Monsieur le ministre,

La réconciliation et la paix ne sont pas concevables sans justice, tout comme la justice n’est pas concevable sans vérité et, comme nous dit Geneviève Jacques, du Conseil oecuménique des Eglises, dans Beyond Impunity, « sans une justice qui peut être reconnue et acceptée par des individus et des communautés qui ont été blessés et humiliés, la réconciliation est un vœu pieux. »

Afin de sortir votre peuple de l’impasse politique et morale dans laquelle il s’est mis en se livrant à l’oppression brutale et l’humiliation quotidienne de tout un peuple, le premier geste que devraient faire les Tzadikim de votre communauté c’est d’éduquer l’opinion pour savoir se remettre en question et assumer son propre passé et pour apprendre à reconnaître ses propres actes d’injustice.

Vous avez parlé de la guerre de 67 en disant que même si son issue avait l’air d’une victoire, elle fut en réalité une défaite pour l’Etat d’Israël. Cela me confirmait que l’occupation devient forcément un piège dans lequel s’engouffre l’occupant, une prison dans laquelle il s’enchaîne. Dans son Poème de la terre, Mahmoud Darwich évoquait déjà en 1977 ce Palestinien qui chantait dans la nuit : « On l’interroge : Pourquoi chantes-tu ? Il répond : Parce que je chante. Ils ont fouillé sa poitrine ; ils n’y ont trouvé que son cœur. Ils ont fouillé son cœur ; ils n’y ont trouvé que son peuple. Ils ont fouillé sa voix ; ils n’y ont trouvé que son chagrin. Ils ont fouillé son chagrin ; ils n’y ont trouvé que sa prison. Ils ont fouillé sa prison ; ils n’y ont trouvé qu’eux-mêmes enchaînés. » Alors quand allez-vous briser les chaînes ?

Monsieur le ministre,

L’avenir ne peut se construire en occultant le passé et le présent, et l’on ne peut achever le salut d’un peuple par l’anéantissement d’un autre, en le dépossédant de son histoire et de sa mémoire après l’avoir exproprié de sa terre. Le professeur Saïd vous l’a si bien exprimé, avec l’amertume de celui qui, depuis l’âge de douze ans et pendant plus d’un demi siècle, vit au quotidien la souffrance de son peuple humilié : « Ayez votre Etat ! Nous ne vous demandons même pas de vous excuser. Nous vous demandons seulement d’admettre que l’histoire de cet Etat ne peut être dissociée de celle d’un autre peuple exproprié, et de reconnaître les souffrances infligées à ce peuple. »

En espérant que vous arriveriez à fédérer le plus grand nombre de Tzadikim autour de vous, pour contribuer efficacement à la paix et à la réconciliation, fondées sur la justice et la vérité, je vous souhaite, monsieur le ministre, bonne chance. Mazal tov !

Abbas Aroua
Genève, le 8 novembre 2001

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