Un monde injuste

« Au cours des trois dernières décennies, la croissance rapide a fait baisser le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté (moins de 2 dollars par jour) dans de nombreux pays. Mais dans le même temps, les inégalités de  revenus et de richesses se sont aggravées dans pratiquement tous les pays » [1]. La mondialisation économique dont l’idéologie vantait sans cesse les mérites a créé des îlots de prospérité dans des océans de pauvreté : les richesses à un pôle et la pauvreté à l’autre ; vingt pour cent de la population mondiale détient quatre vingt pour cent des richesses mondiales. Mais en avait il, en a-t-il été autrement une seule fois dans l’histoire du capitalisme ? Certes dans l’histoire il y a eut la révolution des bolcheviques dans l’ex URSS faite pour bannir l’exploitation de l’homme par l’homme mais le système n’était pas viable car il avait privé de millions d’êtres humains des libertés les plus élémentaires.

Que les riches s’enrichissent, nul n’y voit un inconvénient mais que leurs turpitudes (crise financière internationale) créent un désastre sans précédent dans les pays du Sud est d’une effroyable injustice. Le monde est injuste. La soixantaine des pays les plus pauvres qui n’ont guère bénéficié de la mondialisation vont subir le choc en retour. Ils subissent déjà la baisse des recettes d’exportation, le gel des investissements étrangers, l’effritement de l’aide public.

Les transferts de capitaux privés vers les pays pauvres vont s’effondrer : selon l’Institute of international finance, un think tank de Washington ils passeront de 1000 milliards de dollars en 2007 à 165 milliards de dollars en 2009.

Les revenus d’exportation vont se tarir et la banque mondiale estime que le déficit de financement des pays émergents va se situer entre 270 et 700 milliards de dollars.

Il est bon de le rappeler

La théorie de la dépendance très en vogue dans les années 1960 même dans les sciences économiques de l’époque (théoricien Samir Amin entre autres…) soutient que la pauvreté, l’instabilité politique et le sous développement des pays du Sud est la conséquence du processus historique mis en place par les pays du Nord ayant comme résultat la dépendance économique du Sud. Pour l’économiste argentin Raul Prebisch l’enrichissement des pays riches est inversement proportionnel à celui des pays pauvres. Certains affirment qu’il est impossible aux pays du Sud de se développer puisque le développement des pays du Nord repose sur le sous-développement de ceux du Sud. Les partisans de la théorie de la dépendance soulignaient pour leur part que les échanges avec les pays du Nord étaient toujours dominés par l’inéquitable modèle colonial : les sommes que touchaient les pays en développement en échange de leurs matières premières étaient trop faibles tandis que les biens industriels qu’ils achetaient étaient trop chers. Ainsi le commerce avec l’Occident ne faisait qu’aggraver leur dépendance. Bien qu’il existe cependant de nombreuses divergences entre les théoriciens de la théorie de la  dépendance, tous ont en commun ceci :

1) Les pays les plus pauvres sont dans l’obligation de fournir des ressources naturelles ou de la main d’œuvre bon marché aux pays les plus riches. Ces obligations sont le résultat de la colonisation ;

2) Les pays les plus riches ont mis en place un ensemble de contraintes (légales, financières techniques et autre) qui ont rendu les pays les plus pauvres dépendants. Ces contraintes sont, entre autres, le résultat d’un transfert technologique déficient entre les pays riches exportateurs de la technologie et les pays pauvres du Sud qui en sont dépourvus.

Pourtant  L’impossibilité pour les pays du Sud de se développer a été contredite par l’histoire avec le décollage économique des 4 dragons dans les années 60 et de la Chine et de l’Inde depuis les années 80. Populaire donc dans les années 60 et 1970, la théorie de la dépendance a perdu de sa pertinence avec la chute des dictatures et la victoire de gouvernements démocratiques, voire de centre gauche, au Chili, au Brésil et en particulier au Venezuela, démontrant que le système politique était en mesure de se démarquer des pressions économiques des firmes multinationales des pays du Nord. N’empêche, qu’une   critique juste de la théorie de la dépendance affirme que celle-ci sous évalue le rôle joué par les élites et économies locales dans le sous développement chronique de ces pays. Cette critique montre par exemple le rôle joué par la corruption (un sérieux frein au développement) ou l’absence de culture de compétition. D’autres critiques affirment que la théorie de la dépendance est trop générale et n’a pas suffisamment analysé les disparités du développement entre les pays du sud.

En 2009 le discours officiel algérien qui prône la lutte contre la corruption est fort pertinent maintenant que les maux, les causes des sous développement sont connues. l’Algérie disent nos médias nationaux et internationaux reste un des pays les plus corrompus au monde. Nous espérons donc que ce nouveau mandat va  servir au gouvernement à lutter contre ce mal

La fin des eldorados

Les pays riches offrent moins de travail à leurs citoyens. L’heure est partout en Europe, en Amériques aux licenciements, crise économique oblige. Selon les prévisions de l’OIT (organisation internationale du travail), la récession va détruire 52 millions d’emplois dans le monde. Qu’en est-il du sort des migrants du sud vers le nord ? Bientôt la fin des flux migratoires titre Newsweek dans  un article repris par Courrier International du 1 au 8 avril 2009. Les experts prévoient pour cette année 2009 une baisse de 30% du nombre de nouveaux migrants du Sud vers le Nord compte tenu des faibles perspectives d’emploi et du durcissement des politiques d’immigration. Nous assistons et assisterons au phénomène inverse : le retour des immigrants dans leurs pays d’origine faute du manque de travail dans les pays d’accueil.

– 30000 anglais pourraient quitter l’Irlande touchée de plein fouet par la crise…

– En Malaisie 200000 indonésiens ont été renvoyés chez eux en 2008 à la suite de fermetures d’usines…

– La production de pétrole baisse. Résultat : la moitié des 13 millions de travailleurs immigrés employés dans les champs pétrolifères et l’industrie des services des pays du Golfe risque d’être licenciée dans les mois qui viennent et obligée de partir…

– Au Japon où des géants comme Toyota sont en difficultés, 10000 des 317000 travailleurs temporaires brésiliens que compte le pays ont perdu leurs emplois au cours des quatre derniers mois….

– Quelques 20 millions de chinois qui avaient afflué dans les villes pour alimenter une économie en plein essor retournent dans leurs campagnes alors que les chaînes de montage et les hauts fourneaux ferment dans le Shandong et à Shanghai….

– Entre 2000 à 2006, un million de mexicains avait émigré chaque année aux Etats-Unis. Mais avec le repli de l’emploi et des prévisions de croissance de prés de 1% cette année au Mexique, les experts prédisent que le pourcentage de mexicains émigrant vers le Nord sera inférieur de 39% en 2009.

Cette tendance risque d’avoir de lourdes conséquences pour le monde en développement car les migrants envoient dans leur pays une grande partie de l’argent qu’ils gagnent à l’étranger, ce qui constitue une source vitale de revenus pour les familles et un soutien pour l’économie de leur pays d’origine. Cela pourrait s’avérer dramatique pour certains pays du Sud. Le ministre de l’économie du Kirghizistan a récemment prévenu la population qu’une chute brutale des transferts de fonds pouvait conduire le pays à la faillite.

L’Algérie possède encore les moyens de sauver l’emploi et peut être la chance d’en créer. Ce qui constituera un peu d’espoir pour la population 

Nourdine Amokrane
6 mai 2009

[1] Adieu nos exportations ! Walden Bello. Courrier International
http://www.courrierinternational.com/article/2009/04/01/adieu-nos-exportations

2 commentaires

  1. Nordine, ton article est d’une grande teneur. Très documenté. L’analyse est lucide. Félicitations ! Cependant l’optimisme de la dernière phrase mérite des éclaircissements. Un autre article s’impose donc. Bon courage !

    • REPONSE A MOUSSA
      Merci MOUSSA pour ton commentaire. OPTIMISME? Même si optimisme il y a ,deux décennies de pessimisme n’ont rien résolues en Algérie. Voilà je suis en train de lire un excellent article du professeur agrégé de sciences économiques SAMIR AMIN né en1931. L’article du 10 mai sur la crise économique mondiale de ce prof est très interessant; il est intitulé: CRISE: RESTAURER LE SYSTEME TEL QU’IL ETAIT NE PEUT CONDUIRE à TERME QU’à UNE CRISE PLUS GRAVE ENCORE. Si je peux déjà te recommander cet article

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