Le dernier rapport CERD (Comité pour l’élimination de la discrimination raciale) (1) tire la sonnette d’alarme concernant la disparition de l’identité et de la culture berbère en Tunisie. La langue berbère, est de plus en plus réduite à quelques espaces géographiques tunisiens. Selon les autorités tunisiennes, « On peut indiquer que les Berbères de Tunisie sont particulièrement bien intégrés dans la société tunisienne et qu’ils n’ont pas de revendications. En outre, il n’y a pas de tribus nomades en Tunisie ». Selon le rapport CERD, « En s’obstinant dans cette politique d’arabisation et d’assimilation forcée des Berbères, l’Etat tunisien commet l’un des crimes les plus horribles car elle prive la Tunisie d’une composante essentielle de son histoire, identité et culture. C’est par ailleurs, poursuit le rapport, le patrimoine de toute l’humanité qui sera privé de cet apport millénaire car cette culture berbère ne peut représenter qu’une richesse aussi bien pour la Tunisie que pour l’Humanité. » (2). A noter que, dans la Constitution tunisienne, il n’y a pas de trace de la berbérité ; l’article 1 de la constitution tunisienne stipule que « la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’Islam, sa langue l’arabe et son régime la république », contrairement à l’Algérie qui reconnait officiellement l’héritage berbère. Cependant, ce sujet est toujours une source de débats.

En mars 2009, dans une correspondance adressée aux députés européens Rachid Raha, le président du CMA (Congrès Mondial Amazigh) rapporte le statu quo des Amazigh au Maroc. Selon lui : « De graves dérives et régressions des droits des citoyens amazigh résultent d’une politique discriminatoire affichée d’apartheid anti-amazigh, qui contredisent tous discours officiels ». Dans le prologue de la Constitution marocaine, nous ne trouvons aucune trace de la berbérité marocaine : « Le Royaume du Maroc, Etat musulman souverain, dont la langue officielle est l’arabe, constitue une partie du Grand Maghreb Arabe. Etat africain, il s’assigne, en outre, comme l’un de ses objectifs la réalisation de l’unité africaine. »

L’auteur de cette correspondance a énuméré ces dérives dans plusieurs secteurs : le système éducatif, l’audiovisuel, la culture et les services d’état civil qui refusent d’enregistrer les nouveaux nés qui portent des prénoms berbères. Cet acte discriminatoire constitue une violation à la Déclaration des droits de l’homme dont le Royaume du Maroc est signataire aux côtés de l’Union Européenne qui lui a accordé en contrepartie « un statut avancé » le 13 octobre 2008.

Qu’en est-il chez nous ? Les Français ont échoué dans leur désir de nous inculquer que nos ancêtres étaient des Gaulois. Aujourd’hui, les arabophones veulent nous convaincre que nous descendons des Arabes ! (3) Dans la presse, quelques articles renforcent cette idée. C’est un glissement identitaire dangereux. Leurs auteurs n’ont visiblement pas étudié les mêmes manuels d’histoire que nous. Ils réécrivent l’histoire selon leur conception. La reconnaissance de la langue amazighe est constitutionnelle en Algérie, mais elle n’est pas effective. Même s’il existe une chaine télévisuelle amazighophone, ceci n’est qu’un arbre qui cache la forêt.

Face au nombre croissant de villages qui s’arabisent, surtout en Kabylie, à Tipaza et dans d’autres régions en Algérie, je tire la sonnette d’alarme sur l’usage de la langue berbère dans la vie quotidienne algérienne. A titre d’exemple, Sétif était une région globalement berbérophone (chaouia et kabyle) avant que l’arabe ne soit couramment utilisé. Bougaâ est devenue quasiment arabophone. Les Kabyles de cette ville parlent peu le kabyle, qui n’est utilisé que par une génération de parents. Désormais les enfants parlent l’arabe à la maison, comme signe « d’intégration ». Je peux citer d’autres villes telles que Guinzette où le village d’Ait Yâala est encerclé par d’autres villages complètement arabophones. Le même phénomène est observé dans d’autres régions comme Bouira, Bordj-Bou-Arreridj, Tipaza, dans la région de Chaouia et dans les villes du Sud.

Les prénoms sont de plus en plus orientalisés et parfois occidentalisés. Des Nesserine, Imans, Zeineb, Imad, etc., ont remplacé les prénoms de nos aïeuls. Mustapha Lacheraf a soulevé cette question dans son ouvrage Des Noms et des Lieux. De nos jours, certains services d’états civils refusent d’enregistrer des prénoms d’origine berbère. C’est le cas d’un Kemkem Syphax à la commune d’Aïn Ousséra (4).

La civilisation arabe et musulmane est omniprésente dans l’enseignement scolaire au détriment de la civilisation berbère et ses influences dans le bassin méditerranéen et dans la civilisation arabo-musulmane. Cela constitue une lacune édifiante et sans doute volontaire qui laisse les jeunes Algériens à la merci des manipulations de certains courants idéologiques.

Diabolisation des régions berbérophones. C’est le cas de la Kabylie. Quelques titres de la presse sèment la zizanie dans cette région. Ils donnent du Kabyle l’image d’un antimusulman, qu’il faut convertir à tous prix pour le remettre dans le droit chemin ! (5)

Sur le plan idéologique, on associe la langue arabe à la religion musulmane. Le quidam pense que la langue arabe a un statut supérieur à la langue berbère.

L’histoire répandue sur la présence musulmane en Afrique du Nord, particulièrement en Algérie, est faussée et ce, pour des raisons dogmatiques.

Débilisation et/ou diabolisation de certaines pratiques culturelles, sous prétexte qu’elles ne répondent pas à la doctrine religieuse musulmane ? Qui sera le garant de notre héritage culturel ? Allons-nous reprendre nos droits ou laisser les autres tuer notre culture et par conséquent, une partie de l’histoire algérienne ? Doit-on désapprouver toutes pratiques culturelles qui ne répondent pas aux préceptes musulmans ?

Aucune journée ne célèbre de héros berbères tels que la Kahina (Déhia), Massinissa, etc. Aucun boulevard, aucune rue, aucun lieu public ne portent le nom d’un berbère célèbre. Et pourtant ils ont existé, ce sont les fondateurs de notre identité, de notre histoire.

Il est indispensable que nous restions vigilants face aux distorsions que subissent insidieusement notre histoire et notre identité. Si nous n’y prenons garde, un jour nos ancêtres deviendront arabes !

Yazid Haddar
21 avril 2009

Notes

1) Genève, 16 février au 6 mars 2009.
2) Idem, p7.
3) Cf. Ech-chorouk El-youmi du 14 mars 2009.
4) Cf. Liberté 9 mars 2009.
5) Cf. Ech-chorouk El-youmi du 26 mars 2009.

7 commentaires

  1. Oui nos ancêtres sont des arabes
    Je vous confirme qu’une majorité d’Algériens peut se flatter d’avoir des ancêtres arabes.

    Pourquoi voulez vous occulter notre dimension arabe? Nous sommes une majorité d’araboberberes, mais il existe aussi des communautés berberes et berberophones, comme en Kabylie et dans les Aures, et des communutés arabes et arabophones, comme les populations des hautes plaines, de Tebessa jusqu’à El Bayadh. Ne perdez pas de vue que l’arrivée des Beni Hillal dans le Maghreb, qui sont des arabes de souche, et qui se sont definitivement installés dans notre région, étaient presque aussi nombreux que les populations berberes de l’epoque.

    Renier cet apport arabe dans la composante ethnique de notre pays, est tout aussi condamnable que le reniement de notre dimension berbere.

    Nous sommes tous des Algériens, nous devrions nous honorer d’être des berberes, des arabes et des araboberberes. La langue arabe nous est chère, car c’est celle du Coran, celle dans laquelle notre Dieu nous a transmis le Coran.

    • reply
      First of all, thanks for this priceless piece; in fact you’re right, I wonder why people are still coming back each time on this subject, we should let it behind and take profit from this variety instead of creating useless battles, wasting efforts and time and inducing conflicts that ,indeed we are not in need for, hamper our progress. Please, we should look for developed nations which crossed big strides in various realms without raising the ethnic and religious differences; in the contrary, they have always been able to overcome such blunders.

      I want to give only tow examples concerning tow nations that are totally different but, one in an abject poverty and the second in an increasingly great evolution: We know the United states’ nation as just a collection of individuals from different parts of the world, even though, they are leading the world, scientifically, politically, economically and socially. Their endless aim is that to remain the first innovation nation, they are working hard to realize this noble dream and it’s worth it. On the other hand, we find Sudan, with the purest race in the world, as the only nation which has a pristine identity with respect to its rich history. But this pristine identity has nothing to do with frozen brains, not able to think on noble targets; as a result this fraternal country is still embarking within its internal conflicts that have put it on the verge among the least developed countries.

      To sum up, Algerian people should be proud to be Arabs and Amazires at the same time. We should overcome all these differences, which are in the reality best acquisitions, and build our Algeria based on our community in its all diversity

      • Qu’est-ce que tu dis ?
        à Rachid – reply |16-05-2009 11:19:06

        Sorry,comme Maxime Saury, mais je n’entrave quedalle à la langue de Shakespeare.Déja que,entre le Berbère,l’Arabe et le Français j’ai le tournis…; alors,n’aggrave pas mon cas avec l’English!

        Juste une petite, very small,question: que sont devenus les « Red-skins » Navajos,Sioux,Apaches et autres « primitifs » indigènes?!Hein?,tu dis quoi?, c’est pas la même chose?,je mélange tout?,je cherche la petite bête? Ah,bon?!

        Chez nous, in Algeria,depuis 14 siècles que les Arabo-musulmans sont là avec nous (et c’est tant mieux!),il n’ya pas eu de Général Custer,d’esclavagisme, de lynchages collectifs,de Wounded-Knee,de Goulags,de camps de la mort,de génocides franco-français à la Vendéenne, africains à la Rwandaise,asiatiques à la Pol-Pot and so on…grâce à Dieu!

        Mais, nous eûmes pour notre gloire,l’Emir Abdelkader,El-mokrani (que Dieu les agrée auprès de Lui).Deux figures de la résistance islamique; l’un un Arabe, l’autre un Kabyle unis dans le sang contre les hordes barbares exterminationnistes venues du Nord!

        L’important pour un croyant musulman arabo-berbère, ce n’et pas la rose, mais « el youm el kiyama »,l’heure du jugement dernier;de répondre de ses actes personnels devant son Créateur.

        Don’t be misunderstood, my friend!

    • Nos ancêtres les africains
      C’ est vraiment du grand n’ importe quoi !
      Encore un néo-nassériste voire un islamo-baathiste qui fait du révisionnisme.

      Aujourd’ hui les études génétiques ont clairement reconnu le fait que l’ ensemble des nord-africains sont des berbères de souche. Et que les apports sémites, si peu qu’il y en aient peuvent aussi bien venir des Phéniciens que de tribus sémites arabes.
      Il y aussi un apport d’ Afrique Sub-Saharienne.

      • Nos ancêtres les Ariens!
        En plein dans le délire !

        Des études génétiques ?! des adeptes de Josef Mengele pour instituer la sélection ethnique en Algérie.. on aura tout vu!

        Que tu sois génétiquement berbère, arabe ou zoulou c’est comme si tu me disais avoir deux trous dans les narines; cela ne dit en rien qui tu es.

        Une question: Un berbère « génétique » se marie à une arabe « génétique », ou l’inverse, leurs enfants sont quoi « génétiquement » ?

        Je complique un peu la question: Ces enfants là, multipliés à quelques autres milliers d’enfants semblables, combinent leurs « gènes » à volonté pendant des siècles, on obtient quoi du point de vu « génétique » comme population ?

        Albert Einstein a dit un jour : « Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue. »

  2. Le culte de la culture
    Vous ne faites que constater que « les berbères » s’arabisent de plus en plus sans nous en donner les raisons. Peut-être que ces populations se plaisent dans cet enrichissement de leur culture propre; depuis quand la culture est elle statique ? peut-être que les gens concernés trouvent que leur dialecte, malgré tous les efforts des congrès mondial berbère, chair de langue berbère de l’université xy, dictionnaires du berbère et autres Coran, Bible en berbère n’a pas réussi à se hisser au rang de langue; laquelle, l’arabe, s’y trouve depuis qu’ils l’on connue et aimée et que leurs sages l’ont promu et protégé, ils en sont devenu des maîtres auprès desquels les arabes viennent se ressourcer.

    Ceci-dit le drame n’est pas dans ce que le CERD de Genève veuille bien relever, mais plutôt en ce que constate tout un chacun quotidiennement en écoutant les algériens (tentant de) s’exprimer, c’est à dire la disparition de la culture tout court de quelle couleur qu’elle fut avec une tentative grossière d’imposer le français sur tout les plans. Le résultat est bien entendu, lamentable mais le dessein est néanmoins là et la langue des algériens en pâtit.

  3. Fort Alamo
    à Yazid Haddar

    « Azoul filèk à sahbi amazigh de Aît Yala, miss nt’mourt del djazaîr tamoukranete! »

    Alors, c’est-y pas touchant ce sabir-pataouète de berbère transcris en caractères latins avec, au passage,un emprunt à la langue arabe?!

    Tiens camarade, c’est du même tonneau que le créole :

     » Dans les jours à venir, nou ké ni a fouté on séryé koud lyann ankò !

    Pèp Gwadloup, Travayè byen bonswa ! Pèp Gozyé, tout moun ki la byen bonswa!(dixit Elie Domota).

    Très coloré, non?

    D’autre part,la panique semble vous submerger car vous écrivez: »Je peux citer d’autres villes telles que Guinzette où le village d’Ait Yâala est encerclé par d’autres villages complètement arabophones. Le même phénomène est observé dans d’autres régions comme Bouira, Bordj-Bou-Arreridj, Tipaza, dans la région de Chaouia et dans les villes du Sud ».

    Des villages de Berbères montagnards « encerclés »(?!?!)par les « béni-Hillal » ces sauvages « bédouins » qui, on le sait tous, hein?!, là où ils passent,l’herbe ne repousse plus! Encerclés…comme à Fort Alamo!

    Allez-va,retournez donc à StMich,au cinoch!Il parait qu’il y a de nouvau le remarquable film : »le dernier des Berbères…euh,excuse-me,le dernier des Mohicans…bien sûr!

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