L’histoire contemporaine est jalonnée de moments de rencontre dans lesquels les peuples Italien et Algérien ont jeté les bases d’une indéfectible solidarité humaine.

Le premier moment, aux premières heures de notre première indépendance, fût la rencontre entre le génie artistique du cinéaste antifasciste Gillo Pontecorvo et l’héroïsme révolutionnaire du peuple algérien qui enfanta un film culte : La Bataille d’Alger. Ce film s’inscrira dans l’histoire du cinéma et aussi dans le rapport du cinéma à l’histoire. C’est le système colonial qui enfante la violence et le terrorisme. La violence du Système colonial symbolise un ordre répressif, injuste et inhumain alors que la violence des insurgés est libératrice et émancipatrice. Ce film, politique par excellence fait le procès du colonialisme, des français d’Algérie et des intellectuels libéraux qui refusaient de voir la situation coloniale.

La Bataille d’Alger accomplit la guerre d’Algérie et l’immortalise : un peuple qui lutte pour sa reconnaissance, pour sa liberté, pour son indépendance est dans le sens de l’histoire.

Le deuxième moment fût la rencontre entre un esprit épris de paix et de justice incarné par l’Institution de Sant’Egidio et une opposition algérienne engagée à sauver l’Algérie suite au crime politique de l’arrêt du processus électoral en janvier 1992 qui plongea l’Algérie dans le sang et l’horreur. Cette rencontre a donné naissance au Contrat de Rome signé le 13 janvier 1995. Un contrat national, une plate-forme consensuelle toujours d’actualité. Il a représenté, à un moment tragique de l’histoire de l’Algérie, un grand moment fédérateur et plein d’espérance. La force militaire qui s’est imposée depuis 1962 a rejeté l’offre politique de l’espoir pour plonger définitivement l’Algérie dans le chaos et le marasme. Le contrat de Rome reste, à nos jours, un texte fondateur pour la construction de l’Etat-Nation qui fait tant défaut à l’Algérie depuis l’été 62.

Malgré d’énormes pressions exercées par le pouvoir d’Alger, les responsables de Sant ’Egidio, représentés à l’époque par Ricardi Andréa et Marco Imagliazzo, fidèles à leur engagement de faire œuvre de paix et de justice, ont assuré leur mission de facilitateurs jusqu’à la signature finale du document.

Cette communauté chrétienne a payé le prix fort pour son engagement. Cultivant le dialogue islamo-chrétien, elle a encouragé les Moines de Tibhirine, en la personne du Prieur le Frère Christian à l’instaurer en Algérie. Quatorze mois après la signature du Contrat de Rome, les Moines de Tibhirine furent enlevés et horriblement assassinés. Menacés dans leur existence, ils firent le choix de rester avec le peuple algérien et de partager son sort. Un choix révélateur de la grandeur et de la générosité de ces hommes dont la vie est au service de Dieu et du prochain.

Jusqu’à ce jour, la justice ne parvient pas à exercer ses droits et ce crime reste toujours impuni. Martyrs, en offrant leur vie, les Moines, par le sang versé dans cette terre qu’ils ont tant aimée scellent à jamais La fraternité islamo-chrétienne en Algérie.

Le troisième moment fut la rencontre entre deux plumes, qui par leur expérience commune, témoignent que derrière le terrorisme, se cache un pouvoir invisible dont la finalité n’est ni la liberté ni la démocratie mais son maintien au pouvoir en vue de faire main basse sur les richesses du pays en utilisant le crime pour l’Italie et le terrorisme d’Etat pour l’Algérie. En préfaçant le livre de Habib Souadia, La sale guerre, parue en 2001, Ferdinando Imposimato atteste et signe que ce premier témoignage d’un officier à visage découvert sur la guerre qui déchire son pays fait écho à l’expérience vécue par son pays l’Italie. « En Algérie, donc, a toujours existé, un centre de pouvoir occulte. Il a agi avec un cynisme extrême pour façonner le cours des évènements. Il a verrouillé la société, il a liquidé les opposants, à l’intérieur comme à l’extérieur. ¬[…] En Italie, pendant longtemps, le pouvoir invisible a été la synthèse de différents pouvoir occultes : outre la mafia, certains secteurs du pouvoir officiel, des services secrets et du pouvoir économique. Ce pouvoir invisible n’était pas un contre-pouvoir : c’était le pouvoir légal lui-même…. »

La seule différence de taille avec l’Algérie est que l’Italie dispose d’une institution forte : la Justice pour la sauver et lui éviter de sombrer dans un état d’exception et de non droit.

Je ne manquerai pas de citer le combat inlassable de Emma Bonino pour l’institution d’une Cour Pénale Internationale qui a vu le jour à Rome en 1998 afin de soustraire la Justice des mains des vainqueurs et la placer dans les mains des magistrats indépendants. « Il n’y a pas, ni pour les victimes ni pour leurs familles, de deuil possible, d’apaisement à la souffrance engendrée par ces crimes, si l’on voit les criminels échapper à la justice. […] Songez à l’Algérie et à ses enfants égorgés. Quelle réconciliation pourra-t-on proposer aux familles des victimes tant qu’aucun égorgeur ne sera jugé et condamné? (Dakar, 5 et 6 février 1998). Force est de reconnaître, sans la moindre ambiguïté qu’il s’agit bien de crime contre l’humanité dans La sale guerre en Algérie : « Il s’agit de faits dramatiquement réels en Algérie…que les frontières nationales ne se transforment pas en instruments d’impunité » (Rome, juillet 1998).

Une nouvelle fois, le peuple algérien vit une période cruciale de son histoire. Mais cette fois-ci c’est son devenir en tant que peuple qui est engagé.

Peuple de Rome !

Le peuple algérien s’est massivement soulevé depuis février 2019 contre un pouvoir prédateur et mafieux. Un soulèvement pacifique et exemplaire qui force l’admiration du monde. Aujourd’hui, au lieu d’être solidaires avec un peuple en lutte pour instaurer un Etat de droit, l’Italie et l’Europe sont complices d’un pouvoir qui n’a ni légitimité politique ni morale et qui sème la non-vie en Algérie. Si la Méditerranée fut un haut lieu de civilisation et d’échange, elle est malheureusement devenue un cimetière à ciel ouvert ! Pour atteindre la rive nord, les clandestins de la rive sud (qui ne rêvent que d’Europe) le font au péril de leur vie et quand ils réussissent, un autre calvaire aussi angoissant et déshumanisant les attend sur le sol européen…

Comment expliquer une telle situation dans un pays qui regorge des richesses dont dispose un pays comme l’Algérie ? Au-delà des jeunes, c’est des familles entières qui tentent le voyage de l’impossible ! Face à la Hogra (mépris) du pouvoir Al harga (l’exil) s’impose tant le désespoir gagne la population qui désespère de voir la situation changer malgré la révolte qu’elle porte depuis février 2019.

L’Europe est responsable de ce sentiment d’impuissance politique qui gagne la population car elle soutient, arme et forme les forces répressives du pouvoir algérien. Le cas des sans-papiers, principalement en ce qui concerne l’Algérie, n’est pas un problème d’ordre humanitaire mais politique.

Peuple de Rome !

Le soulèvement populaire des algériens est la conséquence d’une situation sociale, politique et économiques désastreuses dont la responsabilité incombe au pouvoir mais cette responsabilité est partagée par l’Europe comme le souligne le chercheur Thomas Serres dans son article publié dans les colonnes du Monde le 29 septembre 2019 : « Vous avez mangé le pays », chantaient les manifestants. Mais le régime n’a pas « mangé » l’Algérie tout seul. Il a bénéficié de la complicité active de compagnies étrangères, et notamment européennes (la compagnie pétrolière italienne ENI par exemple), de banques peu regardantes (principalement en Suisse), et bien sûr de la bienveillance des pouvoirs publics. La France, entre autres, a été particulièrement accueillante pour les capitaux mal acquis des dignitaires algériens, notamment à travers l’achat de propriétés immobilières ».
Peuple de Rome !

Depuis presque trois ans, le peuple algérien, à la face du monde subit l’arbitraire d’un régime qui opprime, emprisonne, torture, intimide toute voix discordante. Pour briser l’idée même de résistance, il va jusqu’à anticiper la liquidation physique de ses opposants.
Peuple de Rome !

Le pouvoir mafieux de l’Algérie des Généraux représente une menace réelle pour la cohésion sociale des Algériens et la stabilité de la région. Le peuple Algérien lutte seul, désespérément seul, contre un système antinational qui se comporte comme une force d’occupation.

L’image historique d’un Spartacus, à la tête d’un peuple d’esclaves en révolte contre la puissance romaine s’incarne aujourd’hui dans la lutte du peuple algérien. Ce dernier personnifie à merveille la figure de Spartacus.
Il ne faut pas perdre de vue que la cause du Peuple algérien, en lutte contre le néocolonialisme et le néolibéralisme est la cause de tous les peuples libres.

SENADJI Mahmoud
Hirak Milan – Vigilance Populaire Strasbourg – Hirak Londres

Comments are closed.

Exit mobile version