Tous les observateurs s'attendaient, plus ou moins, à une entrée en force du mouvement nationaliste islamiste Hamas dans le processus démocratique palestinien à travers les élections législatives qui viennent d'avoir lieu. Mais très peu en revanche, pour ne pas dire personne, se seraient hasardés à pronostiquer cette victoire totale pour le Hamas, c'est-à-dire sa conquête de la majorité des sièges au Conseil Législatif Palestinien (CLP). On parle à l'heure qu'il est de 75 sièges sur les 132 que le CLP comporte !

Cette élection législative, qualifiée d'exemplaire par un grand quotidien français, aura été en fait plus que cela : un modèle du genre pour un pays arabe, dans la mesure où elle s'est déroulée à la loyale, sans traficotage ni violence, en présence de près de 900 observateurs internationaux dont 25O européens. Le fort taux de participation – 76.7% de suffrages exprimés sur les 1 350 000 votants – constitue un éclatant témoignage du sens patriotique et de la maturité politique des Palestiniens qui viennent de donner à travers ce vote, la plus large légitimité populaire à ses futurs dirigeants politiques, face aux périlleux obstacles qui continuent encore de jalonner le long et douloureux combat solitaire du grand peuple palestinien pour sa libération et son indépendance.

Quant à la victoire du mouvement Hamas – et bien au-delà du changement de couleur politique qu'elle implique – elle signifie surtout un double changement dans la sociologie politique de la Palestine combattante :

1) Un changement générationnel, c'est-à-dire un profond rajeunissement du personnel politique, qui va prendre les rênes du pouvoir, compte tenu du spectaculaire abaissement de la moyenne d'âge dans la prochaine assemblée législative dû à la fois à la jeunesse de l'effectif du Hamas et à l'effort de « rajeunissement » opéré par le Fatah.

2) Un changement d'ordre éthique et moral surtout, le cuisant échec du Fatah, étant également dû au ras-le-bol d'une population opprimée et appauvrie. Ras-le-bol des grands scandales financiers et des corruptions, voire des trahisons, qui ont régulièrement éclaboussé, y compris durant le long « règne » de M. Arafat, la quasi majorité des dirigeants politiques de l'autorité palestinienne. Une corruption qui crève souvent même les écrans de télévision, de par le clinquant et le luxe ostentatoire des costumes de certains responsables et autres ministres sensément en situation de mobilisation et de résistance à l'occupation israélienne.

Quant à certaines réactions alarmistes qu'on observe ici ou là, à travers une grande majorité de médias occidentaux traditionnellement pro sionistes, elles relèvent bien entendu du domaine de la « haine ordinaire » qui se déchaîne dans ces médias, chaque fois que se développe dans un pays arabe ou musulman, une situation socio politique crédible, « civilisée », c'est-à-dire empreinte de liberté de démocratie et de non violence, comme cela vient d'avoir lieu dans les territoires palestiniens.

De plus, ce genre de réactions médiatiques se doivent naturellement d'entrer « en résonance » avec l'opinion des « oracles autorisés » de la liberté et de la démocratie qui officient depuis Londres ou Washington, depuis Berlin ou Paris, pour dicter ce qui est « bien » et ce qui est « mal », à l'ensemble d'une humanité qui n'aurait qu'un seul droit, celui de s'aligner en disant amen.

Eh bien non ! C'est ce que vient d'exprimer au moins pour son propre compte, le vaillant peuple de Palestine, bien qu'il se trouve, lui, en plein dans l'œil du cyclone des forces répressives et impitoyables de l'occupation israélienne ; des forces d'occupation qui n'ont jamais reculé, ni devant les représailles militaires collectives contre des civils, ni devant les exécutions systématiques et barbares de leaders politiques palestiniens à coup de missiles.

Et dire que depuis ce matin – jeudi 26 janvier – à travers presse écrite, radios et télés, çà ne s'arrête pas d'épiloguer sur la violence prônée par le mouvement Hamas et les attentats « terroristes » qu'il a perpétrés à l'intérieur du territoire israélien, sans qu'aucune voix ne se soit élevée pour condamner aussi, « la violence d'Etat », programmée, proclamée et journellement exécutée depuis des années, à coups de chars et de mitrailleuses, à coups de bombardements par avions et par missiles, contre les Palestiniens. Pourquoi tant de lâche injustice, Messieurs les donneurs de leçons de tous bords. Prenez plutôt exemple sur le courage du peuple palestinien combattant. Israël ne vous mangera pas.

Quant à ces pauvres systèmes politico mafieux – quelle que soit leur appellations – qui sévissent – sans exception aucune – dans les pays arabes et musulmans de l'Atlantique au Golfe arabo persique, ce serait tout à fait inutile de parler de leur attitude. On ne parle pas du néant…

Enfin, il est curieux de noter, qu'aucun « expert en géostratégie » – et ils sont légion – n'a cru bon de faire remarquer que la paix – incontournable – entre Palestiniens et Israéliens, vient peut-être de voir s'ouvrir pour la première fois depuis plus de 50 ans, une vraie porte pour l'espoir, en ce sens que d'ici à fin mars 2006, juste après les élections législatives israéliennes, deux pouvoirs bénéficiant également de la légitimité populaire de leurs deux peuples respectifs, se retrouveront face à face aux commandes de leurs deux pays respectifs.

Pourquoi s'interdire de penser qu'ils auront l'intelligence de faire table rase sur le passé, y compris, en commençant par ses passer des « services » – si l'on peut dire – et des Américains et des Européens ? Pour ce qui est des pays arabes, c'est heureusement chose faite depuis longtemps !

Abdelkader Dehbi
26 janvier 2006

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