de la réalité éthique et de la pensée éthique, et à ne pratiquement jamais aborder les questions relatives à une authentique égalité.

Le problème – évident – que pose la mise en pratique par le marxisme de la dichotomie « progressiste VS réactionnaire » tient au fait que les Marxistes affirment, de manière expédiente, se situer dans le camp des progressistes, et qu’ils affirment, pleins de sens pratique, que l’ «adversaire » doit être trouvé parmi les réactionnaires. C’est à l’évidence légèrement suspect, voire douteux, à dire le moins.

[4] C’est Phil Weiss, sur son blogue d’une valeur inestimable MondoWeiss, qui a inventé cette définition politique très utile de PEP : Progressiste, Excepté en ce qui concerne la Palestine.

***

Thinking out of the Secular Box: The Left and Islam

« Religion is the sigh of the oppressed creature, the heart of a heartless world, and the soul of soulless conditions. It is the opium of the people. » — Karl Marx 1843

Before I launch into a disclosure of liberal and leftist delusional treatment of religions, Islam and Palestine in particular, I would like to share with you a bad racist joke. Beware; you may not want to share this short tale with your feminist friends.

An American female activist who visited Afghanistan in the late 1990s was devastated to find out that women were marching 15 ft behind their men. She soon learned from her local translator that this was due to some religious guidelines that ruled [this is the way we show] respect for the ‘head of the family’. Once back in America the devastated activist launched campaigns after campaigns for women’s rights in Afghanistan. As it happened, the same devoted activist visited Kabul last month. This time she was amazed to find a totally different reality. Women were actually marching 30 ft ahead of their husbands. The activist was quick to report to her headquarters in America: “The Women rights revolution is a great success here in Afghanistan. While in the past it was the man who marched in the front, now it is the women who takes the lead.” Her Afghani translator, who overheard her report, took the activist aside and advised her that her interpretation was totally wrong. “The women” he said, “are walking in front because of the landmines.…”

As tragic as it may sound to some, we are not as free as we believe ourselves to be. We are not exactly the author of most of our thoughts and realizations. Our human conditions are imposed on us; we are a product of our culture, language ideological indoctrination and in many cases, victims of our intellectual laziness. Like the semi-fictional American female activist above, in most cases we are trapped within our preconceived ideas and that stops us from seeing things for what they really are. Accordingly, we tend to interpret and in most cases misinterpret remote cultures employing our own value system and moral code.

This tendency has some grave consequences. For some reason ‘we’ (the Westerners) tend to believe that ‘our’ technological superiority together with our beloved ‘enlightenment’ equips us with a ‘rational secularist anthropocentric, absolutist ethical system’ of the very highest moral stand.

The Lib-Left

In the West we can detect two ideological components that compete for our hearts and minds; Both claim to know what is ‘wrong’ and who is ‘right’. The Liberal would insist on praising individual liberty and civil equality; the Leftist would tend to believe to possess a ‘social scientific’ tool helping to identify who is ‘progressive’ and who is ‘reactionary’.

As things stand, it is these two modernist secularist precepts that act as our Western political ethical guard. But in fact, they have achieved the opposite. Each ideology in its own peculiar way has led us to a state of moral blindness. It is these two so-called ‘humanist’ calls, that either consciously prepare the ground for criminal interventionalist colonial wars (the Liberal), or failed to oppose them while employing wrong ideologies and faulty arguments (the Left).

Both Liberal and Left, in their apparent banal Western forms suggest that secularism is the answer for the world’s ailments. Without a doubt, Western secularism may be a remedy for some Western social malaise. However, Western Liberal and Left ideologies, in most cases, fail to understand that secularism is in itself a natural outcome of Christian culture, i.e., a direct product of Christian tradition and openness towards an independent civic existence. In the West, the spiritual and the civil sphere are largely separated [1]. It is this very division that enabled the rise of secularity and the discourse of rationality. It is this very division that also led to the birth of a secular ethical value system in the spirit of enlightenment and modernism.

But this very division led also to the rise of some blunt forms of fundamental-secularism that matured into crude anti religious worldviews that are no different from bigotry. It is actually that very misleading fundamental secularism that brought the West to a total dismissal of a billion human beings out there just because they wear the wrong scarf or happen to believe in something we fail to grasp.

Progressive vs. Regressive

Islam and Judaism, unlike Christianity, are tribally orientated belief systems. Rather than ‘enlightened individualism’ it is actually the survival of the extended family that is at the core interest of those two belief systems. The Taliban that is regarded by most Westerners as the ultimate possible darkest political setting, is simply not concerned at all with issues to do with personal liberties or personal rights. It is the safety of the tribe together with the maintenance of family values in the light of the Qur’an that stands at its core. Rabbinical Judaism is not different at all. It is basically there to preserve the Jewish tribe by maintaining Judaism as a ‘way of life’.

In both Islam and Judaism there is hardly a separation between the spiritual and the civil. Both religions stand as systems that provide thorough answers in terms of spiritual, civil, cultural and day to day matters. Jewish enlightenment (Haskalah) was largely a process of Jewish assimilation through secularization and emancipation, and spawning various modern forms of Jewish identities, Zionism included. Yet Enlightenment values of universalism have never been incorporated into the body of Jewish orthodoxy. Like in the case of Rabbinical Judaism, that is totally foreign to the spirit of Enlightenment, Islam is largely estranged to those values of Euro centric Modernism and rationality. If anything, due to the interpretation of the Scriptures (hermeneutic), both Islam and Judaism are actually closer to the spirit of post modernity [2].

Neither the Left ideology nor Liberalism engage intellectually or politically with these two religions. This fact is disastrous, for the biggest current threat to world peace is posed by the Israeli-Arab conflict; a conflict rapidly becoming a war between a Jewish expansionist state and Islamic resistance. And yet, both the Liberal and the Left ideologies are lacking the necessary theoretical means to understand the complexities of Islam and Judaism.

The Liberal would dismiss Islam as sinister for its take on human rights and women in particular. The Left would fall into the trap of denouncing religion in general as ‘reactionary’. Maybe without realizing it, both Lib and Left are falling here into a clear supremacist argument. Since both Islam and Judaism are more than just religions, they convey a ‘way of life’ and stand as a totally thorough answer to questions regarding being in the world, the Western Lib-Left are at danger of a complete dismissal of a large chunk of humanity [3].

I have recently accused a genuine Leftist and good activist of being an Islamophobe for blaming Hamas for being ‘reactionary’. The activist, who is evidently a true supporter of Palestinian resistance was quick to defend himself claiming that it wasn’t only ‘Islamism’ that he didn’t like, he actually equally hated Christianity and Judaism. For some reason he was sure that hating every religion equally was a proper humanist qualification. Accordingly, the fact that an Islamophobe is also a Judeophobe and Christiano-phobe is not necessarily a sign of a humanist commitment. I kept challenging that good man; he then argued that it was actually Islamism (i.e., political Islam) which he didn’t approve of. I challenged him again and brought to his attention the fact that in Islam there is no real separation between the spiritual and the political. The notion of political Islam (Islamism) may as well be a Western delusional reading of Islam. I pointed out that Political Islam, and even the rare implementation of ‘armed jihad’, are merely Islam in practice. Sadly enough, this was more or less the end of the discussion. The Palestinian solidarity campaigner found it too difficult to cope with the Islamic unity of body and soul. The Left in general is doomed to fail here unless it elaborates by means of listening to the organic Islamic bond between the ‘material’ and the so called ‘opium of the masses’. For the Leftist to do so, it is no less than a major intellectual shift.

Such a shift was suggested recently by Hisham Bustani, an independent Jordanian Marxist, stating:

“The European left must make a serious critical assessment of this ‘we know better’ attitude and the ways it tends to deal with popular forces in the south as ideologically and politically inferior.”

Palestine

Solidarity with Palestine is a very good opportunity to review the gravity of the situation. As it happens, in spite of the murderous Israeli treatment of the Palestinians, solidarity with Palestinians has yet to become a mass movement. It may well never make it as such a movement. Given the West’s failure to uphold the rights of the oppressed, Palestinians seem to have learned their lesson, they democratically elected an Islamic party that promised them resistance. Interestingly enough, very few leftists were there to support the Palestinian people and their democratic choice.

Within the current template of conditional political solidarity, we are losing campaigners on each turn of this bumpy road. The reasons are as follows.

1. The Palestinian liberation movement is basically a national liberation movement. This acknowledgment is where we lose all the Left cosmopolitans, those who oppose nationalism.

2. Due to the political rise of Hamas, Palestinian resistance is now regarded as Islamic resistance. This is where we are losing the secularists and rabid atheists who oppose religion, catapulting them to being PEP (progressive except on Palestine) [4].

In fact the PEP are divided largely into two groups.

PEP1. Those who oppose Hamas for being ‘reactionary’, yet approve Hamas for their operational success as a Resistance movement. Those activists are basically waiting for the Palestinians to change their mind and revert to a secular society. But they are willing to conditionally support the Palestinians as an oppressed people.

PEP2. Those who are against Hamas for being a ‘reactionary’ force; and dismiss its operational success. These are waiting for the world revolution. They prefer to let the Palestinians wait for the time being, as if Gaza were a seashore holiday resort.

With these rapidly evaporating solidarity forces we are left with a miniature Palestinian solidarity movement with an embarrassingly limited (Western) intellectual power and even less positive performance on the grass roots level. This tragic situation was disclosed recently by Nadine Rosa-Rosso, a Brussels-based independent Marxist. She states: « The vast majority of the Left, including communists, agrees in supporting the people of Gaza against Israeli aggression, but refuses to support its political expressions such as Hamas in Palestine and Hezbollah in Lebanon.” This leads Rossa-Rosso to wonder “why do the Left and far Left mobilize such small numbers? And indeed, to be clear, are the Left and far Left still able to mobilize on these issues?”

Where Next?

“If the left’s support for human rights in Palestine is conditional and dependent on the Palestinians denouncing their religion and ideological beliefs, cultural heritage, and social traditions and adopting a new set of beliefs, alien values and social behaviours that matches what its culture deems acceptable; that means the world is denying them a most basic human right, the right to think, and to live within a chosen ethical code.” Nahida Izzat.

The current left discourse of solidarity is futile. It estranges itself from its subject, it achieves very little and it seems to go nowhere. If we want to help the Palestinians, the Iraqis and the other millions of victims of Western imperialism we really must stop for a second, take a big breath and start again from scratch.

We must learn to listen. Rather than imposing our belief on others we better learn to listen to what others believe in.

Can we follow Bustani’s and Rossa-Rosso’s suggestions and revise our entire notion of Islam, its spiritual roots, its structure, its unified balance between the civil and the spirit, its vision of itself as a ‘way of living’? Whether we can do so or not is a good question.

Another option is to reassess our blindness and to encounter humanist issues from a humanist perspective (as opposed to political). Rather than loving ourselves through the suffering of others, which is the ultimate form of self-loving, we better for the first time, exercise the notion of real empathy. We put ourselves in the place of the other accepting that we may never fully understand that very other.

Rather than loving ourselves through the Palestinians and at their expense, we need to accept Palestinians for what they are and support them for who they are regardless of our own views on things. This is the only real form of solidarity. It aims at ethical rather than ideological conformity. It puts humanity at its very centre. It reflects on Marx’s deep understanding of religion as the “sigh of the oppressed”. If we claim to be compassionate about people we better learn to love them for what they are rather than what we expect them to be.

Gilad Atzmon
14 July 2009

Notes

[1] Something to do with a low Roman heritage and the early development of Christianity as an expansionist concept aiming to spread itself to remote cultures and civilizations.

[2] It can be argued that the primary agenda behind postmodern attempts is to destabilize the foundations of modern knowledge and [ethics by challenging the possibility of modern universal applicability. As eloquently put by Muqtedar Khan, the postmodernist seeks to privilege the ‘here and now’ over the global. Both postmodern philosophy and Religious theology, says Khan “reject the modernist claim in the infallibility of reason”. Like the postmodernist, Islam and Judaism are skeptical towards the sovereignty of reason and discourses of rationality.

[3] The rather common bizarre Marxist suggestion that ‘quite a few out there’ are in fact ‘reactionary’ for being religious entails the necessary assumption that the Marxist himself is settled comfortably in an absolute moral high ground. Such an assumption is rather faulty for two obvious reasons:

Claiming to know more than others on base of ideological or political affiliation is nothing less than supremacy in practice;

The claim for possession of the highest moral ground X cannot be verified scientifically unless validated by another superior and higher moral ground X’. For the Marxist to sustain his ‘highest moral ground’ position, he would have to move on and claim to be holding the highest position X’. In order to verify X’ he will need to move on to a superior X’ and so on. We are facing here an infinite search for the validation of ethical meaning. Such a model of thought may help us grasp why Western Marxism has managed to detach itself from ethical reality and ethical thinking and hardly engage with issues to do with true equality.

The obvious problem with the Marxist implementation of the ‘progressive vs reactionary’ dichotomy is that the Marxists suitably claim to be among progressives and conveniently claim that the ‘adversary’ is found among the reactionaries. This is obviously slightly suspicious or even dubious to say the least.

[4] Phil Weiss in his invaluable MondoWeiss blog recently coined the useful political term PEP: progressive except on Palestine term.

Source : http://www.counterpunch.org/atzmon07102009.html

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  1. De ce que nous sommes
    A nouveau merci beaucoup Monsieur ATZMON pour cette nouvelle intervention. Merci aussi au travail considérable permis par Hoggar et tous les participant(e) s vers le sauvetage (?) ou au moins la faveur faite à la clarté.

    La lecture de votre texte est rafraîchissante. En nous (r)amenant à une certaine hauteur. En se libérant un temps de l’engluement et de la bassesse habituellement de mise, on respire un peu. Mais la réalité quotidienne est plus que déprimante. Non, le martyr des palestiniens ne peut passer par l’acceptation de leur sacrifice, de façon perpétuelle, ce sacrifice qui est commun au juifs et aux musulmans et qu’il leur est interdit de commettre sur un être humain. En ne faisant rien, « la communauté internationale » nous renvoie à un état de civilisation antérieur (?) déshumanisant et déshumanisé. Ailleurs, en acceptant d’initier et de garantir la perpétuelle guerre totale faite aux peuples arabes et/ou musulmans parce que ses cultures sont un danger pour les impérialismes, les institutions politiques, laïques et religieuses des nations en occident trahissent leurs propres idéaux déclarés. Mais n’a-t’on pas déjà atteint le paroxysme de l’atomisation de la pensée et d’un monde « orwellien »? . Qu’y pourrions-nous ?! Votre analyse décrit bien l’état horriblement obscurci – et à dessein – aujourd’hui, de la situation de conflits multiples que nous connaissons ; et à quel point l’impuissance et la paralysie nous touche. Je n’ai pas de réponse à cela et me suis rapidement rendu compte que mon insistance à aborder ce sujet (au travail par exemple) du positionnement obligatoire de chacun (dans un monde de l’instantané et globalisé) à participer à la réprobation et à marquer son refus de tels agissements dans les usages entre les peuples (je parle des crimes des sionistes en Palestine occupée et de ceux en Afghanistan et en Irak et en Algérie, et des crimes institutionnels des politiques en Europe vis-à-vis de « minorités », et, et…). Les très beaux documents d’information sur BDS, concoctés à partir du très beau travail de nombreux militant(es), j’hésite presque maintenant à les donner … Un problème ? Oui ! Global, général, étouffant et grotesque ! Nous avons laissé grandir des monstres et nous avons maintenant peur de nous découvrir humains, adultes, responsables ? Le vrai objectif c’est la destruction de toute culture de résistance, de toute culture tout court. L’objectif, c’est l’anéantissement de la civilisation humaine. L’objectif est un homme décérébré, consommateur, apolitique et soumis à ses ogres.

    Merci pour ces instants de lumière.

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