Quel est le rôle véritable de Maître Ksentini? « officiellement », il est le « Président de la Commission consultative de promotion et de protection des droits de l’homme ». Une commission à rallonges de qualificatifs qui sonnent comme de la mauvaise conscience. Un peu comme République algérienne démocratique et populaire!

Très médiatisé, très peu critiqué par une certaine presse, malgré ses prises de position outrancières en faveur du régime, Maître Ksentini est pourtant bien plus efficace pour celui-ci, en termes d’esbrouffe, qu’un Rezzag Bara répétita, de triste mémoire.

A la différence de celui-ci, dont le rôle était d’étouffer les cris des suppliciés et de jeter un voile pudique sur les pratiques criminelles du régime, de façon maladroite et honteuse, en rentrant la tête dans les épaules, Maître Ksentini, lui, a réussi la gageure d’habiller son action, pardon son activité, par des effets de manche et des déclarations tonitruantes en faveur de certains cas qui tout en étant très importants, et très douloureux, se trouvent être hors du champ des services de sécurité et du régime, en général. Un peu comme s’il voulait détourner les regards qui pèsent sur celui-ci. Ainsi, personne ne pourrait lui reprocher de s’activer dans l’affaire des détenus algériens à Guantanamo, en Lybie ou en Tunisie, d’écrire au Président de la République pour soulever le problème de la cherté de la vie, de la détention préventive, d’évoquer celui des harragas, et d’attirer, sans recommandations, l’attention des autorités sur la situation explosive de la société. Des effets de scène qui ne dérangent personne, et surtout pas ceux qui lui ont confié la délicate mission de défendre les “droits de l’homme”, sans faire de vagues cependant. Cette activité de Me Ksentini, très médiatisée, curieusement la plus relayée des organisations de défense des droits de l’homme, comme si des instructions avaient été données pour ce faire, me fait penser à un pompier qui appelle les pompiers. Mais pour les envoyer éteindre un feu de foret, au moment où la ville brûle.

Parce que, curieusement, à côté de toute cette frénétique mobilisation, qui consiste surtout à poser des cautères sur des jambes de bois, comme dans le sujet des harragas, nous pourrions remarquer, malgré la stupéfiante absence de critiques de la presse, que l’essentiel des déclarations de Me Ksentini, consiste à redorer le blason, très terni, des services de sécurité, et à se faire l’avocat du diable. Et quel diable! Avec un art consommé du mensonge et de la manipulation.

Ainsi, Me Ksentini, droit dans ses babouches, et avec une audace qui confine à l’ingénuité, nous apprend que « la situation des droits de l’homme en Algérie est parmi les meilleures en Afrique! » Meilleure que celle du Rwanda, par exemple. On voit, à travers cette déclaration, toute l’amoralité et la toute la mesquinerie d’une démarche qui ne s’embarasse même pas de vraisemblance. Encore que si on dressait une liste de toutes les déclarations de ce personnage, on pourrait postuler au Guiness book de l’arnaque verbale.

S’exprimant, encore une fois, au sujet de la Charte pour la réconciliation nationale, il a déclaré récemment que « c’est un décision historique de l’envergure même de la Déclaration du 1er novembre! » Rien que ça!

S’opposant fougueusement à une enquête de l’ONU sur les récents attentats d’Alger, il a dit: « Cela signifierait que réellement, l’ONU doute des auteurs et des commanditaires de ces attentats » Alors qu’il est bien placé pour savoir que ces derniers sont clairement identifiés par toute la population. Et de poursuivre: « C’est donc l’état qui pourrait être l’auteur de ces attentats? Sinon pourquoi un enquête? De la seule volonté de la mener, surgit malheureusement la fameuse polémique de Qui tue qui » Puis de conclure, avec une emphase théâtrale: « On veut seulement humilier l’Algérie! »

Me Ksentini est tout ainsi! Il procède d’un discours à sens unique qui se soucie comme d’une guigne de ce que peuvent en penser les Algériens. Le tout est d’asséner des énormités, puisqu’il est assuré qu’elles seront relayées, sans vrai commentaires. La logique de celui qui sait qu’il ne peut qu’avoir raison, puisqu’il est le seul à parler.

Imposée comme canal obligé pour les ONG internationales qui souhaitent s’enquérir de la situation des droits de l’homme en Algérie, la Commission de Me Ksentini pilote celles-ci de façon à ce qu’elles ne puissent rien trouver. Et si d’aventure l’une d’elles, comme RSF, trouve à redire à ces méthodes de cloisonnement de l’information, alors ce grand défenseur des droits de l’homme qu’est Me Ksentini sort une autre carte de ses manches: « RSF est un ennemi déclaré de l’Algérie » vient-il de déclarer devant un parterre de journalistes, à Constantine. Sans plus de réaction!

Me Ksentini s’est distingué ainsi à cadenasser les portes déjà fermées. Il est devenu le rempart médiatique d’une certaine gestion du pays par le DRS. En s’opposant à la levée de l’état d’urgence, une position insolite pour un défenseur des droits de l’homme, il a montré qu’il avançait à visage découvert. En soutenant avec un tel aplomb que le dispositif d’auto amnistie était l’équivalent, en terme de valeur, de la déclaration du 1er novembre 1954, il fait d’une pierre deux coups: Il vole au secours de ceux qui ont trouvé le moyen de se soustraire aux poursuites internationales pour crimes contre l’humanité, et il apporte un soutien, qu’il croit considérable, au Président Bouteflika, notre nobelisable national.

Avec moins de talent, Rezzag Bara a été nommé ambassadeur, pour services rendus. C’est dire que Me Ksentini ne se mouille pas pour des clopinettes.

Djamaledine Benchenouf
29 février 2008

Source: Tahiabladi.com

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