Entretien (très probable) sur le « regretté » général Lamari

Mounir Boudjema : Dis, tu viens de faire une déclaration étonnante sur feu le général Lamari !

Madani Mezrag : Pourquoi étonnante ?

Mounir Boudjema : Tu lui tresses de beaux lauriers alors qu’il t’a combattu et t’a fait déposer les armes.

Madani Mezrag : Pas du tout, mon frère ! Nous avons passé des accords secrets… qui, j’espère, le resteront… Inchallah ! A propos, j’ai lu ton article sur notre défunt El Hadj Smain. Je vois que tu manies toujours bien la brosse à reluire…

Mounir Boudjema : Ah, cette brosse ! Elle est bien usée depuis tout ce temps que je suis un des scribes attitrés du DRS. Mais, pour cette douloureuse occasion, j’en ai pris une toute neuve… Le cirage est de top qualité, importé, made in France.

Madani Mezrag : Nous sommes d’accord au moins sur une chose : El Hadj était quelqu’un de modeste, proche du peuple. La preuve, il allait se mêler, incognito, à la foule du stade d’El Harrach pour soutenir son équipe favorite.

Mounir Boudjema : Non, en fait, le foot, il s’en foutait, El Hadj. Ce qui l’intéressait, c’était le stade même. Tu me comprends… rappelle-toi 1973… Santiago du Chili…

Madani Mezrag : Ah, je m’en doutais un peu mais sa piété m’a convaincu du contraire…Tu t’imagines, sept pèlerinages à la Mecque ! Sans compter les innombrables « omra » ! Un tel « fou de Dieu » ne pouvait avoir que de bonnes intentions…

Mounir Boudjema : C’est vrai, d’une grande piété, il était. Je le voyais souvent avec un Coran dans la main gauche et une hache dans la main droite. Et crois-moi, il avait une sacrée droite !

Madani Mezrag : Ce qui me chagrine, c’est qu’il côtoyait un peu trop les mécréants français et américains.

Mounir Boudjema : Tu me déçois, mon frère. Tu oublies que ce sont des gens du Livre ? Tu dois le savoir, non, toi l’ancien Imam ? As-tu jamais vu notre Smain aller prendre ses ordres chez ces idolâtres de Bouddhistes ou d’Animistes ?

Madani Mezrag : Tu as raison, frère, je m’égare par fois, maudit soit Satan ! El Hadj suivait, en effet, nos saintes lois à la lettre. Rien de mal donc l’achat du napalm à nos proches cousins israéliens, notre légendaire hospitalité pour les troupes US au Sahara.

Mounir Boudjema : T’a tout compris, mon frère. Au fait, il paraît que tu vas te relancer dans la politique…

Madani Mezrag : Tu as là le meilleur effet de notre sainte réconciliation, que nous avions appelée de tous nos vœux le frère Smain et moi-même ! Le passé c’est du passé. Mektoub ! Laissons les morts reposer en paix, les torturés panser leurs blessures, et les disparus euh… peut-être reparaîtront-ils un jour… sait-on jamais.., Allah est Tout-Puissant.

(Puis se levant, à l’appel du muezzin) : je te laisse, frère Mounir… le devoir m’appelle.

Mounir Boudjema : Tu vas faire ta prière ?

Madani Mezrag : Non. Je vais à mes affaires… D’abord l’obligation, ensuite la dévotion…

Mounir Boudjema : Dieu te garde, frère Madani. Moi, je reste encore. J’attends que le DRS*** me faxe ses instructions pour mon prochain article.

Notes

Mounir Boudjema est directeur du quotidien algérien Liberté.
Madani Mezrag est l’ex-chef de l’Armée Islamique du Salut.
DRS : les services secrets algériens dont le général Lamari a été le numéro 2.

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