L’Emir Abdelkader a voulu chasser l’occupant et « faire l’Algérie ». Il a échoué. La cause de son échec c’est bien sur la puissance de l’armée colonialiste, mais c’est surtout le tribalisme qui sévissait et sévit encore en Algérie. L’Emir a passé la moitié de son temps à lutter contre l’occupant et l’autre à unir les tribus qui tournaient casaque deux fois par semaine, à chaque fois que l’un ou l’autre parti frappait à la porte. Et puis, à un moment donné, il sera terriblement seul.

Apres la bataille de Staoueli en 1830, la Kabylie s’est isolée dans ses montagnes et ne bougera que lorsque les colonnes de l’occupant se mettent à gravir « les chemins qui montent ». Le Bey de Constantine s’est enfermé sur son rocher. La Rahmaniya s’est retirée dans sa zaouïa d’Ain Madi. D’ailleurs le Bey et la confrérie auront chacun l’occasion de combattre les troupes de l’Emir.

En 1844, le roi du Maroc perdit la bataille d’Isly contre l’armée coloniale française. Comme une des conséquences, le soutien à l’Emir doit cesser et si jamais il pénètre en territoire alaouite, il doit être livré à la France.

Ainsi en 1844, l’Emir se trouva dans la situation suivante : la versatilité des tribus au Sud, l’armée coloniale au Nord, l’hostilité du royaume alaouite à l’Ouest et l’adversité du Bey de Constantine et de la confrérie rahmaniya a l’Est. Comprenant qu’il est en train de brasser du vent il décida de se rendre en 1847. Simplement et honnêtement. Apres des péripéties gênantes et une période défavorable dues à la politique intérieure française, il fut autorisé à s’installer en Syrie, conformément à son souhait. Comme toute personnalité que la France ne souhaite pas avoir contre elle, l’Emir bénéficiera d’une pension, la même que recevra le Bey de Constantine quelques années plus tard. Pas ingrat, l’Emir ne ratera pas les occasions pour aider la France positivement et jamais contre la légalité ou la morale. Ainsi il soutiendra F.E.Roudaire et F. de Lesseps lorsqu’ils envisagèrent, en 1874, d’inonder chott Merouane en Algérie par l’eau de mer ramenée du golf de Gabes (1). Pendant la guerre civile, en 1860, à Damas, Il sauvera et protégera des chrétiens. C’est à partir de ce moment qu’il sera honoré et décoré par des pays chrétiens. Ce comportement de l’Emir n’est pas à la portée de tout le monde. En effet, pour rendre service à la France et bénéficier éventuellement d’une réduction de peine, Boumezrag El-Mokrani, frère et successeur de Mohand El-Mokrani lors de l’insurrection de 1871, exilé en Nouvelle Calédonie, n’hésitera pas à servir contre les autochtones révoltés contre la colonisation de leur pays (2). Aujourd’hui, un ignare jusqu’au bout des ongles et n’hésitant pas à faire le mercenaire pour un clan, ose traiter l’Emir de « traitre qui a vendu l’Algérie ».

N.Morsli

(1): In Charles-Henry Churchill « la vie d’Abd-el-kader »/sned-1981

(2): https://fr.wikipedia.org/wiki/Boumezrag_El_Mokrani

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