Face à l’effroyable ethnocide de masse mené par l’Etat d’Israël à Ghaza, il y a de quoi s’interroger de manière compulsive sur ce que sont devenues les « consciences malheureuses » du monde « libre » ? Carnage, massacres, boucherie humaine… Que d’euphémismes face à une réalité dont la sidération devait prendre de court toute rationalité ou conscience politique sur cette terre. Et pourtant, au mieux on évoque « juste » une crise humanitaire ! Rien que ça !

Depuis le 11 septembre et l’invasion de l’Irak par l’armée américaine, rares sont les moments où un silence aussi béant n’a été aussi de rigueur !

Des centaines de morts mutilés et quasiment méconnaissables, des milliers de blessés, des bombes au phosphore blanc prohibées au niveau international et comptant parmi les plus dangereuses, provoquant de graves lésions, sont désormais à l’œuvre, sans qu’aucune voix ne s’élève pour crier au « crime de guerre ! »

Où sont-t-ils, ces « éclaireurs » de la nouvelle pensée post nietzschéenne ? Y’aura-t-il un écho aujourd’hui au « Discours de la haine » d’André Glucksmann ? Qui, selon lui « Le bien et le mal ne sont pas des grandeurs parfaitement opposées l’une à l’autre ; le bien souvent accouche du mal et la capacité de voir le mal en face est ce qui nous ouvre la capacité d’un bien relatif. » (1)

Alain Finkielkraut, serait-il capable aujourd’hui de commenter son propre énoncé : « Une voix vient de l’autre rive » ? Ce court essai qui s’interroge notamment sur le devoir de mémoire. Et son inquiétude de faire d’Auschwitz ou de la shoah un tabou ? Et enfin, Bernard-Henri Lévy auteur de « Ce grand cadavre à la renverse », est-il toujours aussi fidèle à la mémoire et aux combats de la gauche ?

La littérature ou plutôt la philosophie, feront-t-elles semblant d’annoncer la « faillite » de la pensée que de s’aventurer sur le terrain miné des lobbies obscurs mais bien réels en faveur de l’impérialisme postmoderne ? Le bon docteur viennois, Sigmund Freud annonçait déjà en 1929 le « Malaise dans la civilisation ». Sauf qu’aujourd’hui, la voix des soi-disant philosophes préfère se terrer dans la lâcheté de l’indifférence que de bégayer face à l’immonde ! Enfin, tant que monsieur Shimon Perrés les rassure en direct à la télévision que de toutes les façons « Nous sommes capables de protéger nos enfants ». C’est-à-dire, les enfants israéliens bien entendu.

Quant aux bambins de Ghaza, ils peuvent succomber au phosphore blanc sans attendre les dirigeants arabes et occidentaux pour les pourvoir de quelques convois humanitaires. Au même temps, Alexandre Adler, l’historien ami des médias, ne trouve aucun scrupule pour admettre publiquement et en direct sur la télévision Française FR3 (2) qu’il « ne condamne pas les tueries de civiles palestiniens » ?!

Pourquoi ? Il semblerait qu’il suffisait d’installer des « couloirs humains » pendant quelques heures (arrêt de bombardements massifs) et le tour est joué ! Le reste c’est du « détail » ! Tout est permis à l’armée d’occupation y compris à faire convulser les auteurs de toutes les conventions internationales.

Que de honte et d’amertume à entendre en boucle les déclarations assourdissantes de dirigeants transformés à l’occasion en philosophes de l’« humanitaire » ! Une grandeur d’âme, on ne peut plus inouïe. Comme si voir des corps d’humains déchiquetés et de bébés étripés par les déflagrations doit passer à l’arrière plan de la nouvelle conscience universelle version An deux mille !

Des soldats israéliens peuvent utiliser des familles palestiniennes comme boucliers humains, bombarder des écoles de l’URNWA, carboniser des familles entières d’une dizaine de membres, prendre position dans « plusieurs maisons palestiniennes, forçant des familles à demeurer dans une pièce au rez-de-chaussée pendant qu’ils utilisaient leur maison comme une base militaire et une base de sniper » (3). Tout cela, ne constitue désormais qu’une simple affaire à connotation généreusement humaine ! De quoi légitimer l’entreprise macabre et la boucherie israélienne.

Tous les décors de grandes démocraties ou de pseudo-attachements aux « grands » principes des droits de l’homme viennent de tomber un par un. Comme un château de cartes. A l’image de l’effondrement des ressorts du capitalisme sauvage et ses institutions boursières dilapidant des milliards de dollars. Une hypocrisie mondiale incapable d’appliquer à soi-même le principe du service minimum à l’égard de la personne humaine. Une incapacité étrange à s’affranchir du carcan diplomatique résolument infâme de tout point de vue. Un bouquet d’image d’enfants, de femmes, de vieillards…, abasourdis par la violence barbare de l’armée n’aura pas suffit à faire réagir les âmes irréversiblement muettes ! Enfin si ! Un semblant d’« opiniâtreté » de trêve de quelques heures, ou encore ce lâché de ballon d’initiative à la Moubarek pour un cessez le feu, après avoir réaffirmé le maintien du blocus sur Ghaza, côté égyptien (le 3 janvier 2009) ! Les signes de retour de la diplomatie algérienne sur la scène internationale ne se font guère ressentir, du moins dans cette partie du monde si éloignée !

Quant à l’auteur du « Yes we can », monsieur Obama, lui semble plutôt pressé pour un vaste plan de relance de l’économie américaine, sans lequel la situation risque d’empirer « de façon dramatique ». Mais le désenchantement risque de provoquer en nous des vertiges beaucoup plus saumâtres en matière de politique étrangère des Etats-Unis. Car, après l’euphorie hystérique des élections de novembre dernier, le lobby impérialo-sioniste finira par reprendre ses droits « naturels ». Puisque il constitue l’incarnation même du « principe de réalité ». Donc le massacre de civils à Ghaza n’aura pas d’interlocuteurs escomptés prêts à la compassion outre-Atlantique !

Enfin, la population de Gaza finira bien par panser ses plaies, surpasser sa douleur, enterrer ses martyrs, retrouvera des ressources mentales pour digérer son deuil, saura résorber sa mélancolie, à l’image de ses frères libanais en 2006. Elle trouvera le courage nécessaire pour affronter les fresques diaboliques des démolitions, de maisons, d’écoles, de cliniques… Elle saura inventer des histoires à conter aux petits pour retrouver leur sommeil naturel. Elle trouvera des astuces pour leur faire oublier le cauchemar des nuits sombres des bombardements. A imaginer des récits pour atténuer la souffrance de leurs parents, frères, sœurs et proches morcelés dans la fumée et poussière des obus israéliens.

Mais nul ne saura se consoler de la lâcheté des consciences des dirigeants occidentaux « résolument » démocratiques et autres super-promoteurs et théoriciens de principes des droits de l’homme !!! Quant à leur inféodés parmi les régimes des pays arabes, il nous semble laborieux de parier sur la chimie du pire à venir !?

Samy Khoukoum
11  janvier 2009

Sources : AFP, APS, Amnesty International

1) André Glucksmann – Extrait d’un Entretien avec Guy Rossi-Landi – Septembre 1997, in http://www.evene.fr/celebre/biographie/andre-glucksmann-1526.php
2) Lors de l’émission « Ce soir (où jamais !), FR3, jeudi 8 janvier 2009.
3) Malcolm Smart, directeur du programme d’Amnesty pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.

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