D’une ampleur et d’un civisme sans précédents, et d’une détermination qui n’a d’égale que celle de Novembre 1954, le réveil patriotique, éruptif mais pacifique, du peuple algérien ne laisse personne indifférent, et force l’admiration et l’émotion jusqu’aux coins reculés de la planète.

Revigorés et inspirés par ce sursaut salutaire,des intellectuels se sont mis à prescrire diverses feuilles de route, esquissant un changement politique, aussi radical que pacifique. Une de ces initiatives a particulièrement retenu mon attention, et sans doute celles de beaucoup d’autres, pas pour la pertinence du contenu, mais plutôt pour le surprenant cocktail des signataires, manifestement pas au goût de tous. N’hésitant pas à crever des abcès et briser des tabous, cette liste réunit, contre nature, des personnalités considérées jusque-là incompatibles et inconciliables.

Approbation à blanc et signature à blanc, et hauteurs conciliatrices

L’hommage que je rends à deux des signataires, Mohcine Belabbas et Mourad D’hina, s’étend à tous les autres, tels Tabbou, Guemazi, Benouari, pour ne citer qu’eux. Je fus déçu d’apprendre que Mme Zoubida Assoul, dont le nom figure sur la liste, s’est rétractée en déclarant avoir approuvé le texte sans le signer. Lu et approuvé, mais pas signé. Approbation à blanc par-ci !

Je ne fus cependant pas surpris.Il y a quelques semaines à peine, cette grande militante a rappelé sa ferme hostilité à toute forme d’Islam politique, en assénant qu’elle préfère une dictature militaire à un parti islamique démocratiquement élu ! Et signature à blanc par-là !

Le peuple algérien semble avoir beaucoup appris de ses erreurs et maladresses, mais manifestement pour certains d’entre nous, il reste encore du chemin à parcourir et des hauteurs à atteindre. Le courage et la détermination de cette dame ne lui suffiront pas, espérons qu’elle saura puiser dans ses réserves d’intelligence pour pouvoir gravir les marches qui lui restent. A défaut de l’encourager dans cet exercice, j’espère que ma contribution ne l’en dissuadera pas.

Les situations respectives de Mourad D’hina et Mohcine Belabbas, permettent d’affirmer que c’est incontestablement ce dernier qui a fait preuve de plus d’audace et pris plus de risques politiques. Bravo Mr Belabbas ! Le politiquement correct, on ne le subit pas, on le forge ! Contre vents de stupidité et marées de diabolisation ! Stupidité et diabolisation, votre nouvel ami Mourad en connait un bout. Coupable de tant de torts pour avoir défendu, à partir de la Suisse, un parti dissous, tenu responsable de toutes les conséquences tragiques d’une victoire électorale qui ne devait pas être.

Lassé par ce type de mascarades sévissant jusqu’au sommet de l’Etat, Mohcine Belabbas invite tous ceux qui s’entêtent à salir le CJ ou casier judiciaire vide de Mourad D’hina à ouvrir lucides les yeux et accepter la réalité, tel le CV plein de cet »infréquentable » ami : Baccalauréat mention Très Bien.Major de promotion en Physique à l’USTHB. PhD au MIT. De par leurs affinités patriotiques et complicités intellectuelles, on peut parier que le parcours de Mohcine Belabbas ne doit pas être moins reluisant, ni moins honorant pour lui et son pays !

En tant qu’élu du FIS aux législatives de 1991, ce rapprochement islamo-laïc, je le voyais venir depuis quelque temps. J’ai observé avec une grande satisfaction, discrète et prudente au début, avant de s’affermir et s’afficher, l’évolution du discours du RCD. Evolution forcément relative, et je me demande quelle est ma part de changement dans cette métamorphose inouïe ! Nous traînons tous des germes de bêtise humaine, mais seule la connerie s’obstine à répéter la même erreur tout en espérant obtenir un résultat différent.

L’adversité politique de haute voltige

L’arène politique ressemble à une piste de compétition, flottant sur des eaux troubles, les coureurs devant d’abord conjuguer leurs efforts pour la maintenir au-dessus de l’eau, avant de s’aligner dans les starting-blocks pour une course loyale. La faiblesse d’un politicien rabaisse toute la classe politique, partenaires et adversaires. Et si cette faiblesse ou indélicatesse n’est pas contenue, elle risque de se propager de manière épidémique, et couler toute l’embarcation. La compétition idéologique n’est bénéfique que si elle est fondée sur un puissant socle de solidarité neutralisant la médiocrité, la corruption, et le despotisme.

Dignement représentée, l’adversité politico-intellectuelle renvoie limpidement, aux uns et aux autres, les erreurs de vision et d’appréciation, balaie les fausses divergences, et en revalorisant les attaches communes, elle relativise et réduit considérablement les différences.

Incapable de conjuguer les énergies et de dresser un moindre front uni contre les menaces stratégiques, la politique de bas étage ne peut mobiliser que la ruse et l’intelligence négative, pour générer la discorde, la corruption, et la bouffonnerie.En dépit de ses complications graves et chroniques, frisant la haute trahison, la crise algérienne est avant tout une crise de la médiocrité.

Pour une transition démocratique et populaire de l’armée algérienne

Ce n’est pas de manière active seulement qu’une armée peut desservir un peuple. Une passivité malsaine, présentée à tort comme de la neutralité, peut, elle aussi, être synonyme de lâchage et d’abandon de la société. L’Algérie a expérimenté la brutalité active du putschisme à deux reprises, 1962 et 1992. Boumediene n’avait pas tort de qualifier son coup de 1965 de « simple correctif », le groupe usurpateur de 1962 s’étant juste contenté de changer de chef.

Il n’était, par ailleurs, pas difficile d’anticiper les conséquences tragiques du putsch de 1992, pivotant initialement autour de l’arrêt d’un processus électoral régulier et un clash éradicateur contre le parti vainqueur. Il n’est certes pas agréable de remuer les plaies, mais les leçons douloureuses ne s’apprennent qu’en rabâchant en profondeur jusqu’à toucher les remords en milieu humain aride.

Le coup de 1992 permet en même temps de caractériser le devoir de neutralité d’une armée. Cette dernière n’a tout simplement pas à se mêler de la politique tant que la constitution n’est pas bafouée et tant que des gens normalement élus gèrent le pays.

Quant au lâchage passif,l’actualité algérienne semble être sur le point de le déployer. En effet, même si avec un multipartisme joué par des marionnettes, tyrannisées par des pantins, carburant par procuration, l’Algérie n’est ni démocratique ni populaire, depuis belle lurette, ce sont surtout les récents développements qui interpellent plus que jamais notre armée.La maladie et l’absence du Chef de l’Etat ont dépassé les limites raisonnables, depuis longtemps, mais c’est sa récente déclaration dans laquelle il affirme n’avoir jamais projeté de se présenter pour un 5ème mandat, qui constitue une preuve irréfutable, sous forme d’aveu, que des hors-la-loi se sont accaparés de ses prérogatives. Et avec le récent sursaut populaire, ces gens, en mal de soutiens de la main étrangère, risquent de se muer en véritables ennemis du pays et de ses richesses. Disposant des leviers politiques et économiques, le combat est inégal et déloyal. La passivité de l’armée ne serait plus alors de la neutralité mais une complicité.

Le régime en place a instauré, par ailleurs, un système de génération épidémique de la corruption et de l’accaparement, afin de faire de ses nombreuses victimes des soutiens acharnés malgré eux. Que de responsables intègres ont fini par céder aux tentations, et du coup, par avoir peur du changement qu’ils désirent. Et l’armée ne fait pas exception. Le fléau est d’une telle ampleur que pour beaucoup de ces victimes-coupables, c’est un devoir moral et patriotique d’invoquer des circonstances atténuantes. Les responsables militaires sont mieux lotis. Se présente devant eux, une occasion unique de marquer l’histoire en concrétisant l’ancrage authentique avec la glorieuse armée de libération. L’armée algérienne ne doit pas refuser d’accompagner le changement profond, auquel aspire légitimement leur société. Il ne s’agit pas d’un appel au coup d’Etat, c’est tout le contraire ! L’armée doit piloter une sortie définitive du putschisme, sévissant depuis 1962,et ouvrir les portes du développement à leur nation, en remettant les clés de la souveraineté au seul propriétaire, le peuple. Et rassurez-vous chers hadharate, la géographie du plus grand pays d’Afrique et l’histoire du plus glorieux peuple du monde, garantissent une prédisposition génétique chez tous les algériens à placer leur armée au-dessus de tout, pour faire de leur pays une puissance régionale.

Cohabitation islamo-laïque

Sans doute attendue au tournant, et à juste titre, cette partie est plus que nécessaire. D’abord pour donner plus de sens aux sections précédentes, et ensuite pour tenter de rassurer du beau monde, notamment les militaires invités à rejoindre leurs casernes.

Je verrais bien, pour détendre, une caricature de Dilem représentant un officier supérieur tel un gaillard,grand et fort, s’adressant à ses jeunes frères : « Ok, je vide les lieux, je vous laisse seuls et libres, mais à vous de faire preuve de maturité et montrer que vous n’êtes plus des gamins turbulents, se chamaillant pour n’importe quoi ! »

Commençons au niveau familial. Je conçois parfaitement qu’un parent puisse privilégier la liberté de conscience et de pensée, et parler à ses enfants des religions monothéistes, dont l’Islam n’en est qu’une, et des différentes doctrines et idéologies, en leur laissant la liberté d’étudier et de choisir. Attitude noble et respectable, mais que je ne partage pas. Je n’ai reçu aucune éducation religieuse. C’est principalement en côtoyant de près la société occidentale (durant mes études de post-graduation en Angleterre), que j’ai compris que l’Islam n’est pas une religion, mais LA religion ! Sachant qu’une progéniture peut toujours se rebeller, mes orientations sont claires mais exprimées gentiment, essentiellement par l’exemple, tant bien que mal : « La religion acceptée d’Allah, c’est l’Islam »(3/19). « Et quiconque désire une religion autre que l’Islam, ne sera point agréé, et il sera, dans l’au-delà, parmi les perdants » (3/85).

Ma conviction est tranchée, mais n’est pas socialement étrange, ni radicale. Elle est en fait prêchée dans toutes les mosquées.Je peux la discuter librement avec des amis et la défendre devant d’autres postures intellectuelles.

Mais si un jour je doisjouer un rôle politique, alors ce logiciel familial, qui me pose déjà suffisamment de difficultés à bien tourner chez moi,eh bien, il n’est plus de mise ! « Nulle contrainte en religion ! » (2/256). Tel est mon repère dans ce cas. C’est loin d’être une concession, c’est une obligation religieuse ! Ce puissant logiciel fonctionne sous tous les environnements sans se planter, et permet d’administrer une tribu, un pays, et même un continent. Pas d’Etat religieux !Et pas d’Eglise féodale en Islam !

« Nulle contrainte en religion ! » Cela signifie aussi : »Nulle contrainte en croyance ou incroyance ! »La liberté de pensée et de conscience ne peut pas être mieux consacrée. Il n’y a pas de tyrannie ecclésiastique islamique, ni d’absurdité trinitaire ou d’antagonisme scientifique, pour songer à radicaliser, à la française, la laïcité en anti-religion.

Quant à la sphère individuelle, telle l’absence ou présence de verset sur le hidjab, qui semble faire partie du programme de Mme Assoul, c’est en privé, avec les proches et entre amis, qu’on en discute, tout comme mon logiciel familial. Politiquement, c’est un débat obsolète, sinon interdit. Et pas seulement pour les partis islamistes.

L’alternance démocratique est le seul mode de gouvernance, aussi nécessaire que suffisant ; suffisant pour apaiser l’appréhension des gouvernés d’être opprimés, et nécessaire pour éviter le réveil les démons tyranniques qui sommeillent en chaque gouvernant. La réversibilité démocratique sanctionne, et permet de faire et défaire les majorités. Et si une majorité doit respecter, sans exclusion, toutes les minorités, il n’est plus vain de rappeler la validité de la règle inverse. Aucun responsable du FIS n’a menacé de tuer la démocratie une fois au pouvoir. Mais indéniablement, des dérapages verbaux graves et des slogans irresponsables furent scandés par des foules incontrôlables. Je peux en témoigner, et je n’hésite pas à demander pardon. « La Mithak, La Doustour » est inacceptable et peut effectivement inquiéter, sinon terroriser. Toutefois un crime, ça reste un crime. Hachani et consorts étaient loin de vouloir gouverner en solo, et laisser de côté des gabarits tels que Mehri et Aït-Ahmed. Et après tout, le Président Chadli pouvait toujours nous renvoyer gentiment à la maison, avec une simple signature de dissolution du parlement.

C’est à la dure que nous avons appris ce qu’il faut séparer du politique, et ce qu’il ne faut pas. C’est l’absence de principes, le manque de scrupules, c’est l’incompétence, la médiocrité, c’est la prédation, la rapine, c’est la stupidité, la bouffonnerie, c’est le clanisme, l’exclusion, c’est la corruption, la trahison, c’est tout cela qu’il faut séparer du politique ! Et non l’intelligence et la probité, que cette dernière soit d’origine morale, culturelle, religieuse, ou idéologique.

Seule une réhabilitation de la légitimité du mérite au sens large, compétence et intégrité, peut réconcilier les algériens, et remettre le gouvernail entre de bonnes mains, telles celles de Belabbas et D’hina. Les pseudo-élites trouveront toujours des épouvantails pour échouer.

Vivra l’Algérie!

20 commentaires

  1. Abdelhamid Charif on

    Merci d’avoir effectué la correction
    Cependant, vous avez mis le nouveau texte sans enlever l’ancien
    La contribution se retrouve doublée
    Prière enlever l’ancienne version.

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