Rose blanche est le nom qu’elle s’est choisi. Elle le porte comme un étendard, son drapeau pour des jours meilleurs. Rose blanche est, désormais, son unique adresse, sa raison d’existence, sa vocation, son identité, ses espoirs jetés pêle-mêle à l’auditoire qui l’a entendu chanter. Colombe de paix volant sur un terrain de guerre où le chaos est organisé, où la conscience du monde est absente quand des femmes sont violées dans le silence et l’impunité, des enfants massacrés, des hommes humiliés, déracinés, clochardisés, torturés, tués, etc. Rose blanche, c’est Ansam, cette gamine syrienne aveugle de 10 ans, un oiseau du paradis s’il en est, qui en a gros sur le cœur mais qui voit, peut-être mieux que nous tous, avec une sensibilité à fleur de peau un seul chemin vers le salut : la paix. D’autant qu’elle n’a jamais désespéré d’espérer ni cessé de croire en cet auguste jour où cette Syrie martyrisée dans sa chair pourra sortir enfin, unie et victorieuse, du fond du tunnel. Une fille-courage qui, vivant à la périphérie de la capitale syrienne et « déplacée » comme tant d’autres enfants de son âge à cause de l’acharnement des combats aux abords de sa ville, lutte avec sa voix douce, mélodieuse, presque angélique pour que se dissipent les ténèbres de la haine, pour que s’arrête l’adversité entre les frères-ennemis poussés par d’autres, de l’extérieur, à la bagarre et que le soleil d’orient se lève de nouveau sur des millions de réfugiés éparpillés un peu partout et privés de leur terre, leur patrie-mère, leur dignité… ,leur oxygène.  « Je retournerai chez moi, chantait-t-elle sur un air proche du fado portugais, il y a quelques mois dans une salle d’opéra archicomble à Damas en chœur avec une quarantaine d’enfants tout de blanc vêtus, l’amour reviendra. Tout ce qu’on a subi et le temps de privations vont partir loin de nous ». Quel hymne enfantin, candide, utopique par les temps qui courent, hélas, pour une désolante réalité syrienne ! Quelle douce chanson pour les désabusés d’un « printemps » qui a tourné au drame ! Quel rappel à l’ordre pour cette raison qui a failli ! On dirait  un de ces rayons fluets  d’un arc-en-ciel à peine dessiné sur fond d’un ciel gris et orageux, une étoile filante entre les nuages ou une complainte frissonnante mais combien belle qui verse son ruisseau de larmes sincères sur des blessures béantes. Chante Rose blanche, chante…, chante encore ! N’arrête jamais de chanter, défie tous ces marchands du sang qui font du commerce des armes leur priorité, toi, petit ange qui pleures ta Syrie divisée. Toi que dégoûtent ces images de tueries, de massacres, d’exil et de migrants refoulés aux portes de l’Europe, toi qui ne veux plus entendre ni les vrombissements  des avions, ni le bruit des missiles ni moins encore les éclats d’obus tombés sur les têtes des innocents. Chante Ansam, chante encore, encore et encore, toi cœur blanc, qui regarde l’avenir avec plus d’optimisme, avec des yeux sains, sans mensonge ni hypocrisie. Chante et ne fais guère de courbettes au désespoir.

Kamal Guerroua
20 mars 2017

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