Par l’immensité des moyens et la petitesse du résultat, qui osera comparer une compagnie aérienne à Air Algérie?

Voici l’histoire d’une nouvelle dérive qui défit l’imagination.

LES FAITS

Voici une traduction (de l’arabe) de la narration des faits par le concerné, le Professeur Djamel Dou, parue dans sa page Facebook:

Pourquoi fus-je obligé de descendre de l’avion?

Ce jeudi 27 août 2015, à 10h15, à Alger, je devais prendre le vol 6252 d’Air Algérie en partance pour El-Oued.

Après avoir entrepris les démarches d’usage, je suis monté dans l’avion et me suis assis sur un siège avant, seul, lorsqu’une hôtesse m’a interpellé en français me demandant de changer de place afin de permettre à une famille de s’installer ensemble. Comme j’étais encore en communication téléphonique, j’ai acquiescé de la tête puis je me suis déplacé vers un autre siège avant.

Une fois ma communication terminée, j’ai trouvé utile d’avertir l’hôtesse sur son utilisation unique de la langue française (elle n’avait parlé ni en arabe classique ni en arabe dialectal), fait qui est d’ailleurs devenu assez commun au sein de notre compagnie Air Algérie. J’ai alors pris une feuille de papier et un stylo et je lui ai écrit un court passage en anglais où je lui ai signalé qu’elle n’avait pas le droit de m’interpeller en français, qui n’est pas ma langue, mais qu’elle avait plutôt le choix de me parler en arabe ou en anglais.

L’hôtesse était alors partie avec la feuille puis était entrée dans le cockpit voir le commandant de bord. Dix minutes plus tard, deux agents de police sont venus dans l’appareil me demandant de descendre pour discuter avec eux. J’ai demandé pour quelles raisons ? Les agents ont commencé à m’expliquer mais avaient préféré terminer la discussion à l’extérieur de l’avion. Dehors, je leur ai répondu que je ne devais pas descendre car je n’ai commis aucun délit et j’ai alors regagné mon siège dans l’avion. Les policiers, devenus au nombre de trois, sont alors remontés dans l’appareil et m’ont expliqué que je devais quitter l’avion et qu’ils avaient à exécuter les ordres. J’ai refusé de descendre et je me suis retourné vers les passagers leur expliquant pourquoi on voulait me faire descendre de l’avion. Les policiers sont alors sortis puis sont revenus renforcés par un officier ; d’un ton menaçant, ils m’ont expliqué qu’ils allaient rédiger un rapport de non coopération à mon égard. Voyant que les événements allaient prendre une tournure grave, j’ai décidé d’obtempérer et j’ai quitté l’avion ; c’est alors que j’ai rencontré le commandant de bord, au sol, qui m’a dit en ces termes « je refuse de piloter un avion dans lequel vous vous trouvez ». Les policiers ont ajouté que le pilote était libre de sa décision mais j’ai rappelé que l’avion n’était pas la propriété du pilote mais bien celle de l’Etat et que l’appareil roule avec le kérosène de tous les algériens. Après une longue discussion qui a duré une vingtaine de minutes et une tentative des policiers de régler le problème à l’amiable, le commandant de bord a persisté sur sa décision et l’avion a entamé son départ.

J’ai alors accompagné les policiers dans leur bureau où ils ont rédigé un rapport en l’absence de plainte officielle de la part de l’hôtesse ou du pilote ; pour eux il n’y avait pas du tout d’affaire. J’étais juste invité à aller rembourser mon billet sans pouvoir regagner ma destination ni exprimer officiellement et librement mon point de vue.

Pour le moment, je refuse de commenter ce que cache cet événement grave mais il ne pourrait rester sans suite car il s’agit d’un fait qui n’aurait pas pu se produire même à l’intérieur d’un avion d’une compagnie française…

HYPOTHÈSES

Un commandant de bord a le droit de refuser l’embarquement d’un voyageur s’il juge qu’il représente un danger réel pour les voyageurs ou l’équipage. Dans le présent cas, le jugement était fondé sur les quelques phrases écrites par le Professeur D. Dou et adressées à l’hôtesse, sans lui prononcer le moindre mot!

On ne peut parler ici d’un cas de dis-proportionnalité entre réaction et action, parce que Professeur D. Dou n’a pas du tout agit! Il a exprimé une doléance aussi simple et civilisée que le fait de se plaindre d’un siège inconfortable ou du dérangement d’un voisin…

La question est donc d’où ce commandant de bord a puisé cette force de décision inédite de faire descendre un voyageur par la force, chose dont on n’a presque jamais entendu parlé?! Bien sûr, rien n’exclut qu’un commandant de bord ait des problèmes psychiatriques comme cet Allemand qui a fait écraser son avion il y a quelques mois. On peut sinon penser aux trois raisons suivantes:

Tout le monde s’accorde qu’un tel acte n’aurait pas pu se passer si l’avion se destinait à Constantine, Annaba, Oran, ou même Batna ou Bejai…Ici, l’avion se destinait à El Oued. Il n’est caché à personne que ces équipages d’Air Algérie se comportent avec beaucoup d’arrogance par rapport aux habitants et voyageurs du Sud, notamment à cause de leurs habitudes vestimentaires et surtout “leur langue”. Les gens du sud sont des “gentils” (contrairement aux voyageurs en France qui sont revendicatifs et zélés). Personne ne peut faire disparaitre ce genre de sentiment (de mépris basé sur les apparences), mais le fait de le faire suivre par un acte matériel est intolérable dans le monde de 2015, notamment quand cela vient d’une personne qui est censée avoir voyager et ayant eu une formation minimale lui assurant une ouverture culturelle!

Cette action du commandant de bord pourrait aussi être l’expression d’un fanatisme linguistique primaire, en relation ou sans relation, avec l’actualité et la polarisation du débat sur l’école en Algérie dans les médias. On peut dans ce cas s’inquiéter du fait que le débat idéologique déborde à la société au point d’utiliser des moyens publics de manière indigne et grossière pour régler ses comptes avec son adversaire.

L’autre hypothèse, également plausible est que l’hôtesse fait partie du “harem” du commandant de bord (ou est en train de le devenir), et que c’était une occasion pour lui de lui faire une démonstration de virilité. Il mériterait dans ce cas une double peine, pour avoir exercer un abus de pouvoir à l’égard d’une collègue et d’un voyageur.

A I’INTÉRIEUR D’AIR ALGÉRIE

Il est plausible que les trois hypothèses soient vraies dans le cas de ce commandant de bord, simplement parce que tout le monde peut témoigner de ce genre de comportement à Air Algérie.

Cette compagnie qui est une vitrine internationale du pays est un symbole de légèreté économique, organisationnelle et morale. Les raisons sont évidemment multiples, mais aujourd’hui, ce sont la compétence et l’honnêteté de son personnel, notamment ses pilotes d’avions, qui sont mis en cause.

On ne peut pas ici éviter de débattre du choix de ces pilotes. L’adhésion à cette communauté de pilotes d’Air Algérie est une affaire aussi secrète et occulte que l’adhésion à une confrérie de type “franc-maçonnerie”…, les jeunes bacheliers passionnés par ce métier le savent bien.

Pour accéder à ce milieu, rien ne compte (en dehors de quelques rares exceptions), autre que le niveau socio-économique et les connaissances. C’est normal qu’une personne issue d’un tel milieu ne supporte pas les remarques du “bédouin” (néanmoins professeur de physique théorique) Djamel Dou (surtout quand elles sont adressés à un membre de son harem)!

De facto, l’apartheid géographique dans les métiers et responsabilités en Algérie, atteint son paroxysme chez Air Algérie. On peut parier qu’Air Algérie a zéro pilotes originaires de dizaines de wilayas de l’intérieur du pays (pour être précis, la wilaya d’El Oued ne fait pas partie des ces wilayas à 0 pilotes).

Il est connu dans le choix d’un pilote d’avion, il y a autant d’exigences physiques que scientifiques ou techniques. Exclure des dizaines de wilayas de l’intérieur du recrutement des pilotes, c’est dire qu’ils sont tous: laids, bruns, petits et myopes!

On raconte qu’on avait pris conscience du phénomène pendant la présidence de Zeroual, et on a sélectionné une dizaine de candidats pour les lancer dans Air Algérie (en tant que pilotes). On les a ensuite tous éliminé un par un! Comment ces bédouins osent-ils concourir avec des “beaux blancs et grands”?

Dommage pour ce pays, qui n’a pas su profiter de ses “bédouins”, comme à quelques milliers de kilomètres, des “bédouins” (équivalents aux nôtres) possèdent et gèrent les meilleures compagnies aériennes du monde telles l’Emirates… (quoique l’on pense d’eux)!

En revanche, 50 ans de gestion par ceux qui ont le physique de Suédois ou Allemands mais le cerveau de vrais bédouins (au sens d’Ibn Khaldoun) ont fait d’Air Algérie l’une des compagnies les plus déficitaires au monde (par rapport aux moyens engagés).

Il est aujourd’hui du droit de tous les algériens de demander à Air Algérie de publier les CV de tous ses pilotes en indiquant clairement leurs appartenances sociale et géographique. Il est évident qu’être pilote à Air Algérie est beaucoup plus un privilège qu’une compétence. Faire croire au contraire, c’est-à-dire que les pilotes d’Air Algérie méritent leur places, équivaut à dire que la couleur de la peau et des yeux, la taille… sont une “compétence”; depuis les années 40 (du siècle dernier) l’humanité n’a pas vu des institutions ou groupes officiels dans aucun pays du monde, exprimer ou appliquer ouvertement une idéologie de suprématie aussi raciste!

La distribution de l’origine géographique des pilotes d’Air Algérie devrait être à la proportionnelle comme celle des députés au parlement.

Enfin, ll va de soi qu’il y a une minorité du personnel d’Air Algérie y compris des pilotes, peut-être une poignée, qui méritent tout notre respect et sont exclus de ces propos.

Hamma Bou-Affane
Un indigène, mais avant tout Algérien, et qui aspire à l’abolition de toute forme de discrimination socio-économique, culturelle ou ethnique dans son pays
2 septembre 2015

3 commentaires

  1. agression par la langue
    Votre écrit est fort intéressant. J’ignore si on peut comparer ce cas à celui des berbèrephones à qui on s’ adresse en arabe qu’ils ne comprennent pas, dans les administrations et à travers les médias lourds dont ils contribuent au financement. Merci

  2. Victimologie linguistique
    [quote name= »ywaali »] .. J’ignore si on peut comparer ce cas à celui des berbèrephones à qui on s’ adresse en arabe qu’ils ne comprennent pas .. [/quote]
    Cela relèverait donc d’un problème d’alphabétisation.. que l’administration actuelle serait de toute façon incapable de résoudre.

    Les berbères par contre ont eux même résolu ce problèmes depuis belle lurette en adoptant l’arabe comme langue de culture, d’union et de civilisation en devenant maîtres en la matière et en la répandant dans les contrées du Maghreb voir même du sud de l’Europe.

    Donc à moins de mettre sur le même plan la langue nationale qui unit les algériens et la langue française étrangère, on ne peut pas comparer les deux cas.

  3. BENAMMOUR on

    ingénieur de l’aéronautique à la retraite
    je viens par hasard de lire cet épisode ubuesque.Je tiens à faire remarquer à l’auteur de cet article que je partage tout à fait son point de vue et qu’il est inadmissible que l’on se comporte de cette façon avec un citoyen qui a payé son billet et qui a droit à certains égards. Je lui conseille de porter cette affaire à la connaissance des responsables concernés, c’est à dire le PDG d’AIR ALGÉRIE et l’autorité de tutelle , à savoir le Ministère des Transports de manière à sanctionner le pilote et l’hôtesse; avec le numéro de vol et la date , il n’est pas encore trop tard pour le faire. En second lieu, s’il n’y a pas de réaction, il est possible de saisir L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale , dont le siège est à MONTRÉAL (CANADA) dont l’Algérie est membre en tant que signataire de la Convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale. Il faudra évidemment apporter la preuve que l’admission à bord du Pr DOU constitue un danger pour le vol , ce qui à mon sens sera difficile à prouver.Les Commandants de bord sont coutumiers de ce genre d’initiative et il serait à mon sens , temps d’y mettre fin.Quant au recrutement des pilotes , je suis d’avis qu’il fasse l’objet d’une large publicité , car on constate très souvent qu’un stage de pilotes a lieu quand les candidats sont en formation à l’étranger soit en France, soit en Grande Bretagne. Je signale à toutes fins utiles qu’il existe , en ALGÉRIE même, à BATNA plus exactement , une école algérienne de pilotage qui s’appelle « AURES AVIATION ».

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