Durant toute la décennie noire en Algérie, ainsi que l’avions signalé dans nos différents articles, les services secrets algériens (DRS) étaient les seuls "habilités" à soumettre les détenus à la "question" pour leur extraire des informations dites "opérationnelles" sur les activités des présumés réseaux terroristes actifs sur le sol européen, notamment en France.

C’est sur les ordres de l’ex-patron du contre-espionnage algérien, Smain Lamari, récemment décédé, que tous les détenus ayant des contacts à l’extérieur de l’Algérie étaient séquestrés dans les centres du DRS et soumis aux tortures les plus horribles. Les aveux obtenus lors de ces "séances de torture" étaient transmis à la DST sous forme de procès-verbaux d’audition. Pour être à l’abri des critiques en France sur le caractère légal de ces documents, la DST exigeait que ces procès-verbaux soient établis au nom de la police nationale algérienne pour éviter à leurs collègues algériens du DRS de comparaître éventuellement devant la justice française. La DST savait également que les informations étaient obtenues sous la torture.

De fait, pour satisfaire aux desiderata de la DST, le général Smain Lamari communiquait les procès-verbaux sous le sceau officiel de la police nationale algérienne. À titre d’exemple, signalons le cas d’un réseau GIA de trafic d’armes en Suisse et qui avait des ramifications en France dont le chef était le dénommé Bensouna Yazid, ressortissant algérien. Ce fut sur la base de ces "vrais-faux" procès-verbaux d’audition que la DST et les services suisses avaient mené leurs opérations.

Maintenant que le procès de l’affaire Ramda, présumé financier des attentats de Paris (1995), est en cours, il convient d’attirer l’attention des différentes parties sur le fait que les procès-verbaux éventuellement versés au dossier de ce procès et faisant état d’aveux ou d’informations obtenues sous la torture et illégalement validés par la police algérienne sont juridiquement sujets à caution.

Ce procès n’aurait en effet aucun sens si la justice française en général, et les parties civiles et la défense en particulier, n’exigeaient pas la comparution, au moins à titre de témoin, des responsables des services secrets et de la police algériens (le général Mohamed Mediene et Mohamed Issouli), et des services français de l’époque (Philippe Parant et Roger Marion). Mieux encore, entendre les victimes innocentes de torture, elles seules à même de révéler les méthodes du DRS et le silence complice des autorités françaises de l’époque, certainement informées par la DST et la DGSE.

Les victimes des attentats et leurs proches ont le droit de savoir toute la vérité sur les relations entre les services secrets algériens et français car d’importantes zones d’ombre planent encore sur les véritables commanditaires des attentats. Il n’est pas question ici de dédouaner Rachid Ramda qui, si sa culpabilité est établie, est à notre sens, un simple exécutant.

La justice française se doit de mettre au jour ces zones d’ombre pour que le procès ait toute sa plénitude et prenne le sens qu’il mérite. Tronquer ce procès reviendrait à un gigantesque mensonge par omission, insoutenable pour les victimes des attentats de 1995 et leurs familles.

Abdelkader Tigha, ex-agent des services secrets algériens, réfugié aux Pays-Bas
Anouar Koutchoukali, ONG Justitia Universalis, La Haye, Pays-Bas

Source : http://www.justitia-universalis.net/

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