Nous avions demandé, il y a plus d’une décennie, à certains de nos amis de Constantine, de contacter l’historien Abdelkrim Badjadja et d’enregistrer une série d’interviews avec lui sur sa riche expérience et sur les archives de l’Algérie, car une de ses connaissances nous le décrit comme un trésor de bibliothéconomie de notre patrimoine. Mais des préoccupations et un contretemps ont fait que le projet a été mis aux oubliettes. D’autres amis d’Europe se sont contentés de ses articles qu’il écrivait en français d’un moment à l’autre dans le Jeune musulman, et voici le nouveau numéro du Jeune Musulman, numéro 45, en phase d’édition. Je ne sais pas si le défunt a déjà envoyé sa contribution avant que sa santé s’aggrave. En bref la scène francophone, notamment le Jeune Musulman vient de perdre une de ses plumes spécialisées dans les archives d’Algérie. 

  En rédigeant ces mots, je me souviens de son enregistrement du 22 novembre 1986 dans une vidéo (*) où il raconte à ses jeunes collègues du mouvement de la gauche ce qui lui est arrivé dans les années quatre-vingt du siècle dernier, sous l’ère du président Chadli. Son arrestation à l’aéroport de Constantine alors qu’il s’apprêtait à aller en mission pour un séminaire à Alger, en tant que superviseur des archives de Constantine avec le ministère sous tutelle, il s’est retrouvé entouré de policiers sans uniformes officiels. Il leur a demandé qui ils étaient. Une réponse sèche l’afflige quand il entend : « La police militaire, suivez-nous. » Il a refusé de marcher avec eux, et il leur a suggéré d’aller devant la porte de l’aéroport, où se trouvait la patrouille de police en uniforme, après discussion codée entre les deux polices, Badjadja s’est retrouvé en arrestation, après une brève visite avec eux à sa maison et une fouille de ses documents. Après quoi il a disparu des mois et des mois, comme il le raconte dans cette même vidéo.  

 Abdelkrim Badjadja a consacré l’essentiel de sa carrière aux archives en Algérie, comme conservateur des archives de la wilaya de Constantine de 1974 à 1991, puis directeur de la Bibliothèque Nationale en 1991-1992, enfin directeur général des Archives Nationales de 1992 à 2001.  

 Depuis le 19 août 2002 il a occupé la fonction de consultant en archivistique auprès du National Center for Documentation & Research, à Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis), jusqu’à son retour à Constantine en 2021, pour créer son entreprise privée (Cirta for Consulting and Administrative Studies). 

  Il est auteur et co-auteur de plus de 120 publications sur divers sujets, principalement en archivistique, où il a constitué des guides de travail et des ouvrages de référence dans cette spécialité. Il a également écrit sur l’histoire de sa ville natale de Constantine, en plus de ses contributions à l’histoire de l’Algérie. Il a notamment publié : 

–   Constantine 1954 -1962 : Un enfant raconte la guerre ;  

–   Le chômeur à Constantine dans les années 1960 ;  

–   De Cirta à Constantine : La permanence d’une cité antique ;  

–   L’Etat-civil à Constantine en 1256/h. (1840-1841) ; Notice historique sur la Medersa de Constantine – d’Ibn Badis- (1909-1983) ;  

–   La Musique andalouse : histoire et théorie.  

 En 2011, dans « Badjadja … passe au tableau !  » L’auteur publie ses mémoires sous forme de récits mêlés à des études historiques et archivistiques. On suit donc au fil des pages tant son destin particulier qu’un contexte historique plus général.   

En Europe, Le regretté avait de nombreux amis et adeptes de sa page Facebook, car il publiait couramment en français et en arabe. Il est considéré comme l’un des archivistes les plus célèbres d’Algérie et l’un des experts arabes les plus éminents dans ce domaine.

Atteint sévèrement de Covid en fin d’année 2021, on peut lire ses derniers mots sur sa page Facebook : Un premier message, le jeudi 20 janvier 2022, à 21h25, accompagné d’une photo de lui alors qu’il était malade dans son lit : « Ne m’oubliez dans vos prières pour moi et pour tous les malades, et que Dieu nous protège de cette épidémie. » Le jour suivant, à 21h02, dans un deuxième message, il écrit ce proverbe populaire algérien « Vivant il n’a rien gagné, quand il meurt il ne laisse rien. » 

 » كي عاش ما كسب، كي مات ما خلا  »    

Alors des mots de prières et d’invocations affluent et se précipitent sur sa page, afin de le rassurer avec la patience d’un musulman croyant face à cette épreuve difficile à surmonter, mais passagère..  

Malheureusement, le mardi 1er février, à huit heures du matin, un de ses enfants poste le message suivant sur la page de son père : « Mon père Abdelkrim Badjadja vient de nous quitter hier lundi. Nous appartenons à Dieu et à Lui nous retournerons ».  

  En cette douloureuse occasion, la communauté algérienne et musulmane d’Europe en particulier, présente ses plus sincères condoléances et sa sympathie à sa famille, pour la perte de cet homme missionnaire inébranlable, qui a passé plus d’un demi-siècle dans les domaines de l’éducation et de la recherche.  

Le Conseil scientifique d’Alsunanyah pour les études civilisationnelles, l’Union des associations islamiques en Europe et l’Association Cheikh Mahmoud Bouzouzou de Genève, invoquent Dieu le Tout-Puissant afin qu’Il enveloppe le défunt de Sa miséricorde et l’accueille dans Son vaste paradis, en présentant leurs condoléances les plus sincères à sa famille, ses étudiants et ses lecteurs en Algérie et à l’étranger.   

Puissent ces mots contribuer à apaiser leur peine que nous savons très profonde, et puisse Dieu leur apporter le réconfort dont ils ont tous besoin pour surmonter cette tragique épreuve.   

« Nous sommes à Dieu et à Lui nous retournons. »

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